Donne moi quelqu’un qui aime et il comprend ce que je dis (saint Augustin) (24/01/2012)

Partant d’une observation sur le changement du regard chez le  philosophe Michel Onfray, le Chanoine de Beukelaer élargit ensuite le point de vue C’est la chronique qu’il publie ce jour dans « La Libre » :

 « Haine de la raison et de l'intelligence ; haine de la liberté ; haine de tous les livres au nom d'un seul ; haine de la vie ; haine de la sexualité, des femmes et du plaisir ; haine du féminin ; haine des corps, des désirs, des pulsions." Ainsi décrivait-il la religion monothéiste dans son "Traité d’athéologie", publié en 2005. A l’époque, je le considérais comme un "taliban laïcard". Mais surtout comme un homme en colère. Cette colère se lisait dans le fond de ses yeux. J’y décelais quelque chose de sombre et même de tourmenté. Selon ses dires, quatre années passées comme enfant dans un orphelinat catholique seraient à l’origine de son athéisme et de son aversion pour l’autorité : "C’est Zola, l’orphelinat en 1969. Je me retrouve dans un milieu d’enfer, un milieu infernal : violence, pédophilie, saleté." ("La Puissance d’exister", 2006). Métamorphose. Depuis quelques temps, le fond des yeux de Michel Onfray s’est éclairci. Pour une raison que j’ignore, je n’y lis plus cette noire colère. Elle semble avoir fait place à une forme de sérénité. Presque de la bienveillance. Les propos échangés avec Franz-Olivier Giesberg - FOG pour les initiés - ce 11 janvier sur le site du "Figaro", confirment mon impression. Voilà le pourfendeur du catholicisme qui déclare : "Pour tout vous dire, et c'est un scoop, j'aurais aimé être moine. Consacrer ma vie à mes idées, ça m'aurait plu. Et je n'aurais pas voulu être moine dans un ordre laxiste, non, mais dans un monastère où l'on ne voit ni ne parle à personne. Il n'y avait qu'un obstacle à cette vocation, c'est que je n'avais pas la foi " Plus fort encore, Onfray complimente Benoît XVI. "Reste que ce pape est un vrai intellectuel et un mystique. Son livre sur Jésus est un traité d'herméneutique haut de gamme. C'est vraiment culotté lorsqu'on est pape de lâcher deux volumes en disant : voilà, pour moi, Jésus, c'est ça." Onfray touché par la Grâce ? Ne poussons pas Mais Onfray pacifié dans son rapport à la religion - oui, je le pense. Pareille sérénité est la signature de la cicatrisation du désir. Nos affections colorient notre pensée. J’en veux pour illustration mes rencontres avec certains athées et agnostiques, mais aussi avec nombre de catholiques blessés (conservateurs ou progressistes, peu importe). Je ne leur avais fait aucun mal et pourtant ils me témoignaient de l’agressivité. Pourquoi ? Parce que je représentais symboliquement l’institution qui les faisait souffrir. Onfray, lui-même, explique ce phénomène : "La raison est un instrument sophistique qu'on fait fonctionner après avoir eu des émotions, des sensations, des expériences." Avec des nuances, je rejoins cet avis. Un guide existe que - pour le meilleur ou le pire - l’âme humaine écoutera bien plus docilement que tous les arguments rationnels de la terre ou du ciel. Il s’agit de la dame de son cœur : le "désir". En mettant entre parenthèse l’œuvre de l’Esprit, ceci explique d’ailleurs la frontière qui sépare croyants et non-croyants. En chaque sceptique veille une petite voix aux accents désabusés, le pressant à ne pas se laisser prendre par le chant de sirène des marchands de merveilleux. En chaque croyant, par contre, murmure une parole candide, l’invitant à s’ouvrir à l’émerveillement devant le Mystère fondateur. La ligne de partage entre les deux se nourrit de tout ce qui alimente notre désir : éducation, milieu, caractère, expériences, idéal, etc. Saint Augustin ne déclarait-il pas : "Donne-moi quelqu’un qui aime et il comprend ce que je dis. Donne-moi quelqu’un qui désire, qui a faim, donne-moi un homme qui voyage dans ce désert, qui a soif, qui soupire après la source de l’éternelle patrie, donne-moi un tel homme, et il comprend ce que je dis. Si je parle à un homme insensible, il ne sait pas de quoi je parle. Montre un rameau vert à une brebis et tu l’attires ; présente des noix à un enfant et il est attiré, il est attiré parce qu’il aime : c’est par la chaîne du cœur qu’il est attiré." (Commentaire sur l’Evangile de Jean 26, 4-6.). C'est ici:  Michel Onfray, au fond des yeux

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