Humbles aveux d’un blogueur improvisé (13/05/2011)

290px-Coeurstmartinliège.jpgNotre société est bouleversée et, face à ces bouleversements, nous sommes  amenés à prendre position, et il est à supposer que nous le fassions loyalement, en toute honnêteté. Le fait que ces changements nous éloignent de plus en plus de ce que, a posteriori,  nous qualifierions de « berges calmes » où nous nous sentions en sécurité pourrait nous conduire à « forcer » un peu nos positions. Ainsi pourrions-nous idéaliser à l’extrême des situations antérieures où cela ne se justifie pas ou rejeter des changements et des adaptations qui ne méritent pas tous d’être diabolisés.

J’ai beaucoup de respect et de reconnaissance pour ceux qui m’ont mis au jour et qui m’ont éduqué dans la foi catholique. Grâce à eux, j’ai connu ce bonheur tranquille de grandir à l’ombre d’une vénérable basilique où je me rendais, en leur compagnie, puis seul par la suite. J’aimais l’ambiance de cet édifice gothique où l’on se perdait dans le dédale des sacristies et dans la pénombre des cryptes  où reposaient des évêques figés dans le marbre noir. Nous étions des cohortes d’enfants de chœur, tremblant sous la férule d’un redoutable doyen, enclin d’ailleurs à des audaces qui scandalisaient ses paroissiens. Mais les célébrations restaient belles et dignes sans être figées dans je ne sais quel Grévin liturgique ; durant le sermon, je tentais de décrypter les peintures murales relatant l’institution de la Fête-Dieu survenue en ce lieu sept siècles auparavant. Chaque année, une procession montait de la cathédrale vers la basilique et nous étions très fiers de faire de chacune des  fenêtres de nos maisons un autel fleuri en l’honneur du Saint-Sacrement. L’évêque était aristocratique et onctueux ; son allure de pontife revêtu des plus beaux ornements nous impressionnait fort. Ce monde paraissait immuable et cela me rassurait. Du pape et des évêques, on entendait ce qu’il fallait, mais pas davantage : l’heure n’était pas aux médias et au vedettariat. Le petit catéchisme qu’on nous enseignait était « recommandé par les évêques de Belgique », et on savait que l’évêque de Liège avait protégé des juifs pendant la seconde guerre et que le cardinal Mercier avait été un héros devant l’envahisseur durant la première. Du pape Pie XII, je me souviens de l’émoi que sa disparition suscita et je fus déçu par l’aspect rondouillard de celui qui suivit et qui m’inspirait des sentiments mitigés (je n’avais pas dix ans !).  J’étais pourtant bien content quand notre instituteur, nous dispensant de ses leçons, nous avait alignés sagement devant un téléviseur (quelle merveille!) où nous avons assisté à un long cortège d’hommes mitrés déambulant sur la place Saint-Pierre pour y tenir une « grande réunion » qui « allait changer beaucoup de choses ». Ca, j’ai bien dû le constater durant les années qui ont suivi et cela m’a de moins en moins réjoui…

Tout a été bien bouleversé depuis lors. Non seulement la basilique est vide, la procession de la Fête-Dieu n’est plus qu’un souvenir, les évêques n’ont plus cette belle prestance, la liturgie est devenue peu parlante, et même les reliques de la bienheureuse Eve de Saint-Martin sont devenues introuvables ! Que de choses pour scandaliser  et émouvoir, pas toujours avec le discernement souhaitable, sans doute. Mais quand même ! Que reste-t-il de nos familles catholiques où, de la grand-mère qui allait à la messe chaque jour, ou presque, on est passé aux petits-enfants et arrière-petits-enfants qui, généralement, n’y vont plus guère ou pas du tout. Comment expliquer cette extinction progressive de la foi ?

Quelle attitude adopter aujourd’hui ? On a le choix entre la crispation fixiste à l’arrière-garde, la fuite en avant dans l’avant-garde (assez vieillie), la passivité dans les rangs intermédiaires de plus en plus clairsemés. Après avoir adhéré à des initiatives extrêmes suscitées par les excès produits par l’aggiornamento, je suis, pour ma part, rentré « dans le rang » tout en gardant ma liberté critique et mes convictions personnelles. Fallait-il marginaliser ses enfants en les entraînant dans des chapelles intégristes ? Fallait-il considérer comme le diable tout ce qui se célébrait selon de nouveaux rites ? Fallait-il déserter les paroisses, les écoles et les mouvements d’Eglise ? Fallait-il opter pour la dissidence au risque du schisme ? Je ne m’y suis pas résigné au risque d’apparaître comme un traître ou un  lâcheur au regard d’amis intégristes ou « tradis ». Dire que la fréquentation de la paroisse, ou plutôt de ce qu’on appelle à présent « l’unité pastorale », me caresse le cœur serait beaucoup dire… Il y a des sermons irritants, des improvisations agaçantes, des « bricolages » horripilants, sans compter la mainmise sur la « pastorale » par des « soviets » paroissiaux : «EAP » (équipe d’animation pastorale), « CUP » (Conseil de l’Unité pastorale) constitués de gens de bonne volonté mais souvent envahissants et parfois dictatoriaux. Il faut beaucoup de conviction et de maîtrise de soi pour tenir le coup dans des circonstances où l’on a souvent l’envie de claquer la porte surtout si l’on a accepté certaines responsabilités, au sein d’un Conseil de Fabrique, par exemple.

Je ne suis pas allé à Rome pour la béatification de Jean-Paul II et je ne voue pas un culte inconditionnel au Pape régnant (que mon amie de « Benoît-et-moi » me pardonne !). La figure de Jean-Paul Ier m’attirait beaucoup et j’ai été attristé par son départ prématuré après 33 jours de pontificat ; c’était peut-être un signe. Je regrette qu’on se focalise autant sur la personne du pape mais c’est sans doute la rançon de l’invasion de notre culture par l’audio-visuel. Il me semble que la personne doit s’effacer derrière la fonction et ne doit pas susciter un engouement démesuré pour une figure mise en vedette. La mission du pape n’est pas de plaire ou de ne pas plaire mais bien de confirmer ses frères dans la foi, en prêchant l’évangile « à temps et à contre-temps », sans compromission avec l’esprit du monde. Je regrette un peu que la fonction pontificale soit quelque peu hypothéquée par le « star system ». Les papes qui ont été « enfermés » au Vatican durant la période qui a suivi la prise de Rome (1870) jusqu’aux accords du Latran ont pleinement rempli leur mission sans bénéficier des feux de la rampe. Par ailleurs, que faire lorsqu’un pape a un profil moins attachant et ne séduit pas vraiment ? Je pense que je n’aurais pas été un « fan » de Léon XIII ou de Pie XI, pas plus que je ne l’ai été de Jean XXIII ou de Paul VI, mais cela n’enlève rien au respect et à l’attachement qui est dû au successeur de Pierre et Vicaire du Christ…

Tel est, très partiellement esquissé, le profil du principal gestionnaire de ce blog qui s'est résolu, après de longues hésitations, à se propulser sur le ring de l'Internet pour y faire entendre le point de vue d'un "catholique du rang" qui ne se résigne pas à voir l'Eglise discréditée et outragée par tant de propos malveillants.

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