Union européenne : atteler enfin les bœufs à la charrue monétaire ? (12/12/2011)

Le Conseil européen de 8 et 9 décembre, dans la bonne direction ? C’est l’analyse de Jean Quatremer et Nathalie Dubois dans « Libération » du 10 décembre :

« Les Européens vont-ils enfin parvenir à juguler la crise de la dette souveraine qui, partie de Grèce il y a deux ans, embrase désormais l’ensemble de la zone euro ? Rare sont ceux qui osent faire de pronostics. « On verra bien si les investisseurs sont rassurés cette fois-ci », soupire, las, un conseiller du Président de la République. « Mais nous avons apporté en deux jours une série de réponses qui pourraient changer la donne ». Décryptage de ces décisions (les conclusions du sommet sont ici, en français) »

•    Vers une « union de stabilité budgétaire »

(…). En lançant la négociation d’un traité à « union de stabilité budgétaire », la zone euro veut montrer qu’elle a une « volonté politique forte d’intégration », ainsi que l'explique un conseiller de Nicolas Sarkozy. Seul problème : il n’a pas été possible d’enclencher une réforme des traités européens, à cause du chantage de la Grande-Bretagne qui voulait en profiter pour récupérer une partie des compétences européennes (ci-contre). Ce sera donc un traité non à « 17 + », mais à 27-1, tous les autres Etats membres de l’Union ayant annoncé leur volonté de le signer, qui sera réintégrer dans le droit européen dès que Londres aura levé son véto ou quitter l’Union.

Ce traité ad hoc est pour l’essentiel un engagement commun à respecter la discipline budgétaire prévue par le Pacte de stabilité renforcé - qui entre en vigueur ce lundi - afin d’éviter qu’une majorité de circonstance ne le modifie comme en 2005. Les Vingt-six s’engagent aussi à voter les projets de règlements déposés par la Commission le 23 novembre qui instituent une véritable tutelle européenne sur les pays dont les finances menacent de déraper (avec possibilité de déposer des amendements aux budgets nationaux). Le Pacte de stabilité sera aussi modifié afin de rendre encore plus automatique les sanctions financières.

Le futur traité, qui devrait être prêt avant le mois de mars et que les Etats se sont engagés à appliquer avant même les ratifications parlementaires nationales, oblige les Etats à introduire une « règle d’or » dans leur constitution afin de garantir l’équilibre budgétaire. Un équilibre défini assez largement puisqu’un « déficit structurel » (donc non conjoncturel) de 0,5 % du PIB est toléré. Un « mécanisme de correction automatique », « mis au point par chaque Etat membre sur la base de principes définies par la Commission », « sera déclenché si un écart est constaté ». Afin d’éviter des « règles d’or » trop floues, la Cour de justice européenne sera chargée de veiller à leur conformité avec les principes définis à Vingt-six.

Cette « union de stabilité » ne s’arrêtera pas à la simple surveillance des budgets. Les Vingt-six vont harmoniser leur législation dans plusieurs domaines (fiscalité, marché du travail, sécurité sociale, etc.) Surtout, « toutes les grandes réformes de politiques économiques » seront examinées en commun.

•    Stabiliser les marchés

(…) Il n’est plus question d’une implication automatique du secteur privé comme le prévoyait le futur Mécanisme de stabilité européen (MES) qui prendra la succession du Fonds européen de stabilité financière (FESF) dès juillet prochain et non en juin 2013.

Une autre incertitude a été dissipée jeudi : l’Autorité bancaire européenne (EBA) a publié les besoins en fonds propres des banques européennes, 114,7 milliards d’euros (dont 7,3 milliards pour les banques françaises, soit moins qu’attendu). Désormais, elles savent quels sont leurs besoins précis, ce qui devrait les inciter à rouvrir le robinet du crédit qu’elles avaient fermé par précaution, étranglant l’économie avec un risque de récession à la clef.

Enfin, la Banque centrale européenne (BCE) a apporté, jeudi, sa pierre à l’édifice( …) : outre une nouvelle baisse de son taux directeur, à 1 %, son plus bas historique, elle a décidé de lancer deux opérations de prêts d’un montant illimité sur une durée de trois ans à un taux d’ami de 1 % : « les banques vont pouvoir emprunter à la BCE et acheter des obligations d’Etat bien mieux rémunérées. Certes, les obligations à 3 ans seront favorisées, mais actuellement la tension porte sur les taux courts », estime un diplomate français. Une incitation sonnante et trébuchante à revenir sur le marché de la dette (…)

•    Solidarité financière

C’est la partie décevante de l’accord de Bruxelles. Aucune mention des obligations européennes, pas un mot sur le rôle de la BCE, refus des Allemands d’augmenter les fonds à disposition du MES ou de lui accorder le statut d’établissement financier afin de lui permettre de s’approvisionner au guichet de la BCE, etc. Les Européens ont même dû se résoudre à passer par le FMI pour augmenter les fonds à leur disposition : ils vont lui prêter 200 milliards d’euros par l’intermédiaire de leur banque centrale nationale avant qu’il les reprête à la zone euro…

Mais, quelques signaux positifs montrent que tout peut changer très vite. Berlin a ainsi accepté de rediscuter du plafond du MES (500 milliards) en mars. De même, la BCE aidera le FESF dans ses opérations de marchés. Enfin, « un mécanisme sera mis en place afin que les Etats membres puissent donner à l’avance des indications sur leurs plans nationaux d’émission des dettes ». Ce contrôle commun de l’endettement est un premier pas vers les eurobonds. »

Tout l’article (version longue) de Jean Quatremer ici : « L'Europe s'unit sans le Royaume-Uni

Wait and see, comme dirait Albion, fidèle à elle-même …

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