A propos de l'intervention en Lybie : réflexion sur le "devoir d'ingérence" (20/03/2011)

Qu'en est-il, dans l'enseignement de l'Eglise, "du droit ou du devoir d’ingérence, à savoir l’éventuelle nécessité d’intervenir dans les affaires intérieures d’un Etat, y compris contre son gré, et en recourant éventuellement à la force ?

Il a le même fondement que la morale internationale qui, bien comprise, règle la conduite des Etats et leur assigne des droits et des devoirs comparables à ceux que la loi morale impose aux simples individus. Comme par exemple le devoir d’entraide et de solidarité à l’égard du prochain. Mais, d’autre part, le concept de droit d’ingérence heurte de plein fouet ce principe du droit international, véritable clef de voûte du monde actuel qu’est le principe de la "non ingérence" dans les affaires intérieures d’un Etat, auquel l’article 9 de la charte des Nations-Unies (1945), mais aussi l’Acte final de la Conférence d’Helsinki (1975), font explicitement et solennellement référence. Certes, ce principe, qui depuis 1945 est censé garantir l’indépendance de chaque Etat, a sans doute contribué au maintien de la paix dans le monde .

Peut-on pour autant se désintéresser du sort de pays agressés ou mis sous tutelle, et se contenter d’une "ingérence humanitaire" ? "Un peuple menacé ou déjà victime d’une injuste agression, s’il veut penser et agir chrétiennement, ne peut demeurer dans une indifférence passive ; à plus forte raison, la solidarité de la famille des peuples interdit-elle aux autres de se comporter comme de simples spectateurs dans une attitude d’impossible neutralité (...)" (Pie XII, message de Noël 1948)

Et Jean-Paul II, le 16 janvier 1993 :"une fois que toutes les possibilités offertes par les négociations diplomatiques, les processus prévus par les conventions et les organisations internationales, ont été mis en oeuvre et que, malgré cela, des populations sont en train de succomber sous les coups d’un injuste agresseur (...) il semble que le devoir [des Etats] soit de désarmer cet agresseur (...). Le principe de la souveraineté des Etats et de la non ingérence dans leurs affaires internes, - qui gardent toute leur valeur - ne sauraient toutefois constituer un paravent derrière lequel on pourrait torturer et assassiner".

Ainsi donc, le droit à l’ingérence (ou "devoir" selon Jean-Paul II) peut aller jusqu’à légitimer l’emploi de la force militaire, à condition que les critères qui traditionnellement sont ceux de la "juste guerre" soient effectivement réunis."

ichtus.fr

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