La loi naturelle incompatible avec la laïcité républicaine ? (26/09/2011)

promethee.jpgDans l’éditorial du dernier numéro (24 septembre 2011) du bimensuel « L’Homme Nouveau », Denis Sureau, directeur de la revue signe cet éditorial qui concerne une controverse française mais dont la portée est universelle :

« Dans la bataille contre l’idéologie du « genre » dans les programmes scolaires, Luc Ferry, intellectuel et ministre de l’éducation émérite, est venu à la rescousse de son successeur, Luc Chatel. Dans une chronique parue dans le Figaro, s’opposant explicitement à l’enseignement de l’Église (et plus particulièrement à sa condamnation des pratiques homosexuelles), il dénonce la reconnaissance d’un ordre naturel comme contraire à la République. Il précise : « Depuis le XVIIIe siècle, toute la pensée démocratique s’est construite à l’opposé de ce naturalisme. Ce qui marque la naissance de l’humanisme moderne, c’est justement la conviction que la nature est tout sauf une norme morale ». La nature, ajoute-t-il, « pour les héritiers des Lumières, c’est d’abord l’ennemi » et « toute éducation doit nous en arracher pour nous faire entrer dans l’espace de la civilité, de l’Histoire et de la culture ». Conclusion : « En tant que républicain, je ne puis donc qu’encourager notre ministre, Luc Chatel, à tenir bon sur cette ligne-là ».

Luc Ferry, de son point de vue, n’a pas tort. Le Gender n’est qu’un avatar tardif du libéralisme moderne qui, se fondant sur le désir de l’individu, exalte sa capacité indéterminée de s’autoconstruire, d’être le créateur de ses valeurs. A cette folie, seule peut s’opposer une théologie qui perçoit dans la Création les traces de son Créateur, un « plus d’être » qui ne peut venir qu’au-delà de la nature visible, et qui la tire comme hors d’elle-même. Le Genre ou la Création, telle est bien l’alternative ».

Pour Luc Ferry et ses semblables les droits et devoirs humains n’ont rien d’imprescriptible : ils résultent d’un « contrat social » toujours amendable, selon des mécanismes « démocratiques », eux-mêmes aléatoires. Sur ce point, une controverse (au sens de la disputatio médiévale) avait été organisée, au théâtre Quirino à Rome le 21 septembre 2000, entre le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, et un professeur à l’Université romaine de la Sapienza, le philosophe Paolo Flores d’Arcais, pour explorer des voies de convergence possibles. Au moment décisif du dialogue, le modérateur – Gad Lerner, journaliste à la  Repubblica – s’est demandé si des principes aussi fondamentaux que ceux du Décalogue ne pourraient pas être retenus comme base éthique commune, même par des athées (qui y souscriraient seulement « velut si [comme si] Deus daretur »). Mais cette proposition fut aussitôt rejetée par le philosophe laïc. 

Ce dernier nia que certaines règles morales ou de droit naturel  puissent constituer des postulats, ou des acquis irréversibles, pour l’humanité : le contrat social est toujours relatif, contingent, renégociable. Ainsi, certains revendiquent-ils maintenant à l’ONU l’insertion de nouveaux « droits » (à l’avortement, à l’euthanasie, au choix du « genre » etc.) dans une Déclaration universelle des droits de l’homme vieille de 50 ans à peine (1948) ! Tout s’écoule, disait déjà le vieil Héraclite. Pareille impasse montre à quel point une définition véritablement universelle (« ubique, semper et ab omnibus ») des droits (et donc des devoirs) humains sans Dieu semble aléatoire.

 

 

 

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