Belgique : des propos qui restent de saison (12/07/2011)

En septembre dernier, l'Echo ouvrait ses colonnes à un chercheur en science politique à l’UCL, Vincent Laborderie, un spécialiste de la manière dont les États peuvent devenir indépendants et des conditions de leur reconnaissance internationale. Selon lui, le scénario d’une scission de la Belgique était totalement irréaliste.

Extraits :

"Trois scénarii peuvent conduire à une indépendance. Dans le cas de la Belgique, on peut exclure d’emblée le conflit armé. Deuxième voie: une séparation à l’amiable, à la tchécoslovaque. Pour cela, il faut un accord entre Flamands et francophones. Or comment des responsables politiques qui n’arrivent pas à s’accorder sur la scission de BHV pourraient-ils le faire sur des sujets autrement plus épineux, comme le sort de Bruxelles, de sa périphérie ou la dette? La dernière possibilité pour la Flandre de devenir indépendante est une déclaration unilatérale. Autrement dit, une sécession sans consentement mutuel avec les francophones. Dans une telle situation, plusieurs membres de l’Union européenne, soucieux de leurs propres problèmes internes, s’opposeraient à une reconnaissance rapide. Pour l’économie flamande, ce serait une catastrophe. En fait, la séparation ne peut être que négociée. Et les dirigeants francophones ont donc la capacité de s’y opposer. Inutile donc de plier devant la supposée volonté séparatiste de la Flandre ou de la devancer.

"Le cas tchécoslovaque est très particulier. D’abord parce que la séparation s’est faite à l’encontre de la volonté de la population des deux entités. Ce sont les partis politiques qui ont négocié la séparation entre eux. Cette séparation n’a du reste pas été très bénéfique aux échanges entre les deux entités qui ont été divisés par quatre par rapport à la situation unitaire. En Belgique, vu la forte interaction économique entre les trois Régions, une telle évolution des échanges serait catastrophique. Et puis, qu’est-ce que cela règle de se séparer? Flamands et francophones resteront voisins. C’est comme un couple qui divorce, mais qui devrait continuer à vivre sous le même toit. Il faudra toujours gérer la mobilité autour de Bruxelles, le survol de la ville, etc. Or il sera plus difficile de régler ces problèmes entre deux pays qu’à l’intérieur d’un seul pays."

"En affirmant que la Wallonie et Bruxelles seraient économiquement viables, on commet la même erreur que le groupe de réflexion séparatiste "De Warande" à propos des transferts financiers. Une erreur qui consiste à raisonner avec des chiffres constants, toutes choses restant égales par ailleurs. Or qu’adviendra-t-il du PIB de la Flandre privée de Bruxelles? Où en sera l’attractivité de Bruxelles privée de son rôle de capitale? C’est plus compliqué que de raisonner dans le cadre d’un simple jeu à somme nulle. La Belgique représente une valeur ajoutée en soi. Et en coupant le pays en deux, on tue la poule aux œufs d’or qu’est Bruxelles. L’ampleur des transferts entre la Flandre et les deux autres Régions (6 milliards d’euros, NDLR.) est du reste présentée de façon exagérée. Le volume de ces transferts est très inférieur à ceux qui ont lieu entre le Nord et le Sud de l’Italie par exemple. Pour gagner 3% de revenu disponible en supprimant les transferts, la Flandre risquerait de perdre 15 à 20% de sa prospérité en raison des liens coupés avec Bruxelles. Ni les Flamands ni les francophones ne conçoivent leur avenir sans Bruxelles. Impossible dans ces conditions de concevoir un éclatement de la Belgique."
source : http://www.lecho.be/nieuws/archief/Vincent_Laborderie

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