Le respect du plus faible ou l’Evangile face aux expulsions de Roms (20/09/2011)

 Ce lundi 19 septembre, environ 70 personnes, Roms pour la plupart, provenant des Balkans, ont été expulsées de la gare de Nord à Bruxelles, où elles avaient trouvé refuge. Parmi elles : des familles avec de jeunes enfants. Les voilà ainsi disséminées à travers Bruxelles, alors que les autorités se renvoient la balle : étant citoyens européens, les Roms ne peuvent demander l’asile en Belgique, ni dans un quelconque autre Etat de l’Union européenne.

L’éditorial de La Libre de ce jour constatait, d’une plume dépitée : « Les CPAS, déjà débordés par l’afflux important de demandeurs d’asile, renvoient la balle au fédéral qui, ennuyé, se drape dans les textes législatifs qui ne l’obligent effectivement à rien envers ces Roms, indésirables ici comme là-bas. Mais, bon sang ! Ne peut-on pas faire preuve de 5 minutes de courage politique pour éviter que des bébés, des enfants, des femmes enceintes, dorment désormais sur l’herbe détrempée d’un parc ? »

 Et de conclure d’un terrible : « Bonne nuit, Mesdames et Messieurs les responsables, et surtout, faites de beaux rêves ».

 

Dans le Compendium du Conseil pontificat « Justice et Paix » du Vatican, on peut lire ceci (pour le texte dans son entièreté, voir : http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/jus...):

 L'immigration peut être une ressource, plutôt qu'un obstacle au développement. Dans le monde actuel où s'aggrave le déséquilibre entre pays riches et pays pauvres et où le développement des communications réduit rapidement les distances, les migrations de personnes en quête de meilleures conditions de vie augmentent. Ces personnes proviennent des régions les moins favorisées de la terre: leur arrivée dans les pays développés est souvent perçue comme une menace pour les niveaux élevés de bien- être atteints grâce à des décennies de croissance économique.

 La réglementation des flux migratoires selon des critères d'équité et d'équilibre est une des conditions indispensables pour obtenir que les insertions adviennent avec les garanties requises par la dignité de la personne humaine. Les immigrés doivent être accueillis en tant que personnes et aidés, avec leurs familles, à s'intégrer dans la vie sociale. Dans cette perspective, le droit au regroupement familial doit être respecté et favorisé. En même temps, autant que possible, toutes les conditions permettant des possibilités accrues de travail dans les zones d'origine doivent être encouragées.

 Les biens, même légitimement possédés, conservent toujours une destination universelle; toute forme d'accumulation indue est immorale, car en plein contraste avec la destination universelle assignée par le Dieu Créateur à tous les biens. De fait, le salut chrétien est une libération intégrale de l'homme, libération par rapport au besoin, mais aussi par rapport à la possession en soi: « Car la racine de tous les maux, c'est l'amour de l'argent. Pour s'y être livrés, certains se sont égarés loin de la foi » (1 Tm 6, 10). Les Pères de l'Église insistent sur la nécessité de la conversion et de la transformation des consciences des croyants, plus que sur les exigences de changement des structures sociales et politiques de leur époque, en pressant ceux qui s'adonnent à une activité économique et possèdent des biens de se considérer comme des administrateurs de ce que Dieu leur a confié.

 Les richesses remplissent leur fonction de service à l'homme quand elles sont destinées à produire des bénéfices pour les autres et pour la société:  « Comment pourrions-nous faire du bien au prochain — se demande Clément d'Alexandrie — si tous ne possédaient rien? ». Dans la vision de saint Jean Chrysostome, les richesses appartiennent à quelques-uns pour qu'ils puissent acquérir du mérite en les partageant avec les autres.

 La dimension morale de l'économie permet de saisir comme des finalités inséparables, et non pas séparées ou alternatives, l'efficacité économique et la promotion d'un développement solidaire de l'humanité. Constitutive de la vie économique, la morale ne s'y oppose pas, et elle n'est pas neutre: si elle s'inspire de la justice et de la solidarité, elle constitue un facteur d'efficacité sociale de l'économie elle-même. C'est un devoir d'exercer de manière efficace l'activité de production des biens, pour ne pas gaspiller les ressources; mais une croissance économique obtenue au détriment des êtres humains, de peuples entiers et de groupes sociaux, condamnés à l'indigence et à l'exclusion, n'est pas acceptable. L'expansion de la richesse, visible à travers la disponibilité de biens et de services, et l'exigence morale d'une diffusion équitable de ces derniers doivent stimuler l'homme et la société dans son ensemble à pratiquer la vertu essentielle de la solidaritépour combattre, dans l'esprit de la justice et de la charité, où qu'elles se présentent, les « structures de péché » qui engendrent et maintiennent la pauvreté, le sous-développement et la dégradation. Ces structures sont édifiées et consolidées par de nombreux actes concrets d'égoïsme humain.

 L'autorité doit reconnaître, respecter et promouvoir les valeurs humaines et morales essentielles. Elles sont innées, « découlent de la vérité même de l'être humain et (...) expriment et protègent la dignité de la personne: ce sont donc des valeurs qu'aucune personne, aucune majorité ni aucun État ne pourront jamais créer, modifier ou abolir.

 A bon entendeur…

Le 11 juin dernier (une éternité…), le Saint père, s’adressant à des milliers de Gitans reçus au Vatican, déclarait ceci : « l’Eglise est pour vous une maison ; dans l’Eglise vous n’êtes pas marginalisés ; vous êtes dans l’Eglise ». Le Pape a évoqué l’histoire complexe et douloureuse de ces communautés, en particulier les persécutions nazies, une tragédie encore largement méconnue. La conscience européenne ne peut pas oublier une telle souffrance ».

Et il n’y a pas de véritable liberté, de véritable dignité humaine, sans responsabilité : « Je vous invite, chers amis, à écrire ensemble une nouvelle page de l’histoire pour votre peuple et pour l’Europe… Les roms devront se montrer collaboratifs en toute loyauté afin que leurs familles puissent s’inscrire dignement dans le tissu civil de l’Europe. L’Eglise accompagne ce cheminement vers un avenir meilleur ».

Quelques jours plus tard, le Conseil européen adoptait un « document-cadre visant à améliorer l’intégration sociale et économique des quelques 12 millions de roms vivant aujourd’hui en Europe » (source : ZENIT.ORG). Ce document-cadre est appelé à se concrétiser par des « stratégies nationales d’intégration des Roms », visant notamment l’accès à la justice, aux services de santé, à l’éducation, au logement et à l’emploi.

En expulsant tant de personnes sans repères, sans toit et sans perspective d’intégration, et alors même que l’école de la démocratie nous enseigne à juste titre l’impérieuse nécessité de combattre activement la discrimination et le racisme, nous sommes en droit de nous demander si les autorités qui ont participé à ces dispersions ont pleinement réalisé la gravité de ce signal porteur de détresse.

Et pour conclure, nous reprenons la référence à l’écriture reprise par le nouveau doyen de Liège Rive-Gauche, Eric de BEUKELAER, dans une réflexion sur l’importance des liens de solidarité et l’implication des élites sociales : « A celui qui a beaucoup reçu, on demandera beaucoup ; et l’on exigera davantage de celui à qui l’on a beaucoup confié » (Luc 12, 48).

 

 

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