Abus sexuels des ecclésiastiques sur les mineurs d’âge : la responsabilité des évêques et du Saint-Siège est-elle engagée ? (01/06/2011)

blogger.jpgVoici trois jours, les évêques et supérieurs religieux belges acceptaient d’assumer, dans le cadre d’une procédure arbitrale à définir, les conséquences notamment financières d’une responsabilité morale pour des faits d’abus prescrits et donc sans faute imputable. Mgr Harpigny, évêque référendaire sur ces questions se félicitait d’être ainsi « passé à la vitesse supérieure ». D’après le journaliste  Ricardo Gutiérrez, leurs adversaires sont aussi passés, aujourd’hui même, à la vitesse supérieure. Voici ce qu’il écrit à ce sujet dans « Le Soir » de ce jour :

"C’est non seulement le Vatican, comme annoncé, mais aussi les évêques et les supérieurs des ordres et congrégations catholiques belges que les victimes d’abus sexuels défendues par l’avocat gantois Walter Van Steenbrugge (photo ci-contre) entendent citer en justice civile. Ils dévoileront leur citation à comparaître ce mercredi, à Gand. Elle se fonde sur la présumée négligence fautive de l’Eglise face aux centaines de victimes abusées par des prêtres et des religieux, en Belgique.

« L’action intervient quelques jours après la reconnaissance par les évêques et les supérieurs belges, lundi, de leur « responsabilité morale » face à ces crimes. Les plaignants espèrent obtenir du tribunal de Gand un jugement intermédiaire leur accordant une indemnisation provisoire.

Professeur de droit canon, à la KUL, Rik Torfs n’exclut pas que l’action puisse être menée à terme, en première instance. Encore faut-il lever l’obstacle de l’immunité judiciaire dont bénéficie le Saint-Siège. Et surtout démontrer un lien de causalité entre l’attitude fautive présumée du Vatican, des évêques et des supérieurs, et les dommages moraux ou corporels causés aux victimes par les clercs abuseurs. « Ce n’est pas évident, mais tout est possible », commente le canoniste."

Certes, le privilège du for ecclésiastique a disparu depuis plus de deux siècles. Les évêques ne sont pas au-dessus des lois civiles et pénales. Mais il faut prouver ce que l’on avance.

Pour s’en tenir au volet civil, chacun connaît le célèbre article 1382 du code : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » Encore faut-il apporter les preuves : il n’y a pas de faute présumée sauf à appliquer, en l’occurrence, l’article 1384 qui permet d’engager la responsabilité du commettant sans que la victime ait à prouver la faute de celui-ci : il  suffit à la personne lésée d’apporter la preuve de celle que le préposé (contractuel ou non : le critère est celui de l’existence d’un lien de subordination)  a commise, dans l’exercice des fonctions auxquelles il est employé.

Mais peut-on dire que l’évêque ou le supérieur religieux sont les commettants des curés ou des membres de leur congrégation, qu’il existe entre ceux-ci et eux un lien de subordination au sens de notre loi civile ? A cet égard, dans l’état actuel de la jurisprudence belge, il est permis au juge non pas d’apprécier le bien-fondé de la législation canonique mais de prendre en considération la nature objective du lien qu’elle crée, pour le qualifier. Or, il a été jugé, jusqu’ici, que la large autonomie accordée au curé par le code de droit canonique, ou, a fortiori, la nature du lien créé par les vœux d’un religieux, ne fait pas de ceux-ci des préposés au sens de la loi belge. Ce qui est déjà problématique dans le cadre de la relation entre le curé ou le religieux et son évêque ou son supérieur l’est a fortiori au niveau du lien que le curé, prêtre ou religieux, entretiendrait avec le pape ou le Saint-Siège, sans même parler de la question des immunités judiciaires dont dispose un chef d’Etat ou une personne juridique de droit international comme le Saint-Siège !

JPS

17:44 | Lien permanent | Commentaires (3) |  Facebook | |  Imprimer |