L'Europe est très loin d'être favorable à l'euthanasie (24/02/2012)

Pierre-Olivier Arduin, sur Liberté Politique, réfute les arguments en faveur de l'instauration d'une euthanasie légalisée en France. Il insiste sur le fait que seule une petite minorité d'états européens l'ont légalisée : les états du Benelux où ce serait surtout la mouvance néerlandophone (qualifiée par l'auteur de "flamande") qui y est favorable.

"28 millions contre 320 millions

...les trois Etats du Benelux ne représentent que 28 millions de personnes sur les 800 millions enregistrées au Conseil de l’Europe et sur les 320 millions habitants de l’Union européenne. De fait, nous ne saurions oublier que l’écrasante majorité des Européens ignore toute législation légalisant l’euthanasie. Ainsi que nous le rappelle fort opportunément le groupe Ethique, droit et santé du Collectif Plus digne la vie, « croire que 28 millions d’habitants du Benelux peuvent avoir raison tous seuls contre les 321 millions des 24 autres Etats de l’Union européenne qui ont fait un choix contraire, c’est refuser la réalité, c’est raisonner exclusivement avec des préjugés idéologiques [1]». 

 

A l’encontre de l’évolution 

La seconde vérité est que l’on assiste en fait à un mouvement contraire des parlements nationaux qui se trouvent toujours plus nombreux au fil des années à adopter des lois en faveur du respect de la dignité et de la vie des mourants. Si les Pays-Bas et la Belgique ont légalisé l’euthanasie depuis maintenant une décennie, aucun Etat sur le continent, hormis le cas très particulier du Luxembourg en 2009, n’a choisi de leur emboîter le pas. Bien au contraire, rappelle le Collectif plus digne la vie, après la France en 2005, la République tchèque en 2008, l’Allemagne et l’Italie en 2009 et 2011, la Suède en 2010 et l’Espagne en 2011, on peut dire qu’une majorité d’Etats de l’Union européenne a fait le choix clair du refus de l’acharnement thérapeutique et de l’euthanasie tout en instaurant un droit aux soins palliatifs en faveur de leurs concitoyens. Au nom de son passé et d’une réflexion liée à son histoire, le Bundesrat et le Bundestag allemands ont catégoriquement rejeté l’idée d’une dépénalisation même exceptionnelle de l’euthanasie et ont encouragé le développement des soins palliatifs au niveau fédéral. Berceau de la médecine palliative, la Grande-Bretagne, pourtant libérale et de tradition utilitariste, a vu jusqu’à présent échouer toutes les tentatives de légalisation de l’euthanasie et de suicide assisté à la Chambre des Lords – la dernière date du début de l’année 2010 –, quelle que soit la couleur politique de ses représentants, témoignant par là-même d’un fort rejet culturel de la société britannique à la mise en œuvre d’un soi-disant droit à la mort. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, on constate que sur cette question il n’y a pas de clivage culturel entre pays du nord ou du sud de l’Europe. Le groupe de réflexion éthique du Collectif en tire une leçon imparable : la mesure de François Hollande « se situe complètement à l’encontre de l’évolution des législations et du traitement de la fin de vie en Europe ».

Une revendication surtout flamande

La troisième vérité est que le consensus national en faveur de l’euthanasie n’est qu’apparent dans les Etats du Benelux. Pourquoi ces pays ont-ils pris le risque de se doter de lois aussi régressives ? Est-ce en raison de leur faible superficie géographique et/ou population qui donnerait l’illusion à leurs habitants et gouvernements de pouvoir maîtriser efficacement l’organisation de l’euthanasie sur de petits territoires ? L’adoption en 2009 d’une loi dépénalisant l’euthanasie au Luxembourg plaide pour cette interprétation. Pourtant, la République Tchèque, avec une population comparable à celle des Belges et bien moindre qu’en Hollande, a récusé le choix de la dépénalisation de l’euthanasie le 18 septembre 2008 [2].

Je voudrais ici avancer une autre hypothèse : l’existence de logiques discursives et idéologiques portées par une partie de la culture nationale en contradiction avec les valeurs partagées par l’ensemble des Européens. En l’occurrence, on ne peut oublier l’origine presque exclusivement flamande de la revendication de l’euthanasie et du suicide médicalement assisté, aux Pays-Bas bien sûr, mais également en Belgique.

Dans un pays profondément divisé comme l’est la Belgique qui voit régulièrement s’affronter la communauté flamande et la communauté francophone, on devrait retrouver cette différence culturelle et politique dans le concret des pratiques médicales. Or, justement notre raisonnement semble se vérifier. Pendant les années 2002 et 2003, 83% des formulaires de déclaration d’euthanasie ont été rédigés en néerlandais contre 17% seulement en français. Disproportion étonnante que l’on retrouve pour la période 2008-2009 avec 80% de déclarations néerlandophones. Moyennant quoi, les soignants francophones sont parfois taxés d’être de mauvais citoyens du fait de leur résistance passive à appliquer la loi. Les derniers rapports de la commission fédérale belge indiquent par ailleurs que les demandes d’euthanasie sont beaucoup moins fréquentes chez les Wallons et que l’euthanasie sur déclaration anticipée y est exceptionnelle. Pour le président de la commission, « cette constatation suscite étonnement et interrogations [3]». N’est-ce pas parce que des différences culturelles, fût-ce au sein d’un même Etat, porteuses de systèmes axiologiques et anthropologiques dissemblables, conduisent à des éthiques et des pratiques radicalement divergentes ? ...

Tout l'article est ici : Les états européens contre l'euthanasie

[1] Collectif plus digne la vie, « Comment comprendre la proposition 21 du programme de François Hollande ? », février 2012.

[2] Pays-Bas, 41 500 km2 et 16 millions d’habitants, Belgique, 30 500 km2 et 10 millions d’habitants, République Tchèque, 78 000 km2 et seulement 10 millions d’habitants.

[3] M. Englert, “Depenalized practice of euthanasia in Belgium: evolution from 2002 to 2005 and interpretation of the differences between the North and the South of the country”, Rev Med Brux 2007; 28: 423-430, p. 428. 

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