Le secret du Roi (06/05/2011)
Deux journalistes belges, l’un francophone, Martin Buxant (dans la mouvance de « La Libre Belgique »), l’autre flamand, Steven Samyn (dans celle du « Morgen ») publient un livre vanté ici Le livre qui dévoile la Couronne ... par le quotidien « pluraliste » de la capitale.
L’ouvrage, édité chez Plon, sera diffusé en Belgique, en France et aux Pays-Bas. Cette entreprise a pour objet de divulguer les dialogues du Roi avec les décideurs politiques, économiques et sociaux (la plupart courageusement anonymes), au mépris du secret couvrant ce type d’entretiens et se lit, parait-il, « comme un roman ». La classe politique et le palais ont aussitôt stigmatisé cette publication irresponsable, qui transgresse l’une des règles non-écrites sur lesquelles s’appuie la fonction royale.
Rappelons à cet égard que les pouvoirs du Roi en Belgique ont évolué depuis 1831, même si les textes constitutionnels s’y rapportant demeurent inchangés. Ainsi, la pratique -extensive- du « domaine réservé » du Souverain (relations extérieures et défense) s’est peu à peu érodée à partir de l’avènement du suffrage universel (1918) mais, depuis un demi-siècle, sa magistrature d’influence s’est progressivement renforcée, dans la mesure où s’accroissait la crise identitaire du pays. La désunion nationale a renforcé un patriotisme dynastique que les francophones surtout perçoivent comme une valeur-refuge, un invariant politique « distancié » au milieu de la débâcle institutionnelle.
Le lieu de l’exercice de cette magistrature d’influence est le « colloque singulier », couvert par la règle du secret tirée du principe de l’inviolabilité du Roi. Le Procureur général Jacques Velu, notamment, en a situé la portée comme suit : les conseils et recommandations que le Roi dispense aux ministres « ne peuvent déborder le cadre des rapports non publics qu’il entretient avec eux. La part qu’il a dans les décisions prise sous le contreseing ministériel ne saurait être divulguée. Aucune pièce de nature à établir comment, de commun accord entre le Roi et un ministre responsable, un arrêté royal est élaboré, ne peut être rendue publique […] Cette obligation du secret […] s’impose tant aux ministres qu’au Roi », obligation dont la méconnaissance est sanctionnée, le cas échéant, par le Conseil d’Ėtat (cité par Marc Uyttendaele dans son Précis de droit public belge).
Comme l’a justement observé Philippe Lauvaux dans la Revue « Pouvoirs » (n° 136) toutes les entorses à ce principe du secret affaiblissent la fonction de médiation exercée par le Souverain, en particulier durant les crises ministérielles où c’est le Roi qui consulte et doit prendre des décisions qui ne bénéficient pas de la couverture d’un gouvernement pleinement responsable.
C’est dire qu’on perçoit mal ou que l’on comprend trop bien l’objectif poursuivi, quoi qu’ils s’en défendent, par les deux journalistes à l’encontre de la seule institution publique demeurée stable en ces temps d’incertitude que traverse la Belgique.
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Commentaires
Les choses ne sont-elles pas ENCORE plus sournoises qu'on ne le pense concernant la N-Va et autres flamingants. Ce livre ne mêle-t-il pas allègrement le vrai et le faux pour discréditer et affaiblir la dynastie ?
Sur un autre sujet dynastique: après, me semble-t-il 2 (?) ans de service militaire, le prince Laurent ne peut-il COMPRENDRE que lorsque le Premier ministre donne un ORDRE écrit de ne PAS faire qqch: éh bien, c'est simple on OBEIT !
Pour sa punition, j'aurais amputé joyeusement la dotation du Prince ou je l'aurais réenvoyé à l'armée une année supplémentaire. Dura lex sed lex...
Écrit par : Robert LEVEQUE | 06/05/2011