La grande misère de la liturgie (26/03/2011)

Nous avons du temps à rattraper sur ce blog dont la création très récente trahit la tardive mobilisation des catholiques belges, trop souvent résignés à subir la dégradation de leur Eglise alors qu'en France la mobilisation d'une véritable blogosphère catholique date de plusieurs années déjà. C'est pourquoi nous mettons parfois en ligne des "notes" parues sur ces blogs français il y a quelque temps mais qui n'ont rien perdu de leur actualité.

Ainsi en va-t-il de ce "Petit éloge du sacré et de la liturgie" publié par "Les Sacristains, le site qui sonne les cloches"...

"Voilà qui devait arriver : finis les Petite Marie ou les Highway to Hell diffusés à la sortie des églises du diocèse de Melbourne. Alors qu’un sondage avait montré que My Way et l’hymne de l’équipe nationale de football australien figuraient en tête du hit-parade des titres diffusés lors des cérémonies d’enterrement, l’évêque Denis Hart a remis les points sur les i. Et s’est fendu d’une directive interdisant explicitement les chansons profanes et hymnes sportifs pour ce type de cérémonie. A la bonne heure! Alors, à quand un Denis Hart français ? Dans trop d’églises, on assiste à des choses incroyables, effarantes, voire scandaleuses, à se demander si on assiste à une messe ou à une distribution de pain sans levain. Et si on en remettait un peu de sacré dans tout ça ?

C’est une expérience difficile, une épreuve même. J’étais là, sur mon banc, à me tortiller, à me demander ce que je faisais là. Ah oui, la messe. Assis tout au fond, j’assistais médusé à ce qui me semblait être un simulacre de célébration eucharistique. C’est peut-être quand on arrive au dénuement le plus total, qu’on se rend compte que la forme, c’est aussi utile que le fond.

Il n’y avait pas d’animateur pour nous aider à chanter. Ni de chorale. Seul le prêtre, qui chantait faux, nous y encourageait et menait la danse. Pas d’enfants de chœur, non plus. Heureusement, il y avait un orgue. Le prêtre n’avait pas de chasuble : il paraît qu’une simple étole suffit. Il n’avait pas de pupitre, et tenait donc son missel dans les mains. Dépouillement, on vous dit.

On commence. Pas de liturgie pénitentielle : un expéditif « nous regrettons nos péchés » suffit amplement, on ne va quand même pas suivre un modèle pré-établi, on n’est plus au Moyen-Age, hein. Et puis, pas de Gloria : on passe directement aux lectures, c’est plus simple. Ensuite, entre chaque lecture, un petit commentaire du prêtre, pour nous éclairer sur le sens de celle-ci. Pas inutile, intéressant même. Mais totalement déconcertant…

Et puis il y aura cette quête, qui atterrira sur l’autel, à côté du pain et du vin – ce sont des offrandes aussi, clame le prêtre – et l’eucharistie elle-même, triste à pleurer : l’hostie élevée à une main, un texte scandé militairement, évidemment, pas de clochette ni d’encens, aucun recueillement apparent…

J’avais déjà vu des célébrations peu orthodoxes, mais celle-là détient le pompon, haut la main. Il n’est pas question ici de livrer le nom de la paroisse en question, ni de montrer du doigt tel ou tel. Mais arriver au fond du trou, parfois, permet de se poser les bonnes questions. Quel est l’intérêt du sacré, de la liturgie ? Pourquoi y suis-je attaché au point d’être aussi agacé quand il n’est pas là, quand elle n’est pas respectée ? Est-ce par pure habitude, par réflexe ? J’espère bien que non. Mais que c’est plutôt parce que le sacré, la liturgie, sont là pour nous pousser à la prière, favoriser notre recueillement, créer un climat dans lequel le dialogue avec Dieu est possible. Et bien sûr, pour honorer notre Dieu.

Liturgie, en grec, signifie « service du peuple »… Le mot peuple représentant l’assemblée des fidèles. Par « service du peuple », on peut entendre « aider le peuple à comprendre ce qui se passe ». Se rend-on toujours bien compte de ce qui se passe au cours d’une messe ? On est censé croire que Jésus vient parmi nous, qu’il se livre à nous, qu’il s’incarne réellement dans le pain et le vin qui lui sont offerts. Pas juste pour rire. Réellement. Et ça, ça ne vaudrait pas qu’on se fende un peu pour l’accueillir du mieux qu’on peut ? Et si possible, avec tout le sacré possible et imaginable ? On déroule bien le tapis rouge pour des acteurs de seconde zone.

Or qu’est-ce qu’on voit parfois ? Des célébrations où il n’est pas du tout question de cela. Où rien n’est fait pour démêler l’important de l’accessoire, où on donne plus d’importance à la prière universelle ou à l’échange de la paix qu’à la consécration. Et comme certains prêtres aiment faire à leur sauce, mettre leur grain de sel, changer les paroles des prières, et customiser la messe à l’extrême (quand ils ne sont pas carrément mis sur la touche par l’équipe d’animation pastorale), on se retrouve avec des célébrations où on n’est plus du tout aidé à « comprendre ce qui se passe ». On est perdu, tout simplement. Ce qui n’est pas une ambiance très propice à la prière et à la louange, vous en conviendrez.

Pas question ici, bien sûr, de rentrer dans une énième querelle des rites. Il faut néanmoins avouer que beaucoup de prêtres et de laïcs se sont crus autorisés, avec l’arrivée du rite Paul VI, à faire n’importe quoi, et si possible tout ce qui leur passe par la tête. Je ne parle même pas des « messes des familles », ces caricatures de célébrations où l’on place l’enfant au centre de tout, comme s’il ne fallait pas chercher à l’élever et à le faire grandir peu à peu, plutôt que de traiter toute l’assemblée comme si elle avait huit ans… Alors que le rite Paul VI est magnifique, qu’il n’a rien à envier à son confrère St Pie V en matière de sacré… Pourquoi le massacrer ainsi?

Bien sûr, derrière tout ça, il y a des gens volontaires, des bénévoles, qui élaborent ces célébrations avec sûrement beaucoup de dévouement et de bonne foi. Le problème, c’est que plus ils se dévouent de bonne foi pour mettre la liturgie sans dessus dessous et sans aucun contrôle, plus les églises se vident. C’est une réalité : les gens ne viennent pas à la messe seulement pour écouter l’Évangile. Ils viennent pour rencontrer Dieu, pour Le célébrer, et écouter Sa parole. Est-ce vraiment possible quand on a le sentiment d’assister à une assemblée générale d’association ?

Dommage que cette question du sacré ait été totalement écartée des récents États-Généraux du christianisme, qui viennent de se tenir à Lille. Peut-être les organisateurs ont-ils souhaité éviter un problème trop brûlant. C’est pourtant une des questions fondamentales qui se pose aujourd’hui à notre Église. Le fond ne passe que si la forme est là !"

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