Le pape et les liturgistes : le dit et le non dit... (10/05/2011)
Hier, le Vatican Information Service (V.I.S.) adressait ce communiqué :
"Benoît XVI a reçu ce matin les participants aux IX Congrès international de liturgie organisé par l'Institut pontifical liturgique de St. Anselme, pour le 50 anniversaire de sa fondation. Le Pape a rappelé que Jean XXIII, "répondant juste avant le Concile aux attentes du mouvement liturgique, avait voulu relancer cette prière de l'Église en chargeant la Faculté bénédictine de l'Aventin de constituer un centre de recherche pour assurer une base solide à la réforme de la liturgie". Rappelant le titre du congrès, Entre mémoire et prophétie, il a dit que la première appartenait à l'histoire d'un institut qui a offert pendant cinquante ans d'activité et d'enseignement sa contribution à une Église engagée dans l'actualisation de Vatican II. "Le terme prophétique ouvre à un nouvel horizon même si la liturgie de l'Église ne saurait se limiter à la simple réforme conciliaire. Elle va bien au-delà car le but principal de la réforme n'a pas été de changer textes et rites, mais de renouveler la pensée liturgique en mettant au cœur de la vie chrétienne et de la pastorale la célébration du mystère pascal. Malheureusement, souvent de la part des pasteurs et des liturgistes, la liturgie a plus été envisagée comme un objet de réforme que comme un sujet en mesure de raviver la vie chrétienne, du fait qu'il existe un lien étroit entre renouveau liturgique et renouveau de la vie ecclésiale". La liturgie, a poursuivi Benoît XVI, "vit du rapport constant et précis entre une sainte tradition et un légitime progrès, ainsi que l'expose clairement la constitution conciliaire" Sacrosanctum Concilium. "Trop souvent on oppose maladroitement tradition et progrès alors que les deux concepts se complètent intégralement. La tradition est une réalité vivante, qui inclut en quelque sorte tout principe de développement, de progrès... Puisse votre institut poursuivre avec élan le service qu'il rend à l'Église, en pleine fidélité à sa riche tradition liturgique comme à la réforme voulue par le Concile Vatican II selon les critères édictés par la Sacrosanctum Concilium et les indications du Magistère". AC/VIS 20110506 (350)"
Le site "Paix liturgique" commente ce texte dans sa lettre n°282 (à lire dans son intégralité en cliquant sur le lien) en soulignant les "audaces" du pape dans sa dénonciation des errements liturgiques auxquels on assiste depuis la réforme de Paul VI :
Le pape souligne "ce qui n’a pas fonctionné dans la réforme de Paul VI : le thème précédent reste assez vague. Vient une critique relativement plus précise – mais prudente – de ce qu’on pourrait appeler une « herméneutique de rupture » du point de vue liturgique : « Malheureusement, souvent de la part des pasteurs et des liturgistes, la liturgie a plus été envisagée comme un objet de réforme que comme un sujet en mesure de raviver la vie chrétienne, du fait qu'il existe un lien étroit entre renouveau liturgique et renouveau de la vie ecclésiale ». Et puis encore : la liturgie « vit du rapport constant et précis entre une sainte tradition et un légitime progrès, ainsi que l'expose clairement la constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium ». Et puis aussi : « Trop souvent on oppose maladroitement tradition et progrès alors que les deux concepts se complètent intégralement. La tradition est une réalité vivante, qui inclut en quelque sorte tout principe de développement, de progrès».
Ceci dit, on reste sur sa faim, car comme le fait remarquer l'auteur de cette lettre : "Ce qu’il faudrait faire pour corriger le tir : cela, malheureusement, le Pape n’en dit rien.
La partie la plus intéressante de ce discours reste implicite. On comprend que la réforme de Paul VI le laisse aussi insatisfait que lorsqu’il était cardinal Ratzinger, mais on comprend aussi qu’il ne passera vraisemblablement pas aux actes, c'est-à-dire aux textes. Au fur et à mesure qu’avance le pontificat, on voit que cette « réforme de la réforme » n’établira pas au moyen d’une série de lois et décrets, un troisième missel, à mi-chemin entre le missel tridentin et le missel nouveau (lequel est d’ailleurs bien plus un ensemble indéfini, un assemblage divers et évolutif, qu’un véritable missel au sens traditionnel). Le cardinal Ratzinger hier, le pape Benoît XVI bien plus encore aujourd’hui, répugne à mettre en œuvre un mouvement de réformes autoritaires et continues semblables – mais en sens inverse – à ce qu’a été la mise en œuvre de la réforme de Paul VI."
Paix Liturgique ajoute : "en fait, pour l’essentiel, Benoît XVI pose des jalons pour l’avenir, et ceci de deux manières :
· En indiquant que le véritable esprit de la réforme conciliaire n’a pas été compris ;
· Et par le fait même, en permettant les critiques de plus en plus nombreuses, de plus en plus ouvertes, à Rome même, dans les colloques, des livres, des conférences, de la formidable révolution qu’a été la novation sans exemple dans l’histoire qu’a subie la liturgie romaine à la fin des années soixante.
En matière liturgique, comme en matière doctrinal par son fameux discours de décembre 2005 sur l’herméneutique de Vatican II, Benoît XVI s’inscrit dans l’histoire du post-concile comme le Pape qui ouvre des brèches, plus par ce qu'il fait que par ce qu’il dit."
Et de conclure : "Le terme logique des propos du Pape : historiquement, il est, de toutes façons, inéluctable. La réforme de Paul VI, sauf les incommensurables dégâts qu’elle aura accumulés du point de vue pastoral, catéchétique, pédagogique, missionnaire, culturel, ne peut que disparaître à terme.
Cette disparition programmée, du fait de l’état de l’Église, et de la crise sans précédent de l’autorité, semble ne pouvoir être que progressive. A cet égard, le texte certainement majeur du Pontificat restera le Motu Proprio Summorum Pontificum, avec ce mécanisme – peut-être le seul concrètement possible pour revenir progressivement à une liturgique digne de ce nom dans les paroisses ordinaires – d’établissement d’une sorte de concurrence entre les deux rites, l’ancien et le nouveau, baptisés « formes » extraordinaire et ordinaire. En présentant son texte, le Pape a parlé d’« enrichissement réciproque » que pouvaient s’apporter l’une et l’autre formes.
Bien entendu, tout le monde sait que la forme la plus évidemment « riche » est celle qui bénéficiait d’une tradition ininterrompue de dix siècles, et dont la valeur doctrinale et rituelle était au moins semblable à celle des autres grandes liturgies catholiques. De sorte que personne ne songe sérieusement à nier que la forme qui doit être enrichie/transformée est d’abord cette liturgie fabriquée hâtivement il y a quarante ans. Et c’est ce projet d’enrichissement/transformation de la réforme de Paul VI, dans le but de la rendre plus traditionnelle dans son fond et dans sa forme, qu’on a pris l’habitude de qualifier de réforme de la réforme. Il est clair que la chance de réussite la plus sérieuse de ce « retour » se trouve dans la diffusion la plus large possible de la liturgie traditionnelle, dite « forme extraordinaire »."
Ainsi, pour reprendre l'intitulé de cette lettre, le pape pose-t-il des jalons pour l'avenir... Du moins peut-on l'espérer.
08:23 | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |
Imprimer |
Commentaires
Merci d'avoir reproduit cette information et le commentaire de Paix Liturgique. Au moins il apparait clair que le Pape ne veut pas s'engager sur une reforme mais remettre en valeur la liturgie ancienne pour mieux en apprecier sa richesse et permettre une fixation de principes clairs par la suite.
Je crois que tout catholique doit voir au moins une fois dans sa vie comment etait celebree la messe avant le Concile.
Écrit par : Bernard | 10/05/2011