Trente années de pontificat (25/11/2011)

A271110_9.jpgIl y a trente ans, le 25 novembre 1981, Jean Paul II nommait l'archevêque de Munich, Joseph Ratzinger, au poste de Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi.

Qu’est-ce qui a changé dans l’Eglise depuis ce temps ? Sur le site de “La Vie” Jean Mercier tente une approche dont les contrastes peuvent apparaître quelque peu forcés, mais pas tous. Nous les commentons brièvement au passage.

 “Il est certes, provocateur de parler des 30 ans de pontificat de Benoît XVI – en réalité il n'est pape que depuis 6 années ! Mais si Joseph Ratzinger a été élu, c'est sans doute parce que (…) les cardinaux entérinèrent de fait que le pontificat de Jean Paul II reposait, en quelque sorte, sur un « ticket » Wojtyla-Ratzinger (…) Quelles sont les grandes évolutions survenues en 30 ans ?(…) dans 10 grands domaines” . Le chroniqueur les passe en revue:

"1/ La liturgie

Il y a trente ans, guitares, amplis et innovations liturgiques tenaient le haut du pavé. En 2011, c'est le contraire (…). Le cardinal Ratzinger n'est pas étranger à ce retour aux formes traditionnelles de la liturgie. Il a écrit abondamment sur le sujet, et préconisé la « Réforme de la Réforme », c'est à dire une stylisation « tradi » du nouveau rite. En tant que pape, il a tout fait pour remettre à l'honneur la messe ancienne (Motu proprio de 2007, Summorum Pontificum). Désormais, il existe deux formes du rite romain : l'extraordinaire (rite tridentin) et l'ordinaire (rite post-Conciliaire), et le pape veut que les tenants des deux formes s'enrichissent mutuellement

Nous serions moins optimistes: certes, le nombre des célébrations selon la forme traditionnelle a beaucoup augmenté depuis trente ans et le pape Benoît XVI lui-même a réformé dans en ce sens la  liturgie  pontificale mais le mouvement demeure encore très minoritaire au regard de l’effondrement général et de la perte du sens même de toute action liturgique.

“2/ L'affichage

Il y a une trentaine d'années, il y avait encore 82% de catholiques en France, c'est à dire une situation assez proche du lendemain de la Seconde Guerre (90%). Depuis, le catholicisme s'est retrouvé « exculturé » (selon l'expression de Danièle Hervieu-Léger). D'où le besoin des catholiques, devenus très minoritaires, de se compter, de se repérer(…) ce qui les autorise paradoxalement à être plus attestataires, identifiables”.

Là, encore, nous semble-t-il, on se console comme on peut: la pastorale de l’enfouissement, chère aux années postconciliaires, a fait fondre un catholicisme alors qualifié avec dédain de “sociologique” et les purs esprits à force de scruter les signes du temps ont  dilué le “peuple de Dieu”  dans la mentalité du monde. Ceux qui restent sont-ils pour autant meilleurs et le sentiment identitaire (propre aux minorités) est-il un gage d’authenticité ?

3/ La transmission

Au début des années 80, la catéchèse issue des chamboulements de l'après-Concile a totalement rompu avec l'enseignement de type dogmatique encore en vigueur dans les années 60. On a fait place à la pédagogie créative et à la démarche inductive  (…). En 211, on commence sérieusement à se poser la question de l'efficacité de cette méthode. On se rend compte que la plupart des quarantenaires n'ont rien retenu de leur catéchisme, et donc que la créativité pédagogique n'a pas tenu ses promesses. On goûte à nouveau l'efficacité des prières apprises par cœur... On veut revenir à du contenu.

Nous conseillerions volontiers à l’auteur de ces lignes d’aller faire un tour dans les instituts diocésains de catéchèse et les salles de classe des professeurs de religion des établissements scolaires belges. Il ne suffit pas de quelques hirondelles pour annoncer le printemps…

“4/ L'idéologie

En 1976, Maurice Clavel, dans son essai tonitruant Dieu est Dieu, nom de Dieu, fustige les chrétiens fascinés par le marxisme (…)De même, les catholiques sont alors engagés à fond dans la maitrise des sciences humaines, de la psychanalyse, et se passionnent pour le structuralisme. En 2011, le marxisme ne dit plus rien à personne. Le communisme a sombré après la chute du mur.Loin d'être tentés par les idéologies de gauche, certains catholiques sont tentés par la droite , voire par une sorte de néo-maurrassisme qui se nourrit d'un discours anti-musulman.

Nous dirions qu’eux-mêmes et leurs pasteurs incertains sont surtout asservis aux grands mythes du sécularisme qui tient lieu de religion à la “modernité” ambiante.

5/ Les acteurs

Il y a trente ans, du moins en France, l'Action catholique, très structurée, tenait encore le haut du pavé dans les diocèses. Par contraste, les communautés charismatiques étaient plutôt considérées avec pas mal de dédain ou de méfiance (non parfois sans raison, si l'on considère que certaines d'entre elles ont connu de graves déviances). C'est quasiment l'inverse aujourd'hui. (…).

Les îles ont peut-être leurs charmes mais elles ne font pas un continent.

6/ La posture

Les prêtres et les laïcs engagés d'il y a trente ans sont habités de l'urgence de rendre crédible l'Evangile à travers des postures fortes, notamment d'engagement social, ce qui n'évitait pas une forme d'activisme à une période où l'Eglise attendait une forte reconnaissance de la société.

Trente ans après, les chrétiens se retrouvent dénudés de ces prétentions. Les scandales de la pédophilie (avec la mondialisation de l'information, les affaires qui arrivent très loin de chez nous sont mises en valeur) identifient les catholiques aux pires péchés.(…) Benoit XVI a bien compris le positif que l'on peut tirer de ce renversement apparemment funeste : l'Eglise doit faire pénitence, et c'est une bonne chose qu'elle soit  si mal vue.”

Benoît XVI, alors même qu’il n’était encore que le cardinal Ratzinger, a souvent parlé d’une nécessaire purification à tous niveaux et il a bien raison.

7/Le dialogue et l'Autre

Il y a une trentaine d'années, le rapport de l'Eglise avec l'altérité se concentrait fortement dans le dialogue oecuménique et le judaïsme – rappelons que 1981 est l'année où Jean-Marie Lustiger devient archevêque de Paris. En 2011, l'Autre se rencontre davantage dans le dialogue avec l'islam (5 millions de musulmans), les Eglises évangéliques, et aussi les Lefebvristes.(…) Ratzinger a accompagné cette mutation de son regard critique – que l'on songe au discours de Ratisbonne – mais bienveillant – si l'on considère le remake d'Assise en octobre dernier.”

Avec son intelligence claire et son esprit pédagogique, Benoît XVI a surtout levé les ambiguités et dissipé les équivoques entretenues par les “dialoguants” de tous poils. Mais, comme dit l’adage, il n’y a de pires sourds...

8/Le prêtre

Les années 70 et le début des années 80 entérinent une stupéfiante mutation du rôle du prêtre, dont on valorise beaucoup la dimension sociale, avec la sécularisation qui va avec (absence de l'habit clérical). Il n'est plus nécessairement l'homme des sacrements, qui porte en lui la dimension sacrée.

Trente ans ont passé, pendant lesquelles les deux papes ont insisté vigoureusement pour reconduire à une vision plus traditionnelle. En 2009, Benoît XVI a lancé une année du sacerdoce axé sur la figure du curé d'Ars, un modèle honni par bien des curés de plus de 50 ans. On assiste à un retour à la valorisation de l'ontologie sacrée du ministre ordonné, ce qui effraie ceux qui y voient la danger du cléricalisme. Benoît XVI est le digne continuateur de Jean Paul II.”

Certes, mais les structures diocésaines ont- elles suivi et le discours pontifical sur le sacerdoce a-t-il été relayé ? Il faut vouloir et fomer des prêtres, comme dit le Père Manaranche, et, ajouterions nous, nommer de bons évêques.

9/ La sainteté

Il y a trente ans, Jean Paul II n'en était qu'au début de son programme intensif de canonisations et de béatifications.(…) Les choses ot bien changé,. Les catholiques – sur un spectre de sensibilités assez large - ont tiré d'un relatif oubli la figure de Thérèse de Lisieux, par exemple, qui est devenue une véritable star (culte des reliques, livres, etc...). On assiste à l'attachement pour des figures de jeunes femmes décédées, comme elle, très jeunes ou dans la souffrance, comme Claire de Castelbajac, Agnès de Nanteuil, Chiara Luce Badano. Le public a aussi retrouvé les chemins du culte marial. Ce mouvement ne déplait pas au pape qui ne perd jamais une occasion de parler de la sainteté – jamais comme un rêve de perfection, mais toujours comme d'un état de relation avec le Christ. Ce grand retour de la sainteté – le mot faisait très, trop, peur  il n'y a pas si longtemps – s'inscrit aussi dans un retour à un imaginaire chevaleresque très peu à la mode il y a 30 ans... La souffrance rédemptrice, sur laquelle insiste le deuxième tome du Jésus de Nazareth de Benoît XVI, fait aussi son come back, alors qu'elle était encore taboue il n'y a pas si longtemps”

10/ La prière et le sacré

Il serait difficile de dire que l'on priait moins il y a une trentaine d'années, mais l'évidence est là. Les catholiques engagés dans la cité sont aujourd'hui beaucoup plus conscients de la nécessité du silence et de la contemplation, alors qu'on opposait jadis les contemplatifs qui priaient aux actifs qui changeaient le monde. La prière du chapelet et surtout l'adoration eucharistique sont devenus monnaie courante, notamment chez les jeunes. Les écoles d'oraison fleurissent. Benoît XVI ne cesse d'incarner cette réalité, puisqu'il impose systématiquement dans ses messes de garder des plages de silence, et qu'il a fréquemment recours à l'adoration avec les foules. Parallèlement à cette évolution, le pape insiste sur la dimension sacrificielle de la messe qui induit une célébration priante et recueillie, à l'opposé d'eucharistie trop festives où le silence fait parfois défaut.” Tout l’article ici:Trente ans de pontificat !

Ad multos annos, Saint-Père, s’il plaît à Dieu.

12:13 | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |