Purifier l’air du temps (21/09/2011)

5f3b328dc9e5021d16da86c25a5b8dbe.jpgL’agence Zenit a interrogé le cardinal Mauro Piacenza, préfet de la Congrégation pour le clergé, sur les obsessions ecclésiales  à la mode postconciliaire. Mgr Piacenza fut ordonné prêtre par feu le cardinal Siri. C’est un ancien professeur de droit canonique. Ce prélat est connu pour être un travailleur silencieux et assidu, ainsi qu'un observateur attentif de tous les phénomènes qui traversent la culture contemporaine. Très cordial, il ne laisse cependant aucun doute sur la fermeté de Rome dans les matières qui fâchent les esprits mondains. Questions et réponses ci-dessous.

 

Extraits :

 Pourquoi de manière cyclique et ponctuelle depuis des décennies, certaines questions d’Eglise, toujours les mêmes, reviennent-elles dans le débat public ?

Réponse : Il y a toujours eu dans l’histoire de l’Église des « mouvements centrifuges », tendant à « normaliser » le caractère exceptionnel de la vie du Christ et de son corps vivant dans l’histoire, qui est justement l’Eglise. Une « Eglise normalisée » perdrait toute sa force prophétique, ne dirait plus rien à l’homme et au monde et, de fait, trahirait Son Seigneur. La grande différence de l’époque contemporaine est à la fois doctrinale et médiatique. Pour ce qui concerne la doctrine, on prétend justifier le péché, non pas en s’en remettant à la miséricorde, mais en ayant confiance en cette dangereuse autonomie dont la saveur est proche de l’athéisme pratique ; d’un point de vue médiatique, au cours des dernières décennies, les « forces centrifuges » physiologiques, sont l'objet d'attention et sont amplifiées de manière inopportune par les outils d’information qui, d’une certaine façon, vivent de contrastes.

 L’ordination sacerdotale des femmes fait-elle partie des « questions doctrinales » ?

Réponse : Certainement et, comme tout le monde le sait, cette question a été affrontée clairement par Paul VI mais aussi par Jean-Paul II qui y amis un terme définitif, avec la Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis, en 1994. Il affirme en effet : « Afin qu’il ne subsiste aucune doute surune question de grande importance qui concerne la constitution divine elle-même de l'Église, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères, que l'Église n'a en aucune manière le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l'Église ». Certains, entêtés, ont parlé d’une « définition définitive relative » à la doctrine jusqu’à ce moment, mais franchement cette thèse est si curieuse qu’elle en est privée de tout fondement.

 Alors il n’y a pas de place pour les femmes dans l’Eglise ?

Réponse : Au contraire, les femmes ont un rôle très important dans le Corps de l’Eglise et elles pourraient en avoir un encore plus évident. L’Eglise est fondée par le Christ et nous ne pouvons pas, nous les hommes, déterminer son profil. La constitution hiérarchique est liée au sacerdoce ministériel, qui est réservé aux hommes.

Mais absolument rien n’empêche de mettre en valeur le génie féminin dans des rôles qui ne sont pas strictement liés à l’exercice de l’ordre sacré. Qui empêcherait par exemple qu’une grande économiste soit à la tête de l’Administration du Siège apostolique(…).Et puis, l’Eglise n’est pas un gouvernement politique dans lequel il est juste de revendiquer des postes de représentation. L’Eglise c’est tout autre chose. L’Eglise est le Corps du Christ et en son sein, chacun est membre selon ce qui a été établi par le Christ. Par ailleurs, dans l’Église il n’est pas question de rôles masculins et de rôles féminins mais plutôt de rôles qui supposent, par volonté divine, une ordination ou pas (…)

 Mais peut-il y avoir une réelle participation à la vie de l’Eglise sans attribution de pouvoir effectif et de responsabilité ?

Réponse : Qui a dit que la participation à la vie de l’Eglise est une question de pouvoir ? Si il en était ainsi, ça serait démasquer le réel équivoque à concevoir l’Eglise non comme une Eglise à la fois humaine et divine, mais simplement comme une des nombreuses associations humaines (…)

 Le pouvoir de Rome n’est-il pas trop grand ?

 Réponse : (…)L’Eglise doit être regardée à partir de la Constitution dogmatique Lumen Gentium du Concile Vatican II où est décrite l’Eglise des origines, l’Eglise des Pères, l’Eglise de tous les siècles, qui est notre Eglise d’aujourd’hui, sans discontinuité ; qui est l’Eglise du Christ. Rome est appelée à présider dans la charité et dans la vérité, uniques sources concrètes de l’authentique paix chrétienne. L’unité de l’Eglise n’est pas un compromis avec le monde et sa mentalité, mais plutôt le résultat, donné par le Christ, de notre fidélité à la vérité et à la charité que nous serons capable de vivre (…)

 Mais ce rôle de Rome ne constitue-t-il pas une entrave à l’unité et à l’œcuménisme ?

 Réponse : (…)Le monde a besoin de notre unité ; il est donc urgent de poursuivre nos efforts de dialogue avec tous nos frères chrétiens, afin que le Christ soit le levain de la société. Mais il est urgent aussi de s’engager avec les non chrétiens, dans un dialogue interculturel, en collaborant dans les œuvres de bien pour qu’une nouvelle société, une société plus humaine, soit possible. Rome, dans cette tâche aussi, a un rôle moteur unique. On n’a pas le temps de se diviser, le temps et les énergies doivent être dépensés pour s’unir.

 Dans cette Eglise, qui sont alors les prêtres et quel rôle ont-ils ?

Réponse : Ce ne sont ni des assistants sociaux et encore moins des fonctionnaires de Dieu ! La crise d’identité est bien plus aiguë dans des contextes plus fortement sécularisés où il semblerait qu’il n’y a pas de place pour Dieu. (…) L’identité sacerdotale est christocentrique et donc eucharistique. Christocentrique car, comme rappelé plusieurs fois le Saint-Père, dans le sacerdoce ministériel, « le Christ nous attire en Lui », s’impliquant avec nous et nous impliquant dans son existence même.

.Mais la loi du célibat est-elle vraiment insurmontable ? Ne pourrait-on pas la changer ?

Réponse : (…) Le problème n’est pas le célibat, et les infidélités et la faiblesse de certains prêtres ne peuvent, eux non plus, être le critère de jugement. Du reste les statistiques nous disent que plus de 40% des mariages sont un échec. Parmi les prêtres nous sommes à moins de 2%. La solution ne réside donc absolument pas dans le caractère optionnel du célibat sacré. Ne faudrait-il pas plutôt arrêter d’interpréter la liberté en termes d’ « absence de liens », de « principe définitif  », et commencer à redécouvrir que c’est précisément dans le don définitif de soi à l’autre et à Dieu que réside la vraie réalisation et le bonheur humain ?

 Et les vocations ? N’augmenteraient-elles pas si on abolissait le célibat ?

Réponse : La crise, dont, en réalité, on est en train de sortir lentement, est liée fondamentalement à la crise de la foi en occident. Faire grandir la foi ! Voilà ce à quoi il nous faut nous atteler. C’est un fait. Dans les mêmes milieux, la sanctification de la fête est en crise, la confession est en crise, le mariage est en crise, etc… La sécularisation et la perte du sens du sacré qui en découle, celle de la foi et de sa pratique, ont également induit une importante diminution du nombre des candidats au sacerdoce (…).

 Eminence, en ce moment historique, que diriez-vous pour résumer la situation générale ?

Notre programme ne peut être influencé par le désir de vouloir vivre à la surface à tout prix, de se sentir applaudi par l’opinion publique : nous devons seulement servir par amour et avec amour notre Dieu dans notre prochain, quel qu’il soit, conscients que seul Jésus est le Sauveur. Nous devons Le laisser passer, Le laisser parler, Le laisser agir à travers nos pauvres personnes et notre engagement quotidien. Nous ne devons pas mettre du « notre » mais du « Sien ». (…) Je voudrais citer le programme que le Conseil de l’Eglise évangélique formula brièvement à Stuttgart en 1945 : « Annoncer avec plus de courage, prier avec plus de confiance, croire avec plus de joie, aimer avec plus de passion ».

Tout l’article est ici : Les femmes prêtres, le célibat, le pouvoir de Rome, selon le card. Piacenza

 

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