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  • La polémique au sujet du testament spirituel du cardinal Martini

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    Après Martini, une dispute à propos de son testament spirituel

    "La polémique a été provoquée par sa dernière interview, publiée après sa mort et que la haute hiérarchie de l'Église a passée sous silence, à la seule exception du cardinal Ruini. Raison de plus pour en faire une analyse critique

    par Sandro Magister

    ROME, le 6 septembre 2012 – "Le cardinal Martini ne nous a pas laissé un testament spirituel, au sens explicite du mot. Son héritage tient tout entier dans sa vie et dans son magistère et nous devrons continuer à y puiser longtemps. Mais il a choisi la phrase à inscrire sur sa tombe. Elle est tirée du psaume 119 [118] : 'Ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route'. Ce faisant, il nous a lui-même donné la clé qui permet d’interpréter sa vie et son ministère".

    En s’exprimant ainsi, le 3 septembre, au cours de l’homélie qu’il a prononcée pour les funérailles de son prédécesseur le cardinal Carlo Maria Martini, le cardinal Angelo Scola, archevêque de Milan, a refusé la qualité de "testament spirituel" à l'interview de Martini publiée au lendemain de sa mort par le "Corriere della Sera" :

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  • Italie : une nouvelle sortie du cardinal Martini

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    martini_152.jpgL’ancien archevêque de Milan, le jésuite Carlo Maria Martini (85 ans) fait partie de la vieille garde conciliaire. Il vient de se déclare en faveur de la reconnaissance par l'Etat des "mariages" entre homosexuels. Ceci a été rapporté ces derniers jours par de nombreux journaux italiens, donnant un grand relief à la nouvelle.

    Commentaire de Mario Palmaro dans « La Bussola Quotidiana » du 30 mars, relayée par notre consoeur du blog « Benoît et moi (extraits) :

    « (…) Qu'a écrit, exactement, le cardinal Martini? Le texte est tiré du livre 'Credere e conoscere' (croire et connaître), publié par Einaudi, écrit en dialogue avec l'ancien sénateur du PD (Partito Democratico, gauche) Ignazio Marino.(…). Voici le passage incriminé: "Je crois que la famille doit être défendue parce que c'est vraiment ce qui soutient la société de manière stable et permanente, et pour le rôle fondamental qu'elle exerce dans l'éducation des enfants. Toutefois, il n'est pas mauvais qu'à la place de rapports homosexuels occasionnels, deux personnes aient une certaine stabilité et, par conséquent, en ce sens, l'Etat pourrait aussi les favoriser" (…)

    Le cardinal Martini écrit précisément que l'Etat doit aider les homosexuels à stabiliser leur relation. Il théorise une page inédite du catéchisme catholique, en soutenant que - touts comptes faits - plutôt que d'avoir des relations occasionnelles et superficielles, les personnes homosexuelles s'engagent de manière sérieuse et prolongée, grâce à une institution mise en place par l'Etat. C'est plus clair comme cela.

    La Congrégation pour la Doctrine de la Foi a publié non pas un, mais deux documents pour enseigner le contraire, et dire qu'un politicien, a fortiori catholique, ne peut pas soutenir une proposition de loi qui prévoit la reconnaissance des unions homosexuelles. Ergo: Martini et l'Eglise enseignent des choses différentes. (…). Et c'est là que s'insère la grave erreur de fonctionnement du monde catholique officiel: faite de silences gênés, de défenses douloureuses dans une tentative impossible d'homogénéiser ce qui a été dit par le cardinal et ce qui est enseigné par l'Eglise durant toutes ces années (…). Si un pasteur enseigne des choses fausses dans une matière qui ne souffre pas de discussion - et sans aucun doute, c'est le cas ici - les fidèles ont le droit d'être aidés à reconnaître l'erreur, et l'auteur de l'erreur doit être démasqué pour le bien de chaque croyant. Plus: seules les personnes de mauvaise foi ou les idiots peuvent prétendre ne pas remarquer que les sorties "aperturistes" dont le cardinal Martini [est coutumier] secouent l’'Eglise dans tous ses replis, et rendent encore plus fertile le sous-bois déjà luxuriant des petites et grandes hérésies paroissiales.
    Désormais, les prêtres et les catéchistes, les religieuses et les théologiens qui veulent être "possibilistes" sur les unions entre personnes du même sexe ont l'appui des paroles d'autorité du "bibliste Martini"; et ils offriront le livre écrit à quatre mains avec Marino aux conseils de paroisse, "car alors au moins, ils se feront une idée et auront droit à la provocation". Et ils inviteront le médecin-Marino ("qui est catholique, entendons-nous") à tenir quelque belle conférence avec Enzo Bianchi. (ndlr prieur de la communauté interconfessionnelle de Bose en Italie). Sans exagération et sans animosité, nous disons nous, catholiques de Voghera: Rome, nous avons un problème. Faites vite, aidez-nous »  L’article complet ici : Quand un cardinal est en désaccord avec l'Eglise

    En 2002, atteint par l’âge de la retraite,  Martini s’était, selon ses dires, «  retiré à Jérusalem pour prier et se consacrer à ses études bibliques ». Mais lors du conclave de 2005, à 78 ans, il était toujours cardinal électeur et éligible au souverain pontificat : les progressistes avaient espéré qu’il succède à Jean-Paul II, alors qu’il souffrait déjà de la maladie de Parkinson, celle-là même qui avait emporté le pape Wojtyla. En 2008, Martini quitte la Terre Sainte et rentre en Italie : sa maladie, qui s’est aggravée, se conjugue néanmoins toujours avec une logorhée contestataire portée par tous les anciens combattants inspirés par l’esprit du concile.

    Les Jésuites utilisent, paraît-il, une très belle expression pour indiquer le rôle de ceux qui sont à la retraite : "ils prient pour la Compagnie". Le P. Scalèse, un peu cruel, conclut en commentaire d’une précédente sortie de Martini sur des sujets de société : « A plus forte raison, un Cardinal jésuite devrait, selon moi, faire vraiment cela : prier pour l'Église et pour ses Ordres religieux, plutôt que d'aller chercher de nouvelles chaires médiatiques pour y pontifier »

  • Le cardinal Martini était un ”prophète” selon le cardinal Czerny

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    De la Catholic News Agency :

    Le cardinal Martini était un "prophète", selon un cardinal du Vatican

    17 mai 2022

    Le cardinal du Vatican Michael Czerny a décrit lundi le défunt cardinal italien Carlo Maria Martini comme un "prophète".

    Czerny, le préfet du Dicastère pour la promotion du développement humain intégral, a déclaré que le théologien jésuite controversé avait anticipé les développements récents dans l'Église catholique.

    M. Martini, bibliste de renom, a été décrit par le New York Times comme l'un des "penseurs progressistes les plus influents" de l'Église catholique et comme un "successeur possible du pape Jean-Paul II", avec lequel il avait des vues opposées sur l'orientation de l'Église.

    M. Martini, qui a dirigé l'archidiocèse de Milan de 1979 à 2002, a déclaré dans une interview peu avant sa mort en 2012 que "l'Église a 200 ans de retard."

    S'exprimant à Milan le 16 mai, le cardinal Czerny a déclaré : "Beaucoup l'appréciaient déjà lorsqu'il était parmi vous, non sans malentendus, incertitudes et oppositions".

    "Maintenant, nous le comprenons tous mieux, en reconnaissant comment ses visions et les priorités de son gouvernement pastoral - je voudrais aussi dire son style d'écoute, de prière et de vie - ont anticipé des chemins qui impliquent finalement l'Église universelle."

    Les propos du cardinal Czerny ont été rapportés par Vatican News, le portail d'information en ligne du Saint-Siège, qui précise que le jésuite canadien s'est exprimé lors du lancement du sixième volume des œuvres complètes de Martini.

    Le livre s'intitule "Farsi prossimo" ("Approche-toi"), titre d'une lettre pastorale que Martini a écrite aux catholiques de Milan. Cette lettre a donné lieu à un congrès diocésain en 1986, que Czerny a relié au processus synodal global lancé par le pape François.

    Le pape François a fait référence à Martini à plusieurs reprises depuis son élection en 2013.

    Dans un discours prononcé en 2013 devant la Fondation Carlo Maria Martini, il a décrit le cardinal comme "un prophète de la paix" et "un père dans l'Église, non seulement pour son diocèse, mais pour d'innombrables personnes."

    Le pape a rappelé l'entretien final de Martini dans un discours à la Curie romaine en 2019.

    Il a déclaré : "Le cardinal Martini, dans sa dernière interview, quelques jours avant sa mort, a dit quelque chose qui devrait nous faire réfléchir : 'L'Église a 200 ans de retard. Pourquoi n'est-elle pas secouée ? Avons-nous peur ? La peur, au lieu du courage ? Pourtant, la foi est le fondement de l'Église. Foi, confiance, courage... Seul l'amour vainc la lassitude".

    Dans son discours à Milan, le cardinal Czerny a déclaré que Martini "a fait ce que le concile [Vatican II] lui a demandé, un événement qui, dans sa jeunesse, comme dans celle du pape François, a représenté un printemps évangélique."

    Pourtant : Non, Jorge Mario Bergoglio n'est pas Carlo Maria Martini

    Sur belgicatho, de nombreux articles ont abordé le rôle du cardinal Martini, notamment dans la "mafia de Saint-Gall").

  • Shan et Martini, des figures très contrastées

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    Sandro Magister met en ligne sur chiesa.espresso.repubblica.it cette note :

    Le cardinal Shan, un "maître de sagesse et de fidélité à l'Église"

    En l’espace de quelques jours, deux cardinaux très différents l’un de l’autre, notamment quant à leur notoriété, mais tous deux de grande envergure, viennent de disparaître : le 22 août, le Chinois Paul Shan Kuo-hsi et, le 31 août, l'Italien Carlo Maria Martini.

    À maintes reprises www.chiesa est intervenu à propos de Martini, y compris en laissant s’exprimer des voix qui le critiquaient, en particulier au sujet de son dernier livre important, "Conversations nocturnes à Jérusalem", qui a définitivement consolidé dans l'opinion publique son image symbolique d’alternative "conciliaire" aux deux derniers papes :

    > Le Jésus du cardinal Martini n'aurait jamais écrit "Humanæ Vitæ"

    > Dieu n'est pas catholique. Parole de cardinal

    Le cardinal Shan, au contraire, est toujours resté dans l’ombre. Mais, précisément pour cette raison, il est encore plus surprenant de découvrir aujourd’hui son action cachée, indissolublement liée au drame de l’Église de son pays, la Chine.

    Laissons donc la parole au cardinal Zen, qui a été très proche de lui].

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  • C'est dans son approche sociologique que le Cardinal Martini se serait trompé

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    Massimo Introvigne a bien connu le Cardinal Martini et ne se reconnaît pas dans ceux qui le célèbrent ou l'incriminent. A ses yeux, Martini n'était pas un libéral :

    "Le cardinal jésuite, écrit-il, ne pensait pas, à l'instar de progressistes authentiques, que la transition à partir des valeurs de la société traditionnelle à celles de la société postmoderne, basées sur un individualisme absolu et sur le rejet de toute notion d'éthique naturelle, notamment en matière de sexualité, constituait un développement joyeux, triomphal et en tout point positif. Il me semblerait qu'il avait même une certaine nostalgie de la société traditionnelle et de ses valeurs. Il pensait, cependant, que la société traditionnelle était morte une fois pour toutes, que ces valeurs étaient parties sans possibilité de retour, et que la seule chance de survie de l'Église était d'en prendre acte. Soit l'Eglise rencontre la postmodernité et s'y adapte, pensait-il, ou alors la postmodernité détruira l'Eglise, en la réduisant à un résidu petit et insignifiant."

    Ainsi, certains reprocheront au cardinal d'avoir eu une approche théologique erronnée par défaut d'espérance, en ne croyant pas à la possibilité d'une réversibillité du cours des évènements. Pour M. Introvigne, Martini, dans ses prises de position, se serait plutôt trompé dans son analyse sociologique. Aux yeux de M. Introvigne, son approche est démentie par les faits : il suffit de regarder ce qui se passe dans les pays du nord de l'Europe où le protestantisme "libéral", qui accepte l'éthique nouvelle - de l'avortement aux unions homosexuelles -, est en plein effondrement alors que les protestants identitaires (Mormons, pentecôtistes, fondamentalistes, etc.) qui promeuvent une éthique sexuelle plus rigide que celle de l'Eglise catholique connaissent une croissance spectaculaire. "Il est vrai que dans la société laïque, la disparition de l'éthique traditionnelle est considérée comme acquise. Mais il n'en est pas moins vrai que les Eglises et les confessions qui se sont adaptées à l'éthique nouvelle, sous les applaudissements des médias, sont abandonnées par les fidèles. En revanche, on constate un afflux vers les confessions qui défendent des positions éthiques plus rigides. Les sociologues ont expliqué depuis des années les raisons pour lesquelles cela se produit. Celui qui accepte la nouvelle éthique est partout chez lui dans la société, et n'a pas besoin de se tourner vers les Eglises. La minorité qui va à l'église, pour une large part, n'apprécie pas la nouvelle éthique, et choisit majoritairement ces Eglises, dénominations, et mouvements qui n'acceptent pas le monde postmoderne, mais s'en démarquent." 

    "Pour dire les choses plus crûment, en acceptant les conclusions - formulées encore dans une récente interview à propos d'une «Église en retard de deux cent ans» - que Martini déduisait de prémisses qui étaient pourtant erronnées, l'Eglise catholique ne résoudrait pas ses problèmes mais dépérirait tout comme l'Eglise luthérienne danoise. Par conséquent, dans le cas du Cardinal Martini, il ne s'agit pas tant d'une idéologie progressiste ou d'une mauvaise théologie que d'une mauvaise sociologie. Un défaut, peut-être plus facile à pardonner à un homme qui avait tant de capacité et tant de culture, en plus à quelqu'un qui a toujours manifesté un véritable amour pour l'Eglise. A condition de ne pas adopter les soins qu'il proposait pour l'Eglise, parce qu'ils étaient fondés sur un diagnostic erroné."

    L'article, en italien, se trouve ici : https://www.facebook.com/notes/massimo-introvigne/introvigne-martini-come-lho-conosciuto-io/10151292212776328 

    Les erreurs de perspective dénoncées par Massimo Introvigne trouvent une confirmation ici : http://www.lalibre.be/actu/international/article/758212/l-eglise-a-200-ans-de-retard.html

  • L’interview-testament du Cardinal Martini: une manipulation ?

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    Sur le site de “La Vie”, Jean Mercier et Samuel Bleynie posent en tout cas les bonnes questions au sujet de ce buzz médiatique:

    Atteint de la maladie de Parkinson depuis de nombreuses années, le cardinal Martini avait pris sa retraite à Jérusalem. Il était revenu en Italie, près de Milan, en 2008 afin de se faire soigner. Son état n'avait ensuite fait qu'empirer ces derniers mois et il était fortement diminué. Il terminait dans la paix une vie riche et pleine.

    Surprise : le lendemain même de la mort du cardinal, samedi 1er septembre, le Corriere della Sera publie un entretien posthume dans lequel le défunt interpelle vigoureusement l'institution. Interview reprise dans de nombreux medias, qui l'ont résumée par l'une de ses phrases choc : « L'Eglise a 200 ans de retard ! ». L'interview a été recueillie le 8 août dernier (soit 23 jours avant le décès) dans la maison de soins de Gallarate, par le jésuite autrichien Georg Sporschill, auteur d'un livre d'entretiens avec le cardinal Martini intitulé « Le Rêve de Jérusalem » (2008, édition française en 2009), et par Federica Radice Fossati, qui a joué le rôle d'interprète. Dans cette interview, il répond de façon détaillée à quatre questions sur la situation de l'Église catholique, préconisant des solutions radicales.

    Reprenant la parabole du jeune homme riche qui renonce avec tristesse à suivre Jésus, il dénonce une Église « fatiguée dans l'Europe de l'abondance et en Amérique ». Pour remédier à cette situation il appelle le pape et les évêques à « chercher douze personnes hors du commun pour les postes de direction » afin de « raviver la flamme de l'amour ». Il poursuit son discours par trois conseils : se convertir en prenant un « chemin radical de changement, à commencer par le pape et les évêques », se recentrer sur la parole de Dieu et repenser les sacrements, non pas comme « des instruments de discipline, mais comme un secours pour les hommes dans les moments de cheminement et dans les faiblesses de la vie ». Tout en regrettant l'immobilisme et la peur de l’Eglise catholique, il conclut en s'adressant directement à chacun d'entre nous : « Et toi, que peux-tu faire pour l'Église » ?

    Première question : le cardinal a t-il vraiment pu s'exprimer de façon aussi construite et abondante trois semaines avant sa mort, alors qu'il était presque aphone selon certaines sources ? Depuis quelques années, il peinait à répondre aux interviews. Le vaticaniste Andrea Tornielli, qui l'avait interrogé en décembre 2011 n'avait pu obtenir que des réponses laconiques. Interrogé par nos soins, le père Georg Sporschill a évoqué un cardinal Martini se donnant « beaucoup, beaucoup de mal pour l'entretien, car sa voix était devenue très faible”, l’interprête ayant du se placer tout près de lui pour recueillir ses paroles. L'évêque émérite de Milan aurait même voulu que ses interlocuteurs restent avec lui « toute la journée ». Ils ont célébré ensemble l’eucharistie, nous a dit le Père Sporschill.

    Deuxième question : le cardinal était-il dans l'état d'esprit d'un discours aussi « politique » sur l'état de l'Eglise? Si le Martini des années 2000 est bien présent dans cette interview, celui des derniers mois avait fait surgir un autre visage, davantage tourné vers la vie éternelle. Interrogé sur sa manière de vivre sa maladie en décembre 2011, il disait que son plus grand bonheur était de se retrouver devant le Saint Sacrement. En juin 2012, arrêtant sa chronique pour le Corriere, il déclarait « Le moment est venu pour moi de me retirer des choses terrestres et de me préparer à l'avènement du Royaume ». Déjà en 2008, dans « Le rêve de Jérusalem », il confiait : « j'ai rêvé d'une Eglise de la pauvreté et de l'humilité (...). Mais aujourd'hui, je n'ai plus ces rêves : après 75 ans, j'ai décidé de prier pour l'Eglise ». Interrogé à ce sujet, le Père Sporschill répond ceci : “ Je ne doute pas de la profonde union du cardinal avec Dieu. Mais son combat pour l'Eglise comptait beaucoup. La clé de compréhension se trouve dans sa dernière phrase : "Que peux-tu faire pour l'Eglise ?". Servir l'Eglise, il le voulut jusqu'à son dernier souffle. Et donner voix aux besoins des hommes."

    Troisième question : est-il vraiment raisonnable de recueillir les dernières volontés d'un homme extrêmement diminué ? Pierre de Charentenay, jésuite et rédacteur en chef de la revue Etudes, s'interroge sur le bien-fondé d'un entretien avec un homme aussi affaibli que l'était le cardinal : « Faire parler un mourant, c'est suspect.»  De son côté, le Père Sporschill dément tout abus de faiblesse : “Son esprit était clair, comme toujours, comme lorsque nous avons fait les Conversations nocturnes à Jérusalem (ndlr : paru en français sous le titre Rêve à Jérusalem, en 2009). Le cardinal a lu la transcription de l'entretien et l'a accepté, nous a dit son secrétaire dans les jours qui ont suivi.”

    Quatrième question : est-il vraiment utile, à l'heure du deuil, de créer l'émoi médiatique avec des propos à portée polémique, en lieu et place du silence ou de l'action de grâces, et au risque de figer Carlo Maria Martini dans un rôle de contestataire prophétique ? S’il a effectivement incarné la tendance réformiste dans l'Eglise, le cardinal a toujours regretté qu'on l'enferme dans la posture de l'opposant progressiste, comme les médias s'y employaient parfois. Il soulignait, ces dernières années, son estime pour Benoît XVI. Le pape avait tenu à le rencontrer en privé lors de sa visite en terre milanaise, en juin. Ce cri posthume, fidèle à la pensée critique et à la spiritualité du cardinal défunt, semble néanmoins le caricaturer au risque de faire oublier son immense stature de bibliste et de théologien.

    Interrogé sur le "timing" de la sortie du texte, le père Sporschill s’abrite derrière le secrétaire du cardinal, le père Damiano Modena, qui, selon lui, ne “voulait pas l'embêter, avant son départ, avec la question de la publication”.

    Dans un article du Corriere della Sera paru le 4 septembre, Federica Radice Fossati raconte les coulisses de son interview. Présentée par le quotidien milanais comme « une des personnes qui, ces dernières années, ont été les plus proches du cardinal », cette mère de famille vivant à Vienne (Autriche) explique s'être rendue le 8 août à Gallarate en compagnie du père Georg Sporschill. Après la messe concélébrée par le cardinal Martini et le repas, elle relate une conversation où le cardinal, malgré la fatigue, « continuait à parler, aller de l'avant. J'étais stupéfaite (...) Nous pensions discuter dix minutes et nous avons continué pendant deux heures, le père Sporschill en allemand, le cardinal en italien, et moi, une femme laïque, qui traduisait et me retrouvait témoin de ce dialogue entre deux grands jésuites ».

    Federica Radice Fossati rapporte être ensuite retournée à Gallarate le 23 août après avoir envoyé la version écrite de l'entretien (qu’elle a traduite en italien d’après la version éditée en allemand par le père Sporschill), texte que “le cardinal avait lu et approuvé” . Elle poursuit : « Ce jour-là, don Damiano m'a dit : “le texte est magnifique mais très fort, nous le publierons après sa mort”. Nous étions tous conscients que c'était une sorte de testament. Et déjà nous savions que c'était une question de jours.».

    Selon nos informations, le cardinal Martini aurait effectivement eu connaissance du texte, mais n’aurait fait aucun commentaire. Le père Modena, qui n'avait pas participé à l'interview proprement dite, aurait effectivement manifesté son enthousiasme à la lecture du texte, sans qu’une date de publication soit spécifiquement arrêtée.”

    Ici: Quelques questions sur l'interview posthume du cardinal Martini 

  • Le Cardinal Martini rêvait d’un Concile Vatican III vraiment oecuménique

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    Le cardinal Carlo-Maria Martini, dont les funérailles seront célébrées en la cathédrale de Milan ce lundi 3 septembre 2012, avait fait un rêve éveillé résumant  tous les songes qui l’habitaient: ce fut lors du synode qui a eu lieu à Rome du 1er au 23 octobre 1999, et dont le thème était : « Jésus-Christ, vivant dans son Église, source d’espérance pour l’Europe ». Jean Mercier en avait alors pris note (extraits) :

    “ (…), l’archevêque de Milan a opté pour le hors-piste prophétique. Il rêve tout simplement d’un nouveau concile.

    Bien sûr, le mot même n’a pas été prononcé, mais le propos est clair. Mgr Martini a appelé, " pour le siècle qui s’ouvre, à une expérience de confrontation universelle entre les évêques ". Et pourquoi ? " Pour permettre de défaire certains nœuds disciplinaires et doctrinaux, peu évoqués ces jours-ci, mais qui réapparaissent périodiquement comme des points chauds sur le chemin des Eglises européennes. " Et l’orateur d’ajouter : " Et pas seulement européennes. " Puis de citer, dans l’ordre : la carence dramatique en ministres ordonnés ; la position de la femme dans la société et dans l’Eglise ; la participation des laïcs à quelques " responsabilités ministérielles ", la sexualité, la discipline du mariage, l’espérance œcuménique. Autant de sujets, a expliqué le cardinal Martini, " qui ont déjà émergé lors de synodes précédents, mais pour lesquels il importe de trouver des lieux et des instruments adaptés pour un examen soutenu. Assurément, ni les enquêtes sociologiques ni les pétitions ne sont des instruments valables. Ni les groupes de pression. Mais, sans doute, un synode ne serait pas non plus suffisant. " Dont acte ! Solution préconisée pour défaire " les nœuds " de l’Eglise : " Un instrument collégial plus universel et qui fasse autorité. " Et qui passe en revue les problèmes qui ont émergé depuis 40 ans. L’horizon proposé aux évêques est " une expérience de communion, de collégialité et d’Esprit-Saint que leurs prédécesseurs ont éprouvée lors de Vatican II et qui, désormais, n’est plus un souvenir vivant que pour quelques témoins. " Très applaudi, le discours a frappé fort. (…)  

    Et Jean Mercier commente :  “De nombreuses voix se sont manifestées depuis dix ans pour demander des changements et réinventer la collégialité dans l’Eglise. Comme Mgr Martini, qui recommande de débattre sur des questions précises et sujettes à controverse, l’évêque de Bâle, Mgr Kurt Koch a récemment prôné la tenue d’un concile sur la question des ministères ordonnés et l’ordination des femmes.

    Dans un article paru en avril dernier [ndb: 1999] dans Concilium, les théologiens catholiques Christoph Théobald et Dietmar Mieth évoquaient l’idée d’une " conciliarité universelle ", qui ferait de l’Eglise une sorte de laboratoire dans lequel tous auraient la parole et où à chaque Eglise, à chaque groupe serait laissé le temps " d’aller de l’avant ou de se convertir ". Une vision probablement encore plus vaste que celle de Mgr Martini, mais qui fait écho à celle de Konrad Raiser, secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises, qui rêve d’un concile, véritablement œcuménique au sens de l’appellation issue des premiers siècles, de toutes les Eglises chrétiennes. Vœu ambitieux, également cher au théologien Raimon Panikkar. Ce dernier milite pour un " concile de Jérusalem ", qui lancerait toutes les confessions issues du christianisme dans une " mutation bouleversante " face aux défis du prochain millénaire, prenant courageusement le risque de rudes conflits entre les cultures et les interprétations de l’Evangile.

     Tout le texte ici: Concile par-delà le rêve

     Bref, un nouveau concile encore plus libéral que Vatican II :  pour achever le malade déjà immunodéprimé ?

     Notons que l’assemblée synodale de 1999 applaudit à tout rompre l’intervention de Mgr Martini et, en son sein, sans doute aussi l’évêque de Bâle, Mgr Kurt Koch. Ce dernier venait justement de prôner la tenue d’un concile sur l’ordination des femmes. Depuis lors Mgr Koch a fait du chemin : il est aujourd’hui cardinal et président du conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens.

  • Non, Jorge Mario Bergoglio n'est pas Carlo Maria Martini

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    Certains se sont risqués à voir dans le pape François un émule du cardinal Martini, au point d'écrire : "Martini pape. Le rêve est devenu réalité". 

    Le Professeur Alessandro Martinetti, un disciple du philosophe Gustavo Bontadini et spécialiste en métaphysique, réagit de la façon suivante (ICI) (traduit de l'italien par nos soins): 

    Martini et Bergoglio. Voici où ils divergent 

    Bergoglio et Martini très similaires ? Sans doute, mais aussi très différents. Si l’on pense combien ils divergent sur des questions très délicates et très brûlantes aussi pour l'Eglise, comme la reconnaissance juridique des unions homosexuelles et la dépénalisation de l'avortement.

    Alors qu'en Argentine le clash s’est produit à propos du projet de loi qui visait à légaliser ce qu'on appelle les « mariages » entre personnes homosexuelles, et qu’à ces dernières le droit à l’adoption serait reconnu, l'archevêque de Buenos Aires a fait lire ce message à toutes les messes le dimanche 11 juillet 2010 :

    « C’est à l’autorité publique qu’il appartient de protéger le mariage entre un homme et une femme par le biais de la reconnaissance juridique, afin d'assurer et de promouvoir son rôle irremplaçable et sa contribution au bien commun de la société.

    « Tandis que si elle accordait une reconnaissance juridique à l'union entre personnes du même sexe, ou si elle leur garantissait un statut juridique similaire au mariage et à la famille, l'état agirait de façon illégitime et irait à l'encontre de ses propres obligations institutionnelles, en altérant les principes du droit naturel et de l’ordre public de la société argentine.

    « Les situations juridiques des intérêts réciproques entre personnes du même sexe peuvent être suffisamment protégées par le droit commun. Par conséquent, ce serait une discrimination injuste à l’égard du mariage et de la famille que de donner au fait privé de l’union entre personnes de même sexe un statut de droit public. Nous faisons appel à la conscience de nos législateurs afin que, face à une question aussi grave, ils tiennent compte de ces vérités fondamentales, pour le bien de la patrie et de ses générations futures ».

    Sur la même question, en revanche, dialoguant avec le médecin et politicien Ignazio Marino, aujourd’hui maire de Rome, le Cardinal Martini affirmait :

    « Il n'est pas mauvais, au lieu de relations homosexuelles occasionnelles, que deux personnes aient une certaine stabilité et donc, en ce sens, l'État pourrait également le favoriser. Je ne partage pas les positions de ceux qui, dans l'Eglise, sont en désaccord avec les unions civiles. Je soutiens le mariage traditionnel avec toutes ses valeurs et je suis persuadé qu’elles ne devraient pas être remises en question. Mais si certaines personnes, de sexe différent ou de même sexe, veulent signer un contrat pour donner une certaine stabilité de leur couple, pourquoi n’en voudrions-nous absolument pas ? Je pense que le couple homosexuel, en tant que tel, ne pourra jamais être assimilé en tout point au mariage, et d'autre part je ne crois pas que le couple hétérosexuel et le mariage doivent être défendus ou étayés avec des moyens extraordinaires, car ils s'appuient sur des valeurs tellement fortes qu’il ne me semble pas qu’une intervention soit nécessaire pour les protéger. Pour la même raison, si l'État fait quelques concessions au bénéfice des homosexuels, je ne m’y opposerais pas trop. L'Eglise catholique, de son côté, favorise les unions qui sont favorables au maintien de l'espèce humaine et à sa stabilité, et pourtant il n'est pas juste de soutenir une discrimination à l’égard d’autres types d'unions ».

    Les mots parlent d'eux-mêmes : la position de Bergoglio est nettement divergente de celle du Cardinal Martini et coïncide parfaitement avec l’énoncé de la Congrégation pour la doctrine de la foi :

    « Face à la reconnaissance légale des unions homosexuelles, ou à une équivalence légale de ces unions avec le mariage permettant le même accès aux droits qui sont propres à ce dernier, il convient de s'opposer de façon claire et décisive. On doit s’abstenir de toute forme de coopération formelle à la promulgation ou à l’application de lois si grossièrement injustes et, dans la mesure où c’est possible, de toute coopération matérielle au niveau de leur application. Dans ce domaine, chacun peut revendiquer le droit à l'objection de conscience.

     

    « Ils [les membres des unions de fait] peuvent toujours avoir recours – comme tous les citoyens sur la base de leur autonomie privée – au droit commun pour protéger des situations juridiques d'intérêt commun. » (Congrégation pour la doctrine de la foi, « considérations sur les projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes homosexuelles », 3 juin 2003, nos 5 et 9).

    Bergoglio, en outre, est fermement opposé à la légalisation de l'avortement, comme il l'a démontré sans équivoque avec ses initiatives dans son pays, se distinguant par son opposition inflexible à toute hypothèse de dépénalisation.

    En Argentine, l'avortement est illégal, sauf en cas de risque avéré pour la vie de la femme enceinte et dans le cas où la conception implique une femme mentalement handicapée et dérive de violences sexuelles. En 2012, le Parlement de la ville de Buenos Aires (fort d’une déclaration litigieuse de la cour suprême de l’état) a tenté d'introduire une dépénalisation plus large, approuvant une loi sur ce qu'on appelle des "avortements non punissables" qui fut bloquée ensuite par un veto du maire de la ville. L'opposition de celui qui était alors archevêque de Buenos Aires et président de la Conférence épiscopale d’Argentine fut extrêmement vigoureuse et très claire.

    Le 10 septembre, le Cardinal Bergoglio a fait diffuser ce communiqué de presse (« Sur la résolution à propos des avortements non punissables dans la cité de Buenos Aires ") :

    « En ce qui concerne le règlement des cas d'avortement non punissables par les autorités administratives de la ville de Buenos Aires, nous constatons une fois de plus la volonté délibérée de persévérer sur la voie de la limitation et de l'élimination de la valeur suprême de la vie, et du désir d'ignorer le droit des enfants à naître. Face à une femme enceinte, nous devons toujours parler de deux vies, lesquelles doivent toutes deux être préservées et respectées, car la vie est une valeur absolue.

    « La science biologique indique clairement par le biais de l'ADN, la séquence du génome humain, que, dès la conception, il y a une nouvelle vie humaine qui doit être protégée juridiquement. Le droit à la vie est un droit humain fondamental.

    « L'avortement n'est jamais une solution. Il faut l'écoute, la proximité et la compréhension de notre part pour sauver toutes les deux vies : respecter l'être humain plus petit et sans défense, prendre toutes les mesures qui puissent préserver sa vie, permettre sa naissance et, en outre, faire preuve de créativité pour trouver des moyens de rendre possible son plein développement.

    « Cette décision administrative qui élargit les hypothèses de dépénalisation de l'avortement, cédant à des pressions indues de la Cour suprême nationale – laquelle, par ailleurs, a repoussée au-delà de leurs limites leurs propres compétences en violation flagrante du principe de séparation des pouvoirs et des prérogatives fédérales – entraîne des conséquences de nature juridique, culturelle et éthique, puisque les lois impactent la culture d'un peuple, et une législation qui ne protège pas la vie favorise une culture de mort.

    « Face à cette décision regrettable, nous lançons un appel à toutes les parties concernées, aux fidèles et aux citoyens, afin que, dans un climat de très grand respect, soient adoptés des mesures positives pour la promotion et la protection de la mère et son enfant dans tous les cas, toujours en faveur du droit à la vie humaine ».

    En revanche, dans un autre entretien, toujours avec Marino, le Cardinal Martini faisait montre d’une certaine indulgence à l’égard de certaines formes de dépénalisation de l'avortement :

    « Il me semble que même sur un sujet douloureux, comme celui de l'avortement (qui, comme vous le dites, est toujours une défaite) il est difficile qu’un Etat moderne n’intervienne pas au moins pour empêcher une situation sauvage et arbitraire. Et il me semble difficile que, dans des situations comme les nôtres, l'État ne puisse pas demander qu'une différence ne soit pas établie entre les actes punissables au plan pénal et des actes qu’il ne convient pas de poursuivre pénalement. Cela ne signifie pas du tout « licence pour tuer », mais seulement que l'État ne se sent pas prêt à intervenir dans tous les cas possibles, mais s'efforce de diminuer les avortements, de les empêcher par tous les moyens surtout après un certain temps après le début de la grossesse, et s'emploie à réduire autant que possible les causes de l'avortement et à exiger des précautions parce que la femme qui décide de faire cet acte, en particulier dans des délais qui ne sont pas punissables par la Loi, n'en ressorte gravement endommagée physiquement jusqu’à se mettre en péril de mort ».

    À cet égard encore, la nette différence de posture et de convictions entre Bergoglio et Martini est évidente. Leurs paroles respectives sont éloquentes et se passent d’éclaircissements supplémentaires.

  • Le rôle occulte du cardinal Danneels dévoilé ?

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    DSC_0095-500x333.jpgJürgen Mettepenningen, l’éphémère porte-parole de la conférence épiscopale belge vient de publier en collaboration avec Karim Schelkens,  un professeur invité à la Faculté de théologie de la K.U.L., une biographie du cardinal Danneels, présentée ce 22 septembre à la Basilique nationale de Koekelberg.  Autour de l’archevêque émérite on reconnaissait notamment l’abbé Gabriel Ringlet, ancien vice-recteur de l ’U.C. L., l’ancien premier ministre belge Mark Eyskens, l’ancien président du conseil européen et ancien premier ministre belge Herman Van Rompuy et Mgr Herman Cosijns, secrétaire actuel de la conférence des évêques de Belgique. Le journaliste Christian Laporte, qui était aussi de la partie, a consacré une page entière de « La Libre Belgique » à la promotion de cette biographie (éditions Polis) dans les termes que l’on imagine venant d’un aficionado. Le cardinal a, peut-être, été plus embarrassé par les couronnes qu’un journaliste du magazine "Knack", Walter Pauli, lui a tressées en ces termes dans l’hebdomadaire « Le Vif »:

    « Les historiens de l'Église Jürgen Mettepenningen et Karim Schelkens viennent de publier une biographie du cardinal Godfried Danneels dans laquelle l'archevêque apparaît comme un défenseur de l'Église moderne. Il aurait même oeuvré pendant des années à l'élection du pape François.

    Opposé au pouvoir grandissant de Ratzinger et de sa clique au Vatican, l'archevêque de Milan Carlo Maria Martini a commencé à organiser des réunions "secrètes" d'évêques et de cardinaux à Saint-Gall en Suisse à partir de 1996. Ces rencontres étaient vaguement connues de certains spécialistes, mais il n'y a jamais eu de compte-rendu aussi détaillé des activités du "groupe de Saint-Gall" que dans la biographie de Jürgen Mettepenningen et Karim Schelkens. En 1999, Danneels a rejoint le groupe, dans lequel figuraient aussi l'évêque néerlandais Adriaan Van Luyn, les cardinaux allemands Walter Kasper et Karl Lehman, le Britannique Basil Hume et l'Italien Achille Silvestrini. Pour Danneels et les autres, il s'agissait de "vacances spirituelles", une forme de consolation et de soutien mutuel à une époque sombre.

    Le Vatican a envoyé le sinistre cardinal Camilo Ruini pour sonder de quoi il retournait, mais ce dernier a fait chou blanc. En même temps, le "Groupe de Saint-Gall" essayait d'influencer les agissements du Vatican. La question que l'on se posait de plus en plus expressément était la suivante : "Que se passera-t-il après Jean Paul II ? Comment éviter que Ratzinger ne devienne pape ?"

    Lors du conclave de 2005, Joseph Ratzinger s'est avéré trop fort. Danneels et les autres membres du groupe Saint-Gall ont à peine réussi à cacher leur déception. Ils ont mis leur manque d'enthousiasme sur le compte de la fatigue. Mais leur analyse fondamentale, que l'appareil du Vatican avait besoin d'être innové et que le message de l'Église devait être beaucoup plus optimiste, était prémonitoire. Le pontificat de Ratzinger a tourné à la catastrophe et l'Église a gémi sous les affaires de moeurs et de corruption. Entraîné par l'évêque brugeois Roger Vangheluwe à un entretien avec la famille du neveu avec qui il avait eu une "petite relation" et suspecté dans l'Opération Calice, Danneels a également été mêlé aux scandales.

    Cependant, l'élection de Jorge Mario Bergoglio en pape François met fin à cette période sombre. "L'élection de Bergoglio a été préparée à Saint-Gall, ça ne fait aucun doute. Et les grandes lignes de son programme sont celles dont Danneels et ses confrères discutaient depuis plus de dix ans" écrit Schelkens.

    Le 13 mars 2013, une vieille connaissance se tenait d'ailleurs aux côtés du nouveau pape François : Godfried Danneels. Officiellement, il était là en tant que doyen des cardinaux-prêtres , mais en réalité il a oeuvré pendant des années comme faiseur de rois discret d'un pape capable de rendre un avenir à "son" Église. »

    Ref. "Godfried Danneels a oeuvré pendant des années à l'élection du pape François" 

    JPSC 

    Plus de précisions ICI

  • Le bon combat du cardinal Cordes pour remettre Dieu au centre

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    De Nico Spuntoni sur la Nuova Bussola Quotidiana :

    Le bon combat du cardinal Cordes : remettre Dieu au centre

    Le cardinal, décédé à l'âge de 89 ans, a laissé une empreinte indélébile sur les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI. Ses idées ont été à l'origine des Journées mondiales de la jeunesse et de l'encyclique Deus caritas est.

    16_03_2024

    Le cardinal Paul Josef Cordes, décédé hier à Rome à l'âge de 89 ans à la maison de retraite Pio XI - et dont la messe de funérailles sera célébrée lundi à 15 heures à l'autel de la cathèdre de la basilique Saint-Pierre -, était bien conscient que notre vie est à tout moment entre les mains du Seigneur et qu'elle l'est tout particulièrement au moment de la mort. Le titre de président émérite du Conseil pontifical Cor Unum, qui n'existe plus, est certainement réducteur pour comprendre la contribution du prélat de l'archidiocèse de Paderborn à l'Église contemporaine. Son empreinte, souvent discrète mais toujours incisive, est indélébile dans les pontificats de saint Jean-Paul II et de Benoît XVI. C'est d'ailleurs à son intuition que l'on doit deux "chefs-d'œuvre" aussi différents mais tout aussi pertinents dans l'histoire récente que les Journées mondiales de la jeunesse et l'encyclique Deus caritas est.

    Dans le livre du prophète Daniel, nous lisons que "les sages brilleront comme l'éclat du firmament, ceux qui auront conduit beaucoup de gens à la justice brilleront comme les étoiles pour toujours". C'est donc là que l'on imagine Cordes si l'on pense aux nombreuses vocations et aux beaux témoignages de foi qui ont fleuri dans les familles impliquées dans les mouvements ecclésiaux, réservoir prolifique pour le présent et l'avenir de l'Église. Le cardinal, en effet, "arraché" à son Allemagne en 1980 par Jean-Paul II qui le voulait vice-président du Conseil pontifical pour les laïcs, est rapidement devenu le bélier du pape polonais pour briser les résistances curiales au "nouveau printemps de l'Église" que représentaient les mouvements et les communautés. Cette mission brillamment accomplie est devenue évidente lors du Synode des évêques de 1987. En plein bras de fer avec le cardinal Carlo Maria Martini, qui critiquait les charismes, Cordes sentit son bras saisi par la poigne puissante de Wojtyła, qui l'encouragea par trois mots qu'il n'oubliera jamais : "continuez le combat !".

    Mais le bon combat du cardinal de Kirchhundem était surtout contre l'oubli de Dieu par la société contemporaine. Une alarme lancée également dans les nombreuses interviews et discours que Cordes a accordés ces dernières années à la Nuova Bussola Quotidiana. Son admiration pour Joseph Ratzinger est née précisément de l'attention que le futur Pontife a consacrée dès ses premiers écrits à ce thème. Cordes l'a rappelé à nos lecteurs lors de la dernière interview qu'il a pu donner, déjà très malade, en janvier dernier. Souffrant des séquelles d'une tumeur et revenant du Covid, le vieux prélat n'a pas manqué d'évoquer la figure de Benoît XVI, un maître mais aussi un ami sincère.

    C'est grâce à ces deux Allemands, aux tempéraments et aux histoires très similaires, qu'une encyclique comme Deus caritas est a vu le jour, qui nous apprend à ne pas confondre l'Église avec une ONG et nous avertit que la vraie charité ne peut se passer de Dieu. Vivant à peu de distance l'un de l'autre, soignés avec amour par des femmes consacrées des Memores Domini et ayant en commun un kinésithérapeute, Cordes et Ratzinger ont renforcé leurs liens au cours des années qui ont suivi leur renonciation. Il n'est pas surprenant qu'en 2020, le cardinal ait "hérité" du fauteuil roulant et de la montre de sauvetage qui avaient appartenu à Georg, le frère bien-aimé de Benoît XVI. Malgré son état de santé, le cardinal Cordes avait tenu à se recueillir devant la dépouille de Ratzinger dans la chapelle Mater Ecclesiae. Sa faiblesse physique ne lui avait pas permis de concélébrer les funérailles sur la place Saint-Pierre. 

    Une anecdote de ce jour-là peut être utile pour cerner le personnage : face à l'amertume suscitée par l'auteur de la maigre homélie prononcée peu avant par François et par l'absence de mention du nom du défunt, Cordes n'est pas d'accord, convaincu au contraire que Benoît XVI aurait aimé cette homélie pour les fréquentes références au Seigneur. Mettre Dieu au centre, toujours. C'est là, on l'a dit, le bon combat mené jusqu'au bout par le cardinal allemand : jamais contre quelqu'un, mais contre quelque chose. Contre l'oubli de Dieu dans une société destinée à s'égarer dans cette direction. Ratzinger avait montré qu'il connaissait bien son ami, créé cardinal en 2007, en le qualifiant récemment d'"homme de décision résolue" et en louant le "modèle de base de sa pensée, très positive précisément dans ses négations : reconnaître le Christ, non pas sous la forme de la soumission aux opinions et aux pouvoirs dominants, mais dans la foi des petits". C'est ce qui ressort de ses longs articles, richement argumentés, sur les dangers de la voie synodale allemande ou sur les rôles de gouvernement des laïcs dans l'Église, particulièrement significatifs parce qu'ils sont écrits par quelqu'un qui, comme lui, a contribué à faire des laïcs les protagonistes de la nouvelle évangélisation. Prudent, mais jamais craintif, Cordes n'a pas reculé devant la vis polemica et a représenté dans ces années une voix d'autorité à laquelle pouvaient s'identifier les fidèles allemands désorientés par les poussées extrémistes d'une partie de l'épiscopat.

    L'expérience et le crédit dont il pouvait se prévaloir ont également fait de lui une référence pour de nombreux évêques et religieux qu'il a rencontrés au cours de ses plus de soixante années de sacerdoce. Monseigneur Georg Gänswein, par exemple, a continué à recevoir des nouvelles de lui par téléphone jusqu'à il y a quelques jours. Dans une déclaration à la Nuova Bussola, l'ancien secrétaire personnel de Benoît XVI a rendu hommage à la mémoire du défunt cardinal en ces termes : "Je me souviens du cardinal Cordes avant tout comme d'un homme qui aimait l'Église et s'engageait pour l'Évangile opportune et importune. Il dépensait ses forces pour le Christ et la prédication de la Parole de Dieu. Il aimait les jeunes. Son grand amour et sa véritable passion étaient les mouvements ecclésiaux. Il les a aidés avec détermination et persévérance à trouver leur juste place dans l'organisme de l'Église universelle. Il est considéré comme l'un des "pères spirituels des Journées Mondiales de la Jeunesse". Des mots, ceux de Monseigneur Gänswein, qui viennent de ceux qui l'ont bien connu et ne l'ont pas abandonné dans la traversée de la "sombre vallée de la maladie". Avec son inflexion teutonne et son ironie quelque peu romaine, le cardinal Cordes avait l'habitude de dire "on ne dirait pas, mais je suis vieux". Avec ses yeux célestes incapables de vieillir, il peut désormais contempler la lumière rayonnante du visage de ce Dieu qui était déjà le centre et la fin de sa vie terrestre. Ruhe in Frieden, Eminenz !

  • Benoît XVI était le Saint Augustin de notre temps (cardinal Müller)

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    De Riccardo Cascioli sur la Nuova Bussola Quotidiana :

    Interview

    Cardinal Müller : Benoît XVI était le Saint Augustin de notre temps

    9-1-2023

    "Le pape Benoît n'a pas parlé du Christ, mais il a parlé au Christ. En lui, il y a une unité entre la réflexion théologique au plus haut niveau et la spiritualité qui entrait directement dans le cœur des gens". "Il était conscient de son expertise, mais il l'utilisait non pas pour s'élever au-dessus des autres, mais pour servir le bien de l'Église et la foi des gens simples." "Confusion" ? Il y a trop de pensée politique dans l'Église aujourd'hui". "L'Église est revenue 200 ans en arrière, comme disait le cardinal Martini ? Impossible Jésus est la plénitude de tous les temps".

    Le cardinal Müller, rédacteur de l'ouvrage théologique de Ratzinger-Benoît XVI, prend la parole.

    Pour moi, le pape Benoît est presque un Saint Augustin rendu à la vie, indépendamment d'un éventuel processus de canonisation, il est déjà de facto un docteur de l'Église. Le cardinal Gerard Ludwig Müller a toute l'autorité nécessaire pour le dire : théologien lui-même, il a édité toute l'œuvre théologique de Joseph Ratzinger-Benoît XVI, tout en étant l'un de ses successeurs comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Il nous accueille dans son appartement près de Saint-Pierre qui a été celui du cardinal Ratzinger pendant 24 ans, depuis qu'il a été appelé à Rome par saint Jean-Paul II en 1981 jusqu'en avril 2005, lorsqu'il a été appelé à lui succéder au pontificat. De cette époque, il ne reste dans l'appartement que les vitraux de la petite chapelle, qui ont été offerts au cardinal Ratzinger et qui représentent l'Eucharistie.

    Cardinal Müller, de quelle manière voyez-vous saint Augustin dans le pape Benoît ?

    Je crois que le pape Benoît représente pour la théologie du 20e et du 21e siècle ce qu'Augustin a représenté pour son époque, ses écrits sont la foi catholique expliquée d'une manière appropriée pour les personnes contemporaines, une forme de réflexion éloignée du style du manuel de théologie. Quant à Augustin, il ne s'agit pas d'une simple question de capacité intellectuelle, même s'il était un grand théologien.

    Quel est donc le "secret" ?

    Comme Augustin, Benoît ne traite pas du Christ comme s'il s'agissait d'un sujet à développer, il ne parle pas du Christ mais parle au Christ. Dans les Confessions de saint Augustin, tout est un dialogue avec Dieu, l'homme en dialogue avec Dieu, l'explication de sa vie. Ainsi, chez Benoît XVI, il y a une unité profonde entre la réflexion théologique au plus haut niveau et la spiritualité qui entre directement dans les cœurs, unité entre l'intellect et l'amour. Il le disait toujours, notre foi catholique n'est pas une théorie sur un sujet, mais elle est relation, relation avec Jésus, nous participons à la relation intratrinitaire. Benoît a donc été capable d'ouvrir le cœur des gens. Et nous l'avons vu en ces jours après sa mort et lors des funérailles : il est resté très vivant dans le cœur des fidèles, de nombreuses personnes. Beaucoup pensaient que dix ans après son renoncement, le monde l'avait oublié ; au contraire, il est bien présent dans les mémoires.

    À votre avis, y a-t-il une œuvre de Ratzinger-Bénoît XVI qui exprime le mieux cette unité ?

    Il a écrit de nombreux livres et essais, mais je crois que la trilogie sur Jésus de Nazareth (publiée déjà comme pontife, entre 2007 et 2012, éd.) est la clé pour interpréter tout le reste. Ce livre sur Jésus exprime l'unité de la théologie cognitive et de la théologie affective, et quand je dis affective, je ne veux pas dire sentimentale, mais une expression de l'amour, de la relation avec Dieu. C'est pourquoi des millions de fidèles qui n'ont pas étudié la théologie, qui ne sont pas des experts en philosophie ou en histoire de la pensée européenne, ces fidèles qui prient chaque jour, qui vont à l'église et qui ont une relation quotidienne avec Jésus, ont pu lire et comprendre cette trilogie comme la clé intellectuelle, sapientielle et affective de la rencontre avec Jésus.

    Vous qui avez édité toute l'œuvre théologique de Ratzinger-Benoît XVI, pouvez-vous nous dire quel est l'élément unificateur de sa théologie ?

    Certainement la relation avec le Christ, même s'il faut préciser qu'elle s'inscrit dans un horizon trinitaire, et non dans le christocentrisme typique du protestantisme. Et puis la relation entre la foi et la raison. Tout au long de l'histoire, il y a toujours eu des tentatives d'opposer la raison à la foi, il suffit de relire la controverse entre Origène et Celse, ou la discussion avec les intellectuels néo-platoniciens. Mais cette tendance s'est certainement enracinée surtout depuis les Lumières, l'exaltation de la lumière de la raison contre la lumière de la Révélation. Comme il le dit aussi dans son Testament spirituel, on prétendait que tous les résultats des sciences naturelles et de la recherche historique, par exemple la méthode historico-critique d'interprétation de la Bible, allaient à l'encontre de la foi chrétienne révélée. Fausse affirmation, comme l'a prouvé Benoît XVI. Il a grandi et formé sa conscience à une époque dominée par un athéisme agressif, par un anti-humanisme qui a trouvé son application dans le régime nazi. Son éducation catholique lui a fait prendre conscience immédiatement qu'il n'y avait aucune réconciliation possible entre la foi et cette idéologie nazie, ainsi qu'avec d'autres idéologies qui nient Dieu. Lorsque l'encyclique de Pie XI contre le nazisme, Mit brennender Sorge, est parue, Joseph Ratzinger avait dix ans, mais la contradiction entre le christianisme et le nazisme, ainsi que d'autres idéologies athées, y était clairement expliquée. Lorsque l'on renie Dieu, les conséquences sont claires : le terrorisme jacobin, le terrorisme du goulag, Auschwitz, les champs de la mort, Katyn, mais aussi l'avortement et l'euthanasie. Ce sont les effets de l'humanisme athée, comme l'a appelé Henri De Lubac, que nous voyons encore aujourd'hui : en Chine, en Corée du Nord. Mais il en va de même pour les pays islamiques : ils disent croire en Dieu, mais dans un autre sens.....

    Et nous en arrivons au fameux discours de Ratisbonne.

    Exactement, c'était le point central de son pontificat. Ne pas agir avec le Logos, c'est-à-dire selon la raison, est contraire à la nature de Dieu. Et on finit par justifier la violence au nom de Dieu, qui est notre créateur.

    Vous avez eu des contacts fréquents avec le pape Benoît, même après sa démission. Qu'est-ce qui vous a frappé chez lui ?

    C'était un homme très humble, très simple ; il n'était pas fier et ne se posait pas en personne importante. Il n'avait pas cette arrogance typique des intellectuels qui, possédant le savoir, se considèrent supérieurs aux autres. Le pape Benoît était bien conscient de son expertise, mais il l'a utilisée non pas pour s'élever au-dessus des autres, mais pour servir le bien de l'Église et la foi des gens simples.

    Dans son testament spirituel, Benoît XVI invite tous les fidèles à rester fermes dans la foi et à ne pas se laisser désorienter. À votre avis, qu'est-ce qui cause la confusion dans l'Église aujourd'hui ?

    D'après ce que je vois d'après mon expérience, la pensée politique et idéologique a trop pénétré dans l'Église catholique. Je me souviens que le cardinal Martini - qui était également un excellent exégète - avait déclaré peu avant sa mort que l'Église avait 200 ans de retard. C'est une herméneutique absolument fausse. L'Église fondée par Jésus-Christ ne peut pas être en retard sur son temps, Jésus est la plénitude de tous les temps. Le Christ est le même hier, aujourd'hui et toujours. Saint Irénée de Lyon, aux gnostiques qui prétendaient avoir une nouveauté, être en avance, répondait que si le Logos de Dieu s'est révélé, il n'y a pas d'autre nouveauté. C'est le point de référence. Il y avait un christianisme au Moyen Âge et il y avait un christianisme à des époques antérieures, mais le christianisme n'est pas lié à une époque particulière. Quand je lis les écrits de saint Augustin, de saint Basile, de saint Irénée, je vois que c'est ma propre foi. Styles, les circonstances peuvent changer, mais pas la foi. Il ne faut pas être confus par tant de voix, l'orientation claire est en Jésus-Christ et la vérité.

    En ces temps, nous constatons que beaucoup de confusion est également générée autour de la figure du Pape.

    Le Magistère est au service de la Révélation, il n'est pas au-dessus d'elle, comme le dit Dei Verbum au numéro 10. Ce n'est pas que quelque chose soit la vérité parce que le Pape le dit, mais le contraire : puisque c'est la vérité, le Pape doit la présenter et l'expliquer à l'Église. Celui du Pape n'est pas un pouvoir politique, ni absolu ni relatif. Il a l'autorité pour enseigner le peuple de Dieu, mais au nom de Jésus-Christ, et non de sa propre autorité. Le pape ne peut pas dire que les relations homosexuelles peuvent être bénies ou que le divorce peut être accepté ou l'adultère justifié parce qu'il est moins grave que le meurtre. L'enseignement de l'Église est clair, on ne peut pas confondre le mal objectif avec la faiblesse des personnes. La conversion ne consiste pas à relativiser les commandements de Dieu.

    Pourtant, l'Église allemande exerce de fortes pressions dans ce sens et l'attitude de Rome n'est pas très claire.

    Les documents de la Voie Synodale (allemande) sont ouvertement hérétiques, ils contredisent la Révélation telle qu'elle est exprimée dans la Bible et dans l'anthropologie de Gaudium et Spes, c'est-à-dire la conception de l'homme créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. L'unité du corps et de l'âme exclut cette absolutisation de la sexualité, uniquement comme source de plaisir sexuel. 

    Mais comment se fait-il que la majorité des évêques allemands soient si éloignés de la position de Benoît XVI ?

    Un rôle important est joué par les responsables du Comité central des catholiques allemands (Zdk, le comité qui représente toutes les formes de laïcs en Allemagne et qui a une influence très importante sur la direction de l'Église, ndlr), qui font pression sur de nombreux évêques, soutenus également par la presse libérale, socialiste et communiste, qui est évidemment très heureuse lorsque l'Église se détruit elle-même. Mais il y a malheureusement aussi un complexe anti-romain qui existe en Allemagne depuis 500 ans et qui a pour référence le protestantisme prussien, qui se sent intellectuellement supérieur à tous les peuples du Sud. Hegel a écrit que l'État prussien est l'aboutissement de l'auto-développement de l'esprit absolu, comme si Dieu s'était incarné dans l'État prussien protestant. Des idées stupides mais très profondément enracinées. Ce groupe prétend donc être la locomotive de l'Église universelle, comme si nous avions inventé l'Église à nouveau. Lorsque le président des évêques allemands déclare "nous sommes l'Église catholique mais différente", que veut-il dire ? Saint Irénée disait : la foi de l'Église apostolique est la même dans le monde entier, en Libye, en Égypte, chez les Celtes, en France, en Espagne. Les coutumes sont différentes, les langues sont différentes, mais nous sommes tous unis dans la même foi, qui n'est pas un programme élaboré par un comité, mais la foi révélée en Christ. C'est ce qui nous unit.

  • Caroline Pigozzi, interviewe le Cardinal Barbarin pour « Paris-Match »

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    La « spécialiste » religieuse des magazines à grand tirage fait un petit tour de l’actualité française avec l’archevêque de Lyon (extraits) :

    Paris Match. Eminence, revenons sur la polémique au sujet du mariage homosexuel qui a déchaîné les passions…

    Cardinal Barbarin. J’ai expliqué la rupture de société que représenterait le mariage de deux personnes du même sexe. En mesurons-nous bien les conséquences ? Je ne sais pas si j’ai choisi de bons exemples, l’autre jour, car certains mots ont blessé et ont créé un tel “buzz” que ce que je voulais dire n’a pas été entendu. Pourtant, on peut poser la question de savoir comment on répondra aux demandes qui viendront ou qui apparaissent déjà : “Pourquoi toujours deux ? Nous, nous voulons nous marier à trois, à quatre.” Comment vont répondre ceux qui ont promis “le mariage pour tous” ! Lorsque des repères majeurs de la société disparaissent, on ne sait plus comment se situer. Mais revenons à la question telle qu’elle se pose aujourd’hui, c’est là le fond du problème. On nous dit que cette loi est indispensable au nom de l’égalité. Mais a-t-on bien compris qu’elle va créer de nouvelles inégalités ? Qu’est-ce qu’on répondra à un enfant qui dira : “Pourquoi, moi, j’ai deux papas et pas de maman ?” Et quand sur le livret de famille, on verra écrit “Parent 1, Parent 2”, beaucoup diront : “Attendez, moi, je ne suis pas le parent 1, je suis la maman !” Ce n’est pas l’enseignement de la morale chrétienne ; il en va de l’équilibre de nos vies et de nos familles. Ce projet suscite d’ailleurs de grandes oppositions chez les juifs (je pense notamment à la déclaration de M. Joël Mergui, président du Consistoire) et chez les musulmans (à celle de M. Tarek Oubrou, imam de Bordeaux) et aussi chez certaines personnes homosexuelles qui m’ont envoyé des messages très touchants, ces jours derniers. Nous, responsables chrétiens, juifs et musulmans de Lyon, avions signé en 2007 une déclaration rappelant cette vérité simple et fondamentale pour toutes les cultures et les civilisations : le mariage, c’est l’union d’un homme et d’une femme. Si on modifie ce pivot, ce sera la source de profonds déséquilibres. Le “mariage pour tous” aura de lourdes conséquences : il ne s’agit pas là seulement d’un vote pour satisfaire le désir de quelques-uns, mais d’une redéfinition majeure de notre vie en société… Un Parlement qui change ce fondement doit mesurer ce qu’il fait et savoir que c’est tout un peuple qui aura à en assumer les conséquences.

    Dans une France qui a voté, en 1905, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, quand vous réagissez, ça résonne !

    Un chrétien est un citoyen ; il a donc le droit de donner son avis sur les grandes questions de société. Cela, tous les gouvernements le reconnaissent, et ils consultent toujours les différents courants de pensée au moment d’élaborer une nouvelle loi. Le prêtre que je suis s’implique dans la vie, le bien des enfants, des vieillards ou des malades. Je m’engage régulièrement au sujet des immigrés, du chômage et, en particulier ces dernières semaines, des Roms…(…)

    Autre sujet de polémique : la liberté de la presse…

    Bien sûr, je suis pour. Critiquer, envoyer des piques, c’est assez sain. J’ai souri en regardant ma propre caricature dans “Le Canard enchaîné”. Pourquoi s’en offusquer ? Mais faire un film uniquement pour blesser des croyants, c’est inadmissible. Et quand on voit qu’en une semaine cela a entraîné la mort de 30 personnes, disons-le clairement, c’est criminel. Je suis pour la liberté de la presse, mais pas au prix du sang !

    Rome va fêter les 50 ans de l’ouverture du concile Vatican II, le 11octobre 2012. Quel bilan en tirez-vous ?

    (…) L’œcuménisme et le dialogue interreligieux ont fait des bonds extraordinaires. Ici, nos relations avec les juifs et les musulmans sont exceptionnelles. Cette semaine, d’ailleurs, je vais aller prier pour la fête de kippour à la synagogue, où le grand rabbin m’accueille toujours avec une vraie amitié. Mais il n’y a pas que dans le Rhône que ce dialogue est merveilleux. Autre avancée majeure du concile Vatican II, et j’aurais dû la mettre en tête : les catholiques ont enfin trouvé le goût de la parole de Dieu. La Bible, naguère, leur paraissait quelque peu hermétique, elle est maintenant ouverte par tous et elle a réveillé notre foi.

    Vous éludez le testament moral du cardinal Martini, décédé le 31août, pour qui l’Eglise aurait deux cents ans de retard…

    Pas du tout ! Il est quand même permis de se poser des questions sur une interview publiée après sa mort. Mais je vous dirais qu’en 2005, novice au conclave, je l’avais consulté et il m’avait longuement parlé de l’Eglise et du Vatican, qu’il connaissait évidemment beaucoup mieux que moi. Il voulait que l’Eglise se réveille, et il avait raison. A Milan et dans nos grandes villes européennes, les églises sont vides ! L’Europe a besoin d’une nouvelle évangélisation ; c’est justement le thème du synode qui commence dans quelques jours. Mais quand je lui avais parlé du dynamisme de l’Eglise à Madagascar, il était bien au courant, je vous assure ! Certes, des pans de l’Eglise se sont effondrés, mais en même temps, des phénomènes nouveaux, enthousiasmants, dont je suis le ­témoin direct à Lyon, apparaissent partout. (…)

    Vingt pour cent des membres du clergé en 2012 vivent avec une femme, admet-on officieusement dans l’Eglise.

    Vive les statistiques ! C’est comme si vous me disiez que 30 % des hommes trompent leur épouse… Que voulez-vous que je vous réponde ? Sans aucun doute, je préférerais qu’ils soient fidèles, la République aussi, puisque lors du mariage à la mairie, l’officier d’état civil prononce les mots “respect” et “fidélité” à propos de cet engagement. Pour nous, le trahir est un péché grave. Mais que celui qui n’a jamais péché ose se montrer ! Il n’y a pas de vie sans faute, mais il y a beaucoup de fautes qu’on peut ne pas commettre. Cela évite de multiples blessures. Ce qui est honnête, est de ne pas se justifier et d’accepter d’être pardonné, comme saint Pierre, par exemple, dans l’Evangile. C’est ce que les juifs font à Yom ­Kippour et nous, les chrétiens, dans le sacrement du pardon. C’est quelque chose de très important dans mon existence, même si maintenant je me confesse plus souvent que je ne confesse les autres. Ma vie à Lyon a pris d’autres dimensions, mais j’essaie de rester proche de tous. Je suis là tous les vendredis soir, dans la cathédrale, mais il y a aussi mille autres occasions de rencontres dans le train, quand je fais mon jogging le matin… Beaucoup de gens m’abordent, très simplement, mais il en est certainement qui n’osent pas ! (…)

    Ici : Cardinal Barbarin: “La société est en danger!”

    De ces papotages de magazine retenons surtout la montée au créneau des évêques français contre la dénaturation légale du mariage. Les combats désespérés sont les plus beaux. C’est un combat que les évêques belges, en leur temps, n’avaient guère mené avec autant de panache (c’est une litote).