Avortement : une lettre ouverte des catholiques du Grand-Duché (18/02/2011)

"Dans un rapport présenté en mars 2010 au Parlement Européen, l’Institut de Politique Familiale (IPF) recensait près de 3 millions d’avortements pratiqués en Europe en 2008, soit un toutes les 11 secondes. Des chiffres qui interpellent, mais qui doivent surtout initier une réflexion profonde sur les situations et les raisons qui  expliquent cette augmentation constante." catho.be

Au Luxembourg, le Conseil Diocésain des Catholiques a publié ce 16 février une lettre ouverte sur le sujet de l’avortement :

Lettre ouverte du Conseil Diocésain des Catholiques sur la question de l’avortement

Il est souvent question ces derniers temps de la détresse de femmes confrontées à une situation inextricable causée par une grossesse non désirée. Nous sommes tout à fait conscients de la gravité de telles détresses, et nous soutiendrons toute recherche qui vise  à trouver des solutions pour assister ces femmes dans leur choix difficile qu’elles sont exposées à prendre.

Cette détresse est un appel à notre société pour mettre en place des structures adaptées de conseil et d’accompagnement pour toutes les personnes qui sont confrontées à une grossesse non désirée, que ce soit des femmes seules ou des couples. Il est essentiel que ces personnes soient amenées à solliciter un service professionnel de qualité qui peut aider à prendre une bonne décision et les accompagner dans leurs besoins. Un tel suivi ne se limite pas nécessairement à la question d’accepter la grossesse ou non, mais doit laisser la porte ouverte à un accompagnement à plus long terme si le besoin s’en ressent. 

L’obligation de prendre au mieux en charge la souffrance de ces femmes ne nous dégage pas de la responsabilité de réfléchir à la problématique dans son ensemble. Pourquoi, dans une société, où les moyens de contraception sont accessibles, le nombre de demandes d’avortement n’a pas baissé de manière significative?  Pourquoi, dans un Etat de droit et dans une société qui compte parmi les plus riches du monde, le législateur entend-il prendre en compte une indication sociale, au lieu d’envisager des solutions inspirées par la solidarité humaine ?

Oui, l’avortement est pour beaucoup de femmes un choix conditionné par une situation de crise dans un couple, où la question de la parenté n’est pas assumée par l’un ou l’autre des partenaires et où la question de la grossesse met au jour la fragilité de la relation. Il est dans ces cas plutôt subi que choisi. Nous croyons qu’un espace de parole, de conseil et d’accompagnement peut permettre d’ouvrir les perspectives en vue de faire un choix raisonné, même si nous savons qu’il est délicat, voire malaisé de discuter les questions de couple, de projet de famille, d’intimité et de sexualité.

Avant tout, la question de l’avortement soulève celle du début de la vie. Que la vie commence avec la fécondation n’est pas une opinion catholique, mais un fait scientifique. C’est le moment initial où est mis en route le programme qui contient en puissance un être humain unique, distinct de tous les autres. Si dans la plupart des autres pays la question du début de la vie a été au centre des débats, au Luxembourg elle est jusqu’à présent plutôt esquivée. Il semble que la question du statut de l’embryon et du fœtus y est largement tabouisée. Or, c’est de la réponse à cette question que dépendra aussi la manière dont on abordera des dossiers liés à la recherche dans le domaine médical ou bioéthique.

En outre, il faut rappeler qu'au moment de la grossesse une relation très singulière s'établit entre la vie de la mère et celle de son futur bébé. La complexité de la réforme de la législation sur la dépénalisation de l’avortement réside plus particulièrement dans cette question de l’indissociabilité de la vie de la mère et de celle de l’enfant. La liberté de la femme dans le choix de devenir mère ou non se heurte à la question centrale d’une vie qui est en développement depuis la fécondation.

Les catholiques, qui, comme de nombreux scientifiques, considèrent que la vie humaine commence avec la fécondation, entendent en conséquence s’engager résolument pour être les porte-paroles de ces êtres humains qui n’ont pas encore de voix.  Le Conseil refuse de se limiter aux questions de santé ou de liberté. Nous considérons que l’avortement doit rester un acte exceptionnel pour des situations exceptionnelles qui ne peuvent trouver d’autre solution. 

De cette option pour la défense de la vie découle aussi notre souhait de discuter la question de l’avortement thérapeutique après la douzième semaine. L’évolution du diagnostic prénatal soulève le problème de la dérive eugéniste.

Le chantier de la réforme de la dépénalisation de l’avortement ne peut se faire sans qu’on réfléchisse aujourd’hui sur toutes les questions qui touchent à la vie, et notamment à la valeur que nous sommes prêts à y attacher. Les trajectoires de vie sont devenues plus complexes, les questions de couple, de famille et de parentalité appellent des réponses nuancées, qui permettent d’allier d’une part la liberté de chacun pour faire son choix tout en défendant les plus faibles dans un contexte donné. Réduire le débat de l’avortement au seul critère de liberté ne permettra ni de résoudre la souffrance de ceux et de celles qui sont confrontés à la question d’une grossesse non désirée, ni à se prémunir de la tentation de la société de se soustraire à la responsabilité collective pour défendre chaque vie humaine.

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