Quand le Soir ouvre toutes grandes ses pages à la Marche pour la Vie (26/03/2011)

Sans titre.jpgLe supplément "week-end" du Soir de ce samedi consacre un large espace à la mobilisation pro-life et à l'organisation de la marche de demain à Bruxelles. C'est un évènement parce qu'il marque la fin d'un black-out médiatique à l'égard d'un combat considéré comme politiquement et culturellement incorrect; c'est d'autant plus remarquable que cet évènement se produit dans un quotidien a priori peu suspect de sympathie à l'égard de ce type de combat. (Pour être honnête, il faut signaler cet écho dans le Vif.) Dans la Libre, cela aurait sans doute moins surpris, mais il est vrai que ce journal semble scotché au discours dominant; sa seule audace a été de publier une tribune libre signée par les organisateurs tout en veillant bien à en publier une autre en sens opposé. Mais ne boudons pas notre plaisir et relevons quelques passages du Soir, tout en mettant en italique les expressions qui nous déplaisent et qui relèvent des parti-pris de l'auteur, Ricardo Guttierez :

"Comment devient-on Croisé ?


Ils ont un point commun : l’Eglise n’a manifestement joué qu’un rôle marginal dans leur engagement. Qui tient souvent davantage à l’histoire personnelle, ses hauts, ses bas, ses drames, ses bonheurs... Michel De Keukelaer dit avoir vécu deux chocs : l’expérience de la Marche pour la vie parisienne, avec ses 20.000 participants, et la vision d’images diffusées par un site anti-avortement californien... « Cela m’a révolté. »
Même vécu pour Liesbeth Ronsmans. Mais à la Marche de Madrid, en 2009, aux côtés de plusieurs centaines de milliers de manifestants. Les images, aussi... « Je n’arrive toujours pas à y croire. »
Trésor Kabuika, lui, a bien cru devenir père, éprouver ce bonheur. Avant que les parents de sa compagne l’incitent à avorter, sans rien lui dire. Elle ne lui en a parlé qu’après l’intervention. « Je ne lui en veux pas, dit-il. Elle était sous influence. Nous ne nous sommes plus jamais revus. C’est à moi que j’en veux. Pour ne pas avoir pris les précautions qui s’imposaient. »
Caroline Poncelet a le ton ferme et assuré de la femme pressée : elle est enceinte, depuis 17 semaines, et a rendez-vous pour une échographie, tout à l’heure... « Moi, je ne me sens ni catholique ni chrétienne. Ce n’est pas le sujet. Simplement, je suis infirmière, aux soins intensifs, où nous nous battons chaque jour pour sauver les plus faibles, les maintenir en vie, même quand on a des doutes, alors qu’à côté, on n’hésite pas à nier le droit de vivre à des milliers d’enfants à naître... Qui oserait dire que ce n’est pas un meurtre ?... »
Pratiquant, Antony Burckhardt revendique volontiers sa foi catholique. Mais, là encore, des événements personnels, intimes, ont forgé sa conviction : « L’avortement de la copine de mon frère, d’abord, sous la pression de sa famille. C’était en 1997. Il avait prévu de l’épouser. Il n’a rien eu à dire, comme Trésor. D’autres ont décidé pour lui. Je me souviens de ses longues attentes, devant le téléphone, cette souffrance énorme, ce sentiment d’injustice. J’avais 9 ans. Je n’ai rien oublié. »
Sa détermination s’ancre aussi dans des scènes de bonheur : « La joie de mon petit frère adoptif, trisomique, autiste, abandonné par ses parents à la naissance. Il aurait pu être victime d’un avortement si son affection avait été dépistée. Je peux pourtant vous assurer que sa vie vaut la peine d’être vécue. Et qu’il est sans doute bien plus heureux que d’autres personnes jugées “aptes” à vivre ; je suis très content qu’il soit là. Pour lui, mais aussi pour moi, car il m’apporte beaucoup. » ■ R. G.

 

"Portrait

Un simple kot d’étudiants non loin de la cathédrale Saint-Michel-et-Gudule, à Bruxelles. C’est leur antre. Le quartier général des «nouveaux croisés» de la lutte contre l’avortement, la «culture de la mort» théorisée par le pape Jean-Paul II, voici près de 20 ans.

Dimanche, ils organisent leur deuxième marche pour la vie. Ils seront plusieurs milliers à fouler le pavé de la capitale, du Mont des Arts à l’esplanade du palais de justice, derrière l'archevêque André Léonard. Leur cible : la loi qui dépénalise partiellement l’interruption volontaire de grossesse (IVG), depuis plus de vingt ans. Une législation qu’ils entendent «abolir».

«Là, c’est la dernière ligne droite, commente Miche de Keukelaere, 22 ans, gendre idéal, opérant le décompte des cars annoncés. Il en vient de partout : de France, d’Allemagne, des Pays-Bas...»

Antony Burckhardt, 23 ans, porte le chapeau. C’est le chef du clan. Il est ici chez lui. Avec l’âme du politique qui aime vous fixer de ses yeux clairs. Pour mieux convaincre... «On nous en veut de briser le tabou, d’oser exposer la face sombre de l’avortement, contre l’opinion dominante. Du coup, on vous caricature. Des anti-IVG? Il ne peut s’agir que de fascistes, que d’intégristes, bien sûr !»

«Ce que nous avons à dire est parfois dur à entendre, enchaîne Liesbeth Ronsmans, 21 ans, longues boucles dorées. A Louvain, la semaine dernière une jeune femme est venue gifler l’un d’entre nous, alors qu’on distribuait des tracts pour la marche. On a compris qu’elle avait eu recours à l’avortement, dernièrement. Elle n’a pas supporté notre manière d’exposer un drame qu’elle refoulait, et qu’elle vivait sans doute encore en elle à travers le syndrome post-abortif»...

Le discours des adversaires de l’IVG s’est recentré, ces dernières années, sur la douleur des femmes à soutenir moralement, spirituellement... Même le pape Benoît XVI a évoqué les tourments du «syndrome post-abortif», le 26 février dernier, à l’assemblée annuelle de l’Académie pontificale pour la vie : «ce grave malaise psychique dont font souvent l’expérience les femmes qui ont recours à un avortement volontaire».

La pratique belge de l’IVG a beau ne pratiquement jamais donner lieu à la moindre complication (dans 99,23% des cas, selon le dernier rapport officiel), Antony Burckhardt ne peut s'empêcher d’avancer «les risques d’infertilité post-abortive», et d’autres effets collatéraux, réels ou supposés....

Sur le front de la controverse, le militant, l’activiste reprend le dessus. Mais on est loin de l’image caricaturale de jeunes dévots, biberonnés à l’eau bénite, gavés d’hosties consacrées (!), embrigadés dans les mouvements confessionnels...

A en croire que l'archevêque et ses oripeaux (!) ne sont là que pour le prestige, pour l’apparat, dimanche... C’est qu’Antony Burckhardt est plutôt du genre pragmatique : «Vous savez cette marche est un moyen d’exister dans l’espace public alors qu’aucun parti politique, qu’aucun média ne relaye nos positions. L’Eglise le fait, mais elle n’a pas de voix, en Belgique. Son discours est clair, mais qui veut l’entendre ?»

Caroline Poncelet, 24 ans, infirmière, acquiesce : « Il faut sortir du cercle catholique si on veut vraiment se faire entendre.» «D’ailleurs, enchaîne l’aîné du groupe, Trésor Kabuika, moi, je ne suis pas catholique. C’est le respect de la vie qui me motive, cela dépasse la religion.»

«Nous sommes contre l’extrême droite. Contre la peine de mort. Pour la justice sociale. Nous nous sentons pleinement défenseurs des droits de l’homme»

«Les ultra conservateurs, ce n’est pas nous; reprend Anthony Burckhardt, mais la génération précédente, des gens qui ont aujourd’hui 40 à 70 ans, et qui ont figé le débat sur la position ultraconservatrice d’un prétendu «droit» à l’avortement. Quelle réponse apportent-ils à ceux qui, comme nous, contestent cette dépénalisation, par respect de la vie ? Sois jeune et tais-toi?

Sait-on que le premier pays à avoir dépénalisé l’avortement fut l’Union Soviétique et que le second fut l’Allemagne nazie ? Que ces tabous sautent enfin. Que l’on ose aussi de parler aussi du business de l’IVG, des cliniques qui en abusent, aux Pays-Bas. Ce sont des choses que l’on doit pouvoir dire. Mais nous sommes optimistes : l’opinion change... Aux Etats-Unis, pour la première fois depuis des années, un sondage Gallup vient de constater que plus de 50% de la population se considère pro-Life. La jeunesse est dans notre camp; les anciens combattants sont en face.» (...)

«La controverse, c’est positif, insiste Michel de Keukelaere. En organisant une contre-manifestation, les milieux laïques valorisent notre Marche. C’est mieux que l’indifférence.» «L’an dernier, se souvient Caroline Poncelet, ils étaient là, déjà. Ils gueulaient plus fort que nous et agitaient de plus grands panneaux. Mais nous étions près de 2000 et eux à peine 50.»

«On ne va pas le nier, admet Antony Burckhardt : des militants qu’on peut classer à l’extrême droite y ont participé et plusieurs caméras se sont complu à relayer ces image. Mais notre charte est claire : la Marche est pluraliste. C’est une initiative citoyenne, indépendante de tout parti. Même les drapeaux nationaux et régionaux sont interdits.»

Le jeune homme insiste, yeux dans les yeux, : «Oui, nous sommes pour l’abolition de la loi dépénalisant l’avortement. C’est notre droit de le revendiquer. Mais nous établissons aussi la distinction entre l’avortement qui supprime une vie et l’intervention médicale, qui viserait à sauver la vie de la mère avec, pour conséquence inévitable et non recherchée de supprimer la vie de l’enfant. Nous sommes contre l’extrême droite, contre la peine de mort. Pour la justice sociale. Nous nous sentons pleinement défenseurs des droits de l’homme. Même si beaucoup refuseront de l’entendre.» (R.G.)

 

Que feront-ils dans dix ans ?


Croisé un jour, croisé toujours ?... Tous ont leur conviction anti-avortement chevillée au corps. Mais pas toujours au point d’en faire le combat d’une vie.

Michel De Keukelaere serait plutôt du genre à « combiner » son engagement moral avec une activité professionnelle. Le droit, qu’il étudie, mène à tout, dit-on... « Ce qui est certain, c’est que la Marche pour la vie continuera, à long terme, et elle débouchera, peut-être, sur d’autres projets fédérateurs, dans lesquels je m’impliquerai volontiers. » «

La Marche n’est qu’un commencement, enchaîne Liesbeth Ronsmans. D’autres initiatives suivront. C’est évident. Et je me vois bien m’y investir. C’est une passion... J’imagine qu’il n’y a rien de plus enrichissant que de s’investir professionnellement dans sa passion. »

Antony Burckhardt a beau avoir l’âme d’un leader, lui ne se voit guère militer à vie pour l’abolition de l’avortement. « D’abord, parce que c’est très dur, douloureux. Il faut pouvoir supporter la pression, les attaques, le mépris... Je vous assure qu’on encaisse : on est caricaturé, brimé. (...) J’ai d’autres horizons en vue : j’aimerais partir pour l’Amérique du Sud, m’investir dans l’humanitaire, si possible au service des enfants. Mais pas nécessairement en lien avec la question de l’avortement. »

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