Quand l'avortement sert à éliminer les filles (13/08/2011)

"Une nuit de 1978, un étudiant d’un des programmes d’obstétrique les plus prestigieux rédigeait le rapport de son premier accouchement. A ce moment, il vit un chat d’un saut quitter une salle de l’hôpital, une « chose…mouillée de sang, mutilée » dans la gueule. Imperturbables, les médecins et infirmières continuaient à accomplir plus d’avortement que d’accouchements, certains au stade de six ou même sept mois de grossesse. Lorsque l’étudiant demanda enfin à l’infirmière pourquoi l’enfant avorté n’avait pas reçu un meilleur traitement, elle répondit d’un ton morne « parce que c’était une fille ».
Le premier livre de Mara Hvistendahl, « Unnatural Selection, Choosing Boys Over Girls and the Consequences of a World Full of Men » [ Le choix des garçons au détriment des filles et des conséquences d’un monde plein d’hommes] abonde de descriptions similaires.
Plus de 160 millions de femmes en Asie sont à mettre sur le compte de l’avortement sélectif, plus que le nombre de femmes vivant actuellement aux Etats-Unis. Le taux comparatif des naissances des garçons a atteint un record inimaginable; et Mara Hvistendahl tente de comprendre pourquoi.
Ses conclusions ont le don de secouer la sagesse populaire. La chercheuse réfute les thèses selon lesquelles la sélection du sexe de l’enfant est une question de pauvreté. Ce sont au contraire les riches – tels que la clientèle des hôpitaux les plus prestigieux de Delhi – qui ont initié une telle pratique. La population plus modeste n’a malheureusement fait que leur emboîter le pas. Le commerce vitrine de la fécondation in vitro de Los Angeles n’est que le dernier épisode de cette crise. Malgré les idées préconçues, la cause principale de ce phénomène n’est pas en soi la tendance générale à préférer les fils. L’avènement de l’avortement et du contrôle de la fertilité sont communs à des pays aussi différents que l’Azerbaïdjan et la Chine.
Mara Hvistendahl s’appuie sur les travaux de Matthew Connelly, qui en 2008 publiait une histoire du contrôle des populations, où il montrait comment les promoteurs des politiques des populations avaient perçu les intérêts composés de la diminution du nombre de mères potentielles. Pour illustrer sa thèse, elle fait un traçage méticuleux de l’argent, de la technologie médicale et des idées malthusiennes arrivées en Inde depuis l’occident, grâce auxquels l’armée et des médecins financés par les gouvernements ont formés le reste des médecins du pays. La Fondation Rockefeller, la Fédération Internationale du Planning Familial, le Conseil des Populations [Population Council], et surtout le Fondation Ford, ont placé leurs investissements dans la propagation de la sélection du sexe de l’enfant.
Alors qu’elle pointe du doigt ces institutions libérales comme premières responsables, Mara Hvistendahl accuse aussi la l’éléphant républicain. Le général William Draper, de l’US Army, à qui est consacré un chapitre entier, a conçu la généralisation de l’avortement comme moyen d’empêcher le Japon et la Chine de récupérer militairement après la second guerre mondiale. Le général pensait disposer de trop peu de temps pour un « effort d’éducation durable » sur le planning familial et voyait l’avortement comme un moyen bien plus pratique. Il était bien plus facile à des opérationnels de repérer une femme enceinte qu’une femme désirant concevoir. Draper fonda plus tard Population Action International, une organisation de recherche en de promotion de l’avortement.
Le manque de femmes susceptibles de se marier a diminué et non amélioré le statut social des femmes : l’achat de femmes, avec ou sans leur consentement, n’est pas rare. Mara Hvistendahl a procédé à des entretiens avec des jeunes filles enlevés tôt pendant leur adolescence, et forcées à entretenir sexuellement plus de dix sept hommes par jour pendant trois mois, moyen de choix pour les initier à la prostitution.
Le dernier mythe que Mara Hvistendahl détruit est la prétention des féministes à défendre les femmes contre de tels abus. Bien au contraire, elle constate l’existence d’une complicité du silence. Mara Hvistendahl est allée plus au fond dans son enquête sur l’agence de l’ONU, le Fonds pour la population, et sur son rôle dans la crise. Ce sera le sujet de l’article de la semaine prochaine dans le Friday Fax.
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