Amérique latine : Benoît XVI devait-il entreprendre un périple si épuisant ? (02/04/2012)
Réponse de Jean-Marie Guénois (« Le Figaro ») sur son blog (extraits) :
A Cuba Benoit XVI est allé au bout de ses forces. Mais les jours qui l'attendent à Rome sont les plus chargés de l'année. Ce dimanche des Rameaux, il préside la messe la plus longue du cycle liturgique. Puis il entrera dans la semaine sainte, très dense en célébrations. Et le matin de Pâques, sept jours seulement le sépareront de ses 85 ans...(…)
On pourrait se demander à juste titre pourquoi Benoît XVI a entrepris dans ces conditions de tel périple ? Il avait une dette vis-à-vis de l'Amérique Latine hispanophone qu'il n'avait jamais visité en sept ans de pontificat mais n'avait réellement, aucune obligation. S'il avait renoncé, les catholiques lui auraient, à l'avance, pardonné.(…) Handicap supplémentaire : ce voyage était celui d'un Pape, héritier de son prédécesseur. Au Mexique, il a découvert pour la première fois de son pontificat l'intensité de la passion déchaînée des foules du deuxième pays le plus catholique du monde pour le Pape. On lui a réservé une fête « à la Jean-Paul II ». Partout des foules agglutinées, pas un mètre libre de trottoir, des cris, des chants, du mouvement. De jour, de nuit, une fête incessante.
A Cuba (…), Benoît XVI a développé son style. Il a ses combats - la belle liturgie, la réconciliation foi et raison, le lien entre liberté et responsabilité. Mais il se sait le successeur d'un Pape qu'il a admiré et que beaucoup de ceux qui sont venus le voir ou l'écouter, au Mexique ou à Cuba, admirent encore. Jamais en tout cas, Benoît XVI n'a cherché à « jouer » du Jean-Paul II. Il est lui-même.
La dynamique profonde de ce 23° voyage hors d'Italie de ce Pape est peut-être ailleurs. Ce « témoin du Christ » est le témoin d'un monde qui passe. C'est une évidence à Cuba. On ne voit pas comment un tel régime pourra durer une fois les « Castro » disparus. On a beau avoir dessiné un immense portrait - quasi christique - de Fidel, en fer forgé, sur la façade d'un très haut immeuble de la Place de la révolution à la Havane, où le Pape a dit la messe, cet homme de chair et de sang ne va pas, au-delà de sa mort, « sauver » son peuple. Les vrais ennuis vont commencer.(…)
De même, au Mexique, un monde passe. La maladie chronique de ce pays, « sous » les Etats-Unis au sens géographique mais aussi moral, n'est pas plus porteuse d'avenir. Elle est un mélange de consumérisme, de « schizophrénie » le mot est de Benoît XVI entre éthique publique, visible, et éthique personnelle, secrète. Et d'exploitation outrancière de l'homme par l'homme.
La grande curiosité, donc, est de voir cette vieille dame, l'Eglise catholique, usée, vilipendée, avec les gros défauts de ses deux millénaires, regarder, avec un regard de jeune fille, ces deux sociétés mal en point après des grandes heures d'arrogance. Comme si l'Eglise était pleine d'une autre énergie que politique, jamais battue et génératrice d'espérance. Il fallait voir le regard de Raul Castro sur Benoît XVI à la fin de la messe à la Havane. Ses yeux qui ont tout vu, et le pire, exprimaient une forme de reconnaissance impossible à feindre.
Voilà la faiblesse-force de l'Eglise catholique. Pluri culturelle, pluri séculaire, elle l'une des veilles de l'humanité. Quand cette humanité, construite sur elle-même, étouffe ou n'en peut plus, l'Eglise catholique, peut donner à respirer. Elle n'est pas la seule à dispenser cette vertu mais c'était une évidence pendant ce voyage. Voir ici : Benoît XVI devait-il entreprendre un périple si épuisant ?
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