L’Église au Congo : Mater et Magistra (04/05/2011)

cardinal MOnsengwo assis.jpgAu Congo, notre ancienne colonie, on est loin des jeux « intellectuels », laïcs ou conciliaires, sur la liberté de conscience et la séparation de l’Eglise et de l’Etat : éduquer la société civile est la tâche prioritaire qui incombe aux autorités religieuses, essentiellement catholiques. C’était déjà vrai autrefois mais combien plus encore aujourd’hui, alors que toutes les autres structures sont effondrées ou discréditées.

 

A cet égard, Frédéric Mounier, dans le journal « La Croix » de ce 4 mai 2011,  relate les propos du Cardinal Laurent Monsengwo, archevêque de Kinshasa, présent à Rome pour la béatification de Jean-Paul II. Le prélat s’est exprimé  lors d’une conférence au Centre Saint-Louis de France, faisant partager à son auditoire, en majorité congolais, ses préoccupations pour l’avenir de son pays.

Les enjeux sont évidemment connus, sed « repetita placent » surtout de la bouche d’une personnalité d’envergure (le Congo n’en n’a pas trop). À commencer par celui des jeunes : « La moitié de nos jeunes, rappelle l’archevêque, ne sont pas scolarisés. Ils deviennent cireurs de chaussures, gestionnaires de cabines téléphoniques, enfants de la rue. Et le poids de cette non-scolarisation attire vers le bas ceux qui sont scolarisés. Dans vingt ans, le Congo comptera 100 millions d’habitants, dont la moitié seront des jeunes. On excuse trop souvent la faillite générale des États africains en invoquant l’explosion démographique. Face aux jeunes qui se révoltent, les États répondent par le mépris, les incarcérant, les obligeant à redoubler. Ces ‘années blanches’ aboutissent à des colères noires ! Ces jeunes sont dans une impasse. »

Parce qu’en 2025, le quart des jeunes de la planète seront des Africains, le cardinal Monsengwo, voit en eux autant « un énorme potentiel » qu’une « charge explosive ».

« Habituer nos laïcs à prendre position en politique »

Le dimanche des Rameaux, il s’est adressé, à Kinshasa (dix millions d’habitants) à 100 000 jeunes. Il les a exhortés à « voter de façon responsable » aux prochaines élections législatives, « sans regarder les petits cadeaux » : « L’Église prépare le peuple aux élections en donnant une formation civique, dans les paroisses. Nous devons habituer nos laïcs à prendre position en politique. C’est leur rôle. »

L’archevêque congolais, créé cardinal par Benoît XVI le 20 novembre 2010, a évoqué les « 180 millions de dollars donnés pour l’éducation par les institutions internationales qui n’arrivent jamais à destination. » Et il a poursuivi : « Si la corruption est généralisée, elle ne l’est pas dans l’Église. Celle-ci est crédible : le peuple la considère comme fiable. »

Certes, les Églises africaines sont pauvres, celui qui préside la Conférence épiscopale du Congo depuis 2004 pointe deux réalités : « Les transferts financiers de la diaspora émigrée sont trois fois supérieurs à l’aide publique au développement. Si toutes les Églises d’Afrique se mettaient au boulot pour étudier ces retombées… Ensuite, si nous demandions 1 dollar par an aux quatre millions de catholiques de Kinshasa, nous pourrions recueillir 4 millions de dollars ! On ne les a jamais eus. Pour cela, les prêtres gestionnaires doivent être crédibles. »

 « En Afrique, l’Église fait son boulot »

Plus largement, le cardinal met en cause chez les gouvernants « l’appétit du pouvoir, qui est une drogue » :  « J’en sais quelque chose : malgré moi, j’ai pratiqué le pouvoir pendant six ans ! Quand vous y êtes, il faut beaucoup d’esprit des Béatitudes pour ne pas succomber à la tentation de modifier la Constitution pour rester en poste ! », confie celui qui présida la Conférence nationale souveraine de 1991 à 1996…

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