Homme et Prêtre (21/06/2011)

C’est le titre d’un  livre d’entretiens du Père Michel-Marie Zanotti-Sorkine  avec Jean-Robert Cain, qui vient de paraître (mai 2011) aux Éditions Ad Solem.

 En quelques années, le père Michel-Marie Zanotti-Sorkine a transformé l'église Saint-Vincent-de-Paul, dans le haut de la Canebière à Marseille, en une des paroisses les plus fréquentées de la cité phocéenne. La foule se presse pour prier dans la beauté et faire rayonner la lumière du Christ autour d'elle. Conversions et baptêmes se multiplient, les vocations aussi, et les non-chrétiens franchissent les portes de l'église pour découvrir quel mystère se cache dans ce lieu. Comment expliquer un tel phénomène dans une Eglise dont on stigmatise les faiblesses et prédit constamment la disparition ? Michel-Marie Zanotti-Sorkine répond à toutes ces questions.  

Sa concitoyenne Annie Laurent (une spécialiste du monde arabe) l’avait déjà interviewé pour le mensuel la Nef, voici quelque temps. Voici quelques unes de ses réponses,  loin des fausses recettes de la  pastorale de l’enfouissement qui sévit encore dans l’Eglise postconciliaire. 

 D’emblée une question, qui s’impose à Marseille : aux frontières de votre paroisse vivent aussi d’importantes communautés non chrétiennes (juifs et musulmans-turcs, maghrébins, comoriens). Vous sentez-vous concerné par leur présence ?

 « Bien sûr ! Vous savez comme moi que Dieu ne fait aucune différence entre les personnes. Alors, soyons logiques, quelle que soit leur conception de Dieu et leur regard sur l’Église, je suis et demeure leur curé. Le Seigneur me les a confiés. Je les prends au cœur de ma prière sacerdotale et de mon souci apostolique. Il m’arrive d’ailleurs d’en accueillir jusqu’au pied de l’autel. »

 Sa méthode ? « Ouvrir les portes, et il y en a quatre dans cette église, plus cinq grilles ! Au plus myope des piétons et des automobilistes (90 000 voitures passent là tous les jours), impossible de ne pas voir que la Maison est ouverte et que Dieu se penche. Ensuite, puisque vous vouliez que nous parlions méthode, la mienne se résume en un seul mot : présence. Effective, dans l’église, chaque jour. Rien de plus simple que de rencontrer son curé ! On le trouve déambulant dans les travées, assis dans son confessionnal, à son bureau qui jouxte la sacristie, et c’est à ce prix qu’il décroche des baptêmes et surtout, surtout, des cœurs qui s’ouvrent au dialogue et, pour certains, au pardon de Dieu.

 « En toile de fond, je veux croire qu’avant tout, seule la bonté est la méthode infaillible. Lacordaire, sur ce point, a deux formules bien frappées : « C’est la bonté qui rend Dieu populaire » ; « On ne fait du bien qu’en se faisant aimer ».

 « Mais je ne vous ai pas encore dit l’essentiel. Toute la vie cultuelle se déployait auparavant dans la crypte. À présent, l’Eucharistie, en semaine comme le dimanche, est célébrée comme il convient au maître-autel. Je soigne particulièrement la célébration de la messe afin que la solennité unie à l’intériorité manifestent autant qu’il est possible la prégnance du sacrifice eucharistique et la réalité de la Présence.

 « Parce que la vie spirituelle ne se conçoit pas sans le culte rendu au Saint Sacrement et sans un amour ardent pour Marie, j’ai instauré l’adoration quotidienne et la prière du chapelet animée par des étudiants et de jeunes professionnels (…).

 « N’oubliez pas que Dieu, au Livre de l’Apocalypse, fustige la tiédeur et la vomit. Et celle-ci, quand elle s’empare d’un être, l’estompe et le laisse sans voix. Or la foi passe par l’audition. Fides ex auditu, clame saint Paul le prosélyte !Et si plus personne ne parle, plus personne n’annonce, explicitement et respectueusement, ce qui ne s’oppose pas, le salut apporté par le Christ, la courroie est brisée, l’avenir compromis. Ce qui est saisissant chez saint Dominique, c’est justement son souci viscéral du salut de l’homme. Et permettez-moi de dire sans blesser personne qu’aujourd’hui ce souci ne nous étouffe pas. C’est peut-être là l’une des causes majeures de l’indifférence religieuse que nos contemporains, hélas, reçoivent de nous.
« Nous irons tous au paradis », en voilà une autre de chanson qui risque de nous bercer d’illusions. Encore faut-il combattre pour que tous y entrent, le prêtre en tête, dans ce paradis ! Bien sûr, je crois de toutes mes forces en la miséricorde de Dieu mais je ne joue pas avec elle !(…)

 « Notre sacerdoce est un état, il doit transpirer par tous les pores de notre vie. Le service doit être permanent et le don de notre être manifeste. Que penseriez-vous d’un époux qui, en se rendant le matin à son bureau, ôterait son alliance ? Et puis, zut ! Si le pape garde sa soutane, c’est qu’il y a une raison. Mon désir est uniquement de vivre à fond ma donation. Même le vieil Hugo qui a vraiment tout dit nous ramène au réel en affirmant que « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface ».Je garde donc jalousement mon col romain et ma soutane, signes de consécration et blouse de travail. Quant à ceux qui prétendent que l’habit ecclésiastique crée une distance, je leur réponds qu’ils ne connaissent pas le cœur des pauvres pour lesquels ce qui se voit en dit plus que ce qui s’énonce. Les régimes communistes, eux, ne s’y trompent pas : sachant l’importance pour la communication de la foi de l’habit religieux, ils s’empressent toujours de l’interdire. Cette question est loin d’être secondaire et elle mérite vraiment que l’Église de France y prête attention. Son témoignage en dépend. »

Vous aimez beaucoup la Vierge Marie. Messes votives à sa mémoire, chapelet, neuvaines, angélus, distribution de la médaille miraculeuse rythment le temps de votre paroisse. Pourquoi un tel accent marial ?

 «  Ma propre mère, de père juif, a été baptisée, au seuil de la guerre, à l’âge de sept ans, sans précautions ni vérification des intentions. Ses parents voulaient simplement qu’elle fût admise dans la meilleure école de la ville, geste salvifique puisqu’en outre elle échappa ainsi à la persécution nazie. Et pour couronner le tout, de ce baptême aux motivations si faibles jaillit une famille croyante d’où un prêtre sortira…. »

 Sans Lui, en effet, nous ne pouvons rien faire.

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