Qu'est-ce que la messe ? (05/04/2012)

 

vanderweyden_croix1.jpgLa messe de la Dernière Cène qui se célèbre au soir du Jeudi-Saint -premier jour du « triduum pascal »- commémore l’institution de l’Eucharistie par le Christ « pridie quam pateretur » : à la veille du jour de sa passion. Telle fut la première messe indissociable du sacrifice de la croix qu’elle signifie.

Sur une page du livre d’intentions ouvert au fond d’une église liégeoise, un fidèle anonyme a écrit : « Qu’est-ce que la messe » ? et consigné la réponse que lui a faite un prêtre : « c’est un repas… ». Essayons donc d’expliciter, humblement, ces points de suspension.

Dans un petit livre pénétrant, "Ce qu'est le mystère à l'intelligence" (1), Louis Salleron s'est interrogé, après tant d'autres, sur l'"essence" du christianisme, qui se trouve être, pense-t-il, dans le sacrifice:

Communément, le sacrifice est l’acte de renonciation à un bien en considération d’un bien supérieur : se priver pour obtenir autre chose à quoi on attribue une valeur plus haute. Car, chaque fois qu’apparaît une mesure d’équivalence, le « do ut des » dans l’intention, il n’y a pas de sacrifice, sinon imparfait (payer une prime d’assurance n’est pas un sacrifice, offrir sa vie pour sauver celle de son enfant, si).

L’histoire de l’humanité montre que le sacrifice proprement dit est un acte religieux, une offrande aux puissances supérieures, en considération d’un lien de dépendance qui nous relie (religio, religare, en latin) à elles. Cette considération varie selon les mobiles plus ou moins élevés qui l’animent : craindre la colère, capter la bienveillance, satisfaire la justice, manifester la reconnaissance, l’amour, l’adoration.

sacrifice-abel.jpgIl n’y a pas de religion sans sacrifice et le sacrifice chrétien se comprend dans la succession du nouveau Testament à l’ancien.

Sur cette mosaïque de Ravenne, sont évoqués les sacrifices d'Abel, d'Abraham et de Melchisédech

Quelles qu’en soient les formes, du ritualisme le plus grossier –du sang des bœufs et des agneaux égorgés sur l’autel- jusqu’à l’oblation épurée  du pain et du vin par Melchisédech, le sacrifice de l’ancien Testament est d’abord celui du peuple élu au Créateur qui a passé alliance avec Lui : pointe alors l’intention d’amour et d’adoration.

Le sacrifice du nouveau Testament est celui de l’alliance nouvelle et éternelle en Jésus-Christ, celui de l’oblation parfaite de l’homme à Dieu et au prochain, qui en est la figure. Dès l’incarnation, le Fils se « vide » en quelque sorte de sa divinité par l’offrande à son Père de sa double nature, humaine et divine.

Cet abandon, ce don total non plus seulement de l’avoir mais de l’être est consommé sur la croix érigée par la malignité des hommes. Et ce « vide » est aussitôt comblé par Dieu.

L’anéantissement humain par le mal se transforme en épanouissement divin. L’homme qui se sacrifie devient un homme divinisé, c'est-à-dire qui atteint ce à quoi il a toujours aspiré : le souverain Bien. Après celle du Christ, la vie des saints montre à quel point le sacrifice accomplit l’homme.

Or, la Messe est ce sacrifice-là : la cène originelle était un sacrifice. La pâque juive était un sacrifice, le sacrifice de l’alliance. La cène a lieu pour célébrer la pâque. Jésus y institue le sacrifice de la nouvelle et éternelle alliance qui prolonge l’ancienne et s’y substitue. La cène anticipe le sacrifice de la croix, elle est ce sacrifice par l’intention absolue du Christ dont l’oblation parfaite va du lavement des pieds à la mort sur la croix.

La messe est le sacrifice de la croix perpétué et rendu présent jusqu’à la fin des temps.

Le christianisme professe que la réalité absolue ne nous est connaissable que par la révélation (un seul Dieu en trois Personnes, incarnation de Dieu en Jésus, Marie mère de Dieu…) : ni la science, ni la raison n’y peuvent objecter car cette réalité mystique est hors de leur objet propre. Quand elle se révèle dans l’ordre du créé, la réalité mystique est à la fois elle-même et intégrée au créé selon l’ordre de celui-ci. Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, Présence réelle sous les espèces eucharistiques etc. : cela n’a pas de sens si nous n’admettons pas cette réalité.

Dans le sacrifice de la croix, il y a une réalité temporelle unique dans le temps et unehostie-4a0ae0c97f082_275x183.jpg réalité mystique qui est la même : dans son accomplissement temporel (le vendredi saint 14 nisan de l’année 30), dans son anticipation (la cène originelle) et dans sa perpétuation (la messe).

A la messe, par le repas, il y a aussi communion. On touche là un nouvel élément du sacré. L’homme, sensible à la mort, est hanté par la survie. Cette vie, il la maintient par la nourriture et la perpétue par l’engendrement. Il tente de la prolonger dans l’éternité par la « manducation des oblats ». En ce domaine encore la variété est illimitée. En retenant le pain et le vin pour achever le sacrifice en communion, le Christ relie la nouvelle alliance à l’ancienne, en transformant et en épurant celle-ci. Le sacrifice sanglant n’est plus que le Sien propre et c’est sous les espèces de l’alimentation élémentaire qu’Il donne son corps et son sang en nourriture. Il fait ainsi participer à la rédemption la totalité de la création car le pain et le vin, nourriture privilégiée de l’homme, sont aussi le fruit conjoint de son travail et de la terre.

Le sacrifice parfait du Christ est oblation, immolation et communion : la messe, à perpétuité, est ce sacrifice dans sa réalité mystique.

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(1) Louis SALLERON, Ce qu’est le mystère à l’intelligence. Propos sur la foi, 200 pp., éditions du Cèdre, 19

 

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