Contraception : un enseignement de l'Eglise qui est mal passé (04/04/2012)


Dans un entretien d’une grande franchise accordé samedi dernier au Wall Street Journal, le cardinal Timothy Dolan, archevêque de New York et président de la Conférence épiscopale des États-Unis, avoue que l’enseignement de l’Église aux fidèles sur la contraception fut un échec qui lui a fait « manquer la chance d’avoir une voix morale cohérente dans l’une des plus brûlantes questions du jour » (le HHS Mandate). Un échec dont le cardinal Dolan ne craint pas d’imputer la responsabilité aux dirigeants de l’Église : « Je n’ai pas peur d’admettre que c’est pour nous un défi catéchétique interne – un défi majeur – que de convaincre nos fidèles de la beauté et de la cohérence morales de ce que nous enseignons. Voilà le gros problème ». Et ce problème, le cardinal Dolan en voit l’origine « vers le milieu ou la fin des années 1960, lorsque le monde entier semblait s’effondrer, et lorsque les catholiques, en général, avaient le sentiment que ce que le Concile de Vatican II enseignait, d’abord et avant tout, c’est que nous devions être copains avec le monde, et que la meilleure chose que l’Église pouvait faire c’était de devenir de plus en plus comme tout le monde ». Pour lui « l’allumette » qui allait provoquer « l’explosion » fut la publication, en 1968, de l’encyclique prophétique de Paul VI Humanæ Vitæ qui « provoqua un tsunami de dissidence, de départs [de l’Église], de critiques de l’Église que, pour la plupart d’entre nous – j’utilise à dessin la première personne du pluriel car je m’y inclus – disions d’une manière un peu subconsciente : “Oh là là ! On aurait mieux fait de ne pas parler de ça, c’est une chose trop dure à assumer. Nous avons manqué la chance d’avoir une voix morale cohérente dans l’une des plus brûlantes questions du jour ».

Le cardinal aborde aussi avec franchise la question des abus sexuels du clergé qui « a aggravé notre laryngite sur les problèmes de la chasteté et de la morale sexuelle car nous pensions presque : “Si j’en parle : quelle honte pour moi… Après ce que des prêtres et des évêques – même s’agissant d’une petite minorité – ont commis, quelle crédibilité aurais-je à parler de ça ?” ». Mais ce qui a changé, pour le cardinal Dolan, c’est que ce sont les jeunes qui sont aujourd’hui exigeants et demandeurs d’une parole forte et autorisée de l’Église sur la sexualité…

Le cardinal Dolan et Obama

Dans la deuxième partie de cet entretien, le cardinal Dolan aborde la question de ses rapports avec le Président Obama. Nous touchons là à des points d’histoire des relations entre l’Église et l’État qui me semblent particulièrement importants, et c’est la première fois que le cardinal Dolan donne tant de détails sur ses contacts avec le chef de l’Exécutif.

La cardinal Dolan rappel d’abord que lors de sa rencontre avec Obama en novembre dernier, le Président lui avait fait la promesse de défendre la liberté religieuse et n’avait pas eu de mots assez flatteurs pour exprimer son respect pour l’œuvre de l’Église catholique en matière de santé, d’éducation et de charité, qu’il n’avait pas l’intention d’y toucher et qu’il demandait au futur cardinal Dolan de faire part de ses engagements aux évêques américains… « Aussi vous pouvez imaginer ma peine quand [le Président] m’a appelé à la fin du mois de janvier pour me dire que le décret [HHS Mandate] ne serait pas abrogé, qu’il n’y aurait pas de changements substantiels et que la seule chose qu’il pouvait me proposer c’était un délai jusqu’au mois d’août. Je lui ai dit : “Monsieur le Président, je suis touché de votre appel. Voulez-vous dire que désormais nous avons jusqu’au mois d’août pour vous soumettre nos soucis constants qui pourraient déclencher un adoucissement substantiel à ce mandat ?”. Il m’a répondu : “Non, le mandat restera en place. Ce que nous faisons c’est, plus ou moins, de vous accorder un délai pour voir comment vous allez vous y soumettre ”. Je lui ai dit : “Eh bien, Monsieur, nous n’avons pas besoin de délai. Je peux vous dire tout de suite que nous ne nous y soumettrons pas” ». Le 10 février au matin, Obama rappela le cardinal Dolan après avoir publiquement annoncé son fameux – et fumeux… – « accommodement » (maintien de la gratuité de la contraception, de l’avortement et de la stérilisation, mais remboursement par les compagnies d’assurance-santé dans une sorte d’avenant “indépendant” des polices souscrites par les institutions catholiques…), un « accommodement » récusé par les évêques. Obama fit savoir au président de la Conférence épiscopale qu’il n’irait pas plus loin dans ses « concessions » et que le décret était désormais coulé dans le bronze. Voilà ce que l’Exécutif américain entend par « négociation »…

10:49 | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook | |  Imprimer |