Avons-nous banni Dieu ? (22ème dimanche du temps ordinaire) (30/08/2020)

En lien avec l'évangile de ce dimanche, l'abbé Gérald Chaput propose cette réflexion sur le site du diocèse de ValleyField  (archive 2011)

Année A: Dimanche de la 22e semaine ordinaire (litao22d.11) - Matthieu 16, 21-27

"Qu'est-ce qui est prodigieusement stimulant dans ce texte qui parle de renoncement? Si nous recevons les textes de ce jour avec des yeux tout axés sur une vie facile, la bonne nouvelle de l'Évangile en est plutôt déroutante. Beaucoup ont l'impression qu'adhérer à Jésus, c'est s'inscrire dans un mouvement de vie austère : elle est dure, cette parole! Qui peut l'écouter ? (Jn 6, 60)  

Pourtant Jésus propose à Pierre qui vient de le reconnaître comme Fils de Dieu, un avenir assuré, une vie réussie, s'il contribue avec son aide, à mettre le monde sens dessus dessous. À ceux qui le reconnaissent et le suivent sur son chemin, Jésus offre un défi époustouflant : remettre le monde à l'endroit. Nos  vies aussi.

Dans les mots de Paul, Jésus propose à ceux qui veulent faire partie de son équipe, de le suivre, de ne pas prendre pour modèle le monde présent mais de transformer, de renouveler leur façon de pensée (Rm 12, 1). Aux yeux de Jésus, le modèle de société de son temps, de tout temps, tourne autour d'une loi écrite pour les autres. Il y avait détournement vers la facilité. Vers le bas. Vous dites mais ne faites pas.

Le projet de Jésus à ceux qui le reconnaissent comme Fils de Dieu, le Messie de Dieu, ouvre sur l'instauration d'un monde à l'envers de la manière de vivre de son temps. Dans les mots d'aujourd'hui, il propose un grand projet d'humanisation de l'humain, de l'humanité. De réussir l'humain à la mode de Dieu.

Mais ce chemin si emballant soit-il, exige que nous abandonnions notre vie propre pour devenir participants de la nature divine (2 Pi 1, 4) Pour nous confier son Évangile, Dieu nous a mis a l'épreuve et continue à le faire (1 Th 2,3). Cette épreuve passe par une manière neuve de vivre qui comporte des exigences, certains diront de renoncement, d'autres d'accomplissement.

Quand Jésus nous invite à renoncer à nous-mêmes, il ne nous demande pas de renoncer à ce qui est bon en nous, à ce que nous sommes. Image de Dieu, nous, humains, sommes fondamentalement bons, très bons. Dieu vit que cela était bon (Gn).  Pour le suivre, il nous demande de renoncer à ce que nous sommes devenus. À ce que nous avons fait de nous-mêmes par un mauvais usage de notre liberté. Nous avons superposé à notre beauté originelle des comportements moins qu'humains. Déclarer tu es le fils de Dieu, c'est renoncer à vivre entre nous d'une manière non humaine. Pierre a trouvé ce chemin impossible. Il s'est fait traiter d'agir comme Satan. Ce n'est pas humain de nourrir vengeance et rancune, de ne voir que le mauvais dans l'autre, la paille, dit l'Évangile.

Renoncer à soi-même n'est pas une action pour la mort, mais pour la vie. Jésus propose la croix des arrachements à ce qui n'est pas humain en nous pour devenir - c'est ça la bonne nouvelle- des créatures nouvelles, des premiers-nés d'un monde vraiment humain. C'est ça, le Royaume de Dieu. Nous, occidentaux, menons une vie tournée vers nous-mêmes. Nous avons licencié Dieu. Nous sommes orphelins de Dieu.  Maurice Zundel, mystique du siècle dernier, se posait la question: de quoi faut-il être sauvé? Réponse: de soi-même, de son isolement, de sa claustration dans son égoïsme pour devenir une source, une origine, un créateur d'une manière neuve de vivre. Est-ce renoncement ou accomplissement ?

Quand nous ne sommes pas disposés à lâcher prise sur notre ego, nous sommes de l'ancienne loi et nous portons alors une lourde croix, celle d'être remplis seulement de nous-mêmes. Comme l'exprime l'auteur mystique du Nuage de la connaissance, il est fade de penser à autre chose qu'à nous-mêmes.  Qui perd son moi pour se remplir de l'Autre devient dans toute sa personne, évangile vivant de Jésus-Christ. Comme l'exprime le romancier Graham Greene dans La puissance et la gloire, aimer Jésus, [le suivre], c'est vouloir le protéger de nous-mêmes. Il faut qu'il grandisse et que moi je décroisse (Jn 3, 30).

À votre contemplation: nous laisser séduire pour cet appel de Jésus de nous assurer une vie pleine, une vie accomplissement, même si à longueur de journée je suis en butte à la raillerie, [même si] tout le monde se moque de moi et que ce choix attire sur moi la moquerie (Is 20, 7,8). Une eucharistie pour nous faire comprendre la beauté d'être chrétien. De suivre Jésus. AMEN.

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