Le "lion de Münster", un prélat face au régime nazi (22/03/2012)

Card.v.Galen-111x.jpgCe 22 juin, on fait aussi mémoire du bienheureux Clemens August, comte von Galen, évêque de Münster et cardinal (1878-1946). Nous empruntons à l'Evangile au Quotidien cet extrait du sermon prononcé par le cardinal José Saraiva Martins lors de la béatification de ce prélat courageux :

        S'il existe un trait dominant, dans la figure du Cardinal Clemens August von Galen, Évêque de Münster, (...) c'est précisément d'avoir pratiqué les vertus du chrétien et du pasteur, de façon éminente et héroïque, à une époque si difficile pour l'Église et la nation allemande. L'Allemagne était alors sous le joug du national-socialisme. Le diocèse de Münster peut bien s'enorgueillir d'avoir eu pour Évêque, sur la chaire de saint Ludger, un pasteur qui s'est opposé avec courage à l'idéologie qui méprisait l'humanité et à la machine de la mort de l'état national-socialiste, au point de mériter la dénomination de « Lion de Münster ».

         Clemens August von Galen naquit le 16 mars 1878 dans le château de Dinklage dans la région de l'Oldenburg, aux alentours de Münster. Il grandit dans un milieu rural, au sein d'une grande famille reflétant la vie ecclésiale et sociale de son temps. Une fois l'école et ses études terminées, il fut ordonné prêtre en 1904. Pendant deux ans, il fut aumônier et secrétaire de son oncle, l'Évêque auxiliaire Maximilian Gereon von Galen. L'un des plus grands changements de sa vie fut son transfert à Berlin. Pendant 23 ans, il dut affronter la difficile période de la Première Guerre mondiale et les désordres de la République de Weimar et leurs lourdes conséquences sociales. En 1929, il fut nommé curé de l'église paroissiale de saint Lambert à Münster. Le deuxième changement encore plus important de sa vie fut sa nomination inattendue comme Évêque de Münster, à l'automne 1933.

        L'Évêque Clemens August Comte von Galen fut l'un des plus célèbres représentants de l'opposition de l'Église contre l'injuste régime national-socialiste. Si nous nous demandons d'où lui venait le courage de blâmer les nazis, en utilisant des arguments très clairs, dans la mesure où ils violaient les droits de l'homme fondamentaux, et comment il a réussi à persévérer dans cette dénonciation, nous devons prendre en considération trois grands facteurs qui ont contribué à sa forte personnalité d'homme ; de croyant d'abord, puis d'Évêque.

        Il s'agit de la Famille, de la Foi et de la Politique, sans jamais, cependant, perdre de vue le fait que l'attitude du bienheureux naissait de ses profondes vertus chrétiennes.

        Clemens August était issu d'une famille liée à l'Église et à la vie publique par une longue tradition. Son père s'intéressait aux affaires publiques et sa mère cultivait l'unité de la famille : ces réalités fournirent à Clemens August et à ses frères une certitude et une base pour leur vie, qui eut pour effet que plus tard, et de manière plutôt inattendue, il se dépassa lui-même et dépassa la tradition du milieu dans lequel il était né.

        La vie de la famille von Galen était traditionnellement profondément orientée dans le sens de la responsabilité publique à l'égard de tous les hommes dans l'Église et dans la société. À la table familiale, dans le château de Dinklage, outre le dialogue familial et la prière du chapelet, on parlait également de politique, l'occasion en étant constamment offerte par l'activité de son père, qui était député au Reichstag à Berlin.

        Il est certain qu'il ne put accomplir ce qu'il fit que grâce à une spiritualité profonde et en même temps très simple, fondée de manière évidente sur l'Eucharistie et sur la dévotion à la Mère de Dieu.

        En contraste avec les bruits assourdissants de la musique martiale et des phrases vides de sens des haut-parleurs provenant des tribunes des orateurs, il opposa la vénération de la Sainte Eucharistie, l'adoration silencieuse et contemplative du Seigneur fait pain. Face au Seigneur présent sacramentellement dans le pain eucharistique, apparemment sans défense et si peu reconnaissable, il trouva la force et la nourriture, qui seules pouvaient remplir de façon durable le désir de vie des hommes. La force unificatrice de la vie spirituelle du nouveau bienheureux fut sa foi profonde, vivante, vivifiée par une charité active envers tous, en particulier les personnes qui souffrent. Sa spiritualité, inspirée de l'Évangile, permit à von Galen d'user de transparence dans son rôle public. Toutes ses actions et toutes ses vertus émanaient de sa foi vécue.

        Dès les débuts de son activité pastorale à Münster, Mgr von Galen avait déjà démasqué l'idéologie nazie et le mépris que celle-ci éprouvait pour les hommes. En pleine période de guerre, c'est-à-dire pendant l'été 1941, il la critiqua encore plus durement dans trois prédications tenues au mois de juillet et au mois d'août de cette même année, qui sont devenues célèbres. Dans celles-ci, il dénonça la fermeture forcée des couvents et l'arrestation des religieux. Il se prononça avec vigueur contre la déportation et la destruction des vies humaines que le régime affirmait ne pas être dignes d'être vécues, c'est-à-dire les handicapés mentaux. Les paroles enflammées de l'Évêque frappèrent profondément la machine de mort du national-socialisme.

        Ces argumentations aussi claires soulevèrent la colère des responsables nazis, qui ne savaient pas comment se comporter, en raison de l'extraordinaire autorité de l'Évêque von Galen, et n'osaient pas l'arrêter ou le tuer.

        Il ne s'agissait pas d'un courage inné, ni même d'un caractère excessivement téméraire. Seul un profond sens des responsabilités et une vision claire de ce qui était juste et de ce qui ne l'était pas pouvaient pousser l'Évêque Clemens August à prononcer ces paroles. Celles-ci nous invitent à réfléchir sur la splendeur de son témoignage de foi ; elles nous invitent, nous qui vivons à une époque apparemment moins menaçante, mais tout aussi problématique à l'égard de la vie humaine, à imiter son exemple.

          Réfléchissant sur ce qui s'était passé alors, le Cardinal von Galen parcourut tout cela plus tard en esprit, en mars 1946, en disant : « Le bon Dieu m'a donné une position qui m'obligeait à appeler noir ce qui était noir, et à appeler blanc ce qui était blanc, comme il est dit dans l'ordination épiscopale. Je savais que je pouvais parler au nom de milliers de personnes qui étaient convaincues, comme moi, que ce n'est que sur le fondement du christianisme que notre peuple allemand peut vraiment être uni et aspirer à un avenir béni ».

        Le bienheureux Évêque Clemens August a compris qui est notre Dieu et il a placé en Lui toute son espérance (cf. Is 25, 9). Lorsqu'il était curé, tout d'abord, puis Évêque, il n'a pas ménagé ses forces dans son ministère pastoral ; il a su supporter les privations (Ph 4, 12) et il était disposé à donner sa vie pour le service des hommes. En effet, il était pleinement conscient de sa responsabilité face à Dieu. C'est pourquoi le Seigneur l'a fait participer aux richesses de sa gloire (Ph 4, 19. (...) Dans la foi, nous sommes convaincus qu'il a été appelé et élu pour prendre part au banquet nuptial, dans la perfection de la gloire divine. (...)

        Que le Seigneur veuille bénir, par l'intercession du nouveau bienheureux, le cher et vénérable diocèse de Münster et toute l'Église qui est en Allemagne.

(Extrait de l'homélie du cardinal José Saraiva Martins lors de la béatification le 9 octobre 2005)

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