Séminaristes et souverains poncifs (25/04/2012)

Arte programme une série sur les séminaristes pour l'automne prochain, intitulée "Ainsi soient-ils". Isabelle Francq, dans La Vie, commente cet "évènement" :

Ainsi soient-ils, la série télé qui met en scène des séminaristes

Arte diffusera à l'automne une série (8 x 52 mn) qui prend pour cadre un séminaire parisien. Nous avons vu les quatre premiers épisodes, présentés au festival Séries Mania du Forum des Images, le 20 avril dernier.

L'annonce risque de faire frémir les catholiques chatouilleux (en serions-nous ?), ceux qui sont persuadés que le monde en général et la TV en particulier leur veulent du mal (quelle idée biscornue!). Pour les autres téléspectateurs, la perspective d'une série entre les murs d'un séminaire n'a rien d'affriolant. Pourtant, lors de l'avant-première d'Ainsi soient-ils, le 20 avril, au festival Séries Mania du Forum des images, à  Paris, la salle était pleine. Et elle ne s'est guère vidée au cours de la projection des quatre premiers épisodes qui s'est prolongée tard dans la soirée.

Il faut dire que la bande de séminaristes dont on suit les premiers pas vers la prêtrise est bien troussée - et bien interprétée. Cinq profils archétypaux, certes, mais pas caricaturaux. Surtout, on sent la bienveillance des scénaristes pour leurs personnages.

Ils nous présentent cinq jeunes les deux baskets bien dans l'époque. Pas des réactionnaires en butte contre le monde (ah!) ni des inadaptés qui s’évadent dans la mystique (of course!). Seulement des garçons qui ont entendu un appel auquel ils ont décidé de répondre. Il y a le scout qui quitte sa campagne la guitare en bandoulière et des rêves pieux pleins les yeux. Le rejeton d'une famille d’aristocrates propriétaires d'un groupe industriel qui n'hésite pas à essuyer les foudres paternelles pour se vouer à l'Éternel. Le beau black tout juste relevé d'une dépression et qui lâche sa thèse d'archéologie. Celui qui essaie trouver sa voie, entre un père qui a pris la poudre d'escampette, une mère en pleine crise de la cinquantaine et une sœur en crise d'adolescence.

Quelques jours après la rentrée, se joint à eux un taiseux. José qui convainc le directeur de ce prestigieux séminaire de l'accueillir, lui qui vient de passer plusieurs années en prison pour homicide. Chez ce repris de justice, le père Fromenger croit discerner l'ardeur nécessaire pour porter haut le sacerdoce. Cette énergie dont manque une Église qui peine à renouveler ses clercs.

Magnifique personnage que ce directeur du séminaire. Jean-Luc Bideau semble avoir été fait pour le rôle de ce sexagénaire qui jadis participa aux débats de Vatican II, icône d'une Église en prise avec le monde et donc tête de turc des tenants d'un cléricalisme pré-conciliaire. (stéréotype bien connu!) Charismatique en diable, Fromager est un père pour ses ouailles qu'il cherche à guider dans la liberté et le discernement. Les membres de son équipe pédagogique sont comme des disciples, de belles figures de serviteurs de l'Évangile - saluons les sermons du prédicateur porté par Thierry Gimerez ou la leçon sur le sacrement de réconciliation du doyen de la communauté.

Pour des raisons humaines trop humaines, les relations sont difficiles avec la hiérarchie ecclésiale. (ça se corse!) Et c'est ici que le scénario pèche, nous resservant les vieux poncifs recuits sur l'Église, son or, son goût du pouvoir. (quelle surprise!) Si ces travers ne sont pas totalement imaginaires (qui aurait pu le penser!), les montrer avec réalisme aurait donné pertinence au propos. Au lieu de quoi, nous voici dans la parodie. Michel Duchaussoy - mort en mars dernier - à qui l'on ne peut reprocher de ne pas bien tenir son rôle, incarne un président de la Conférence des évêques menant grand train dans son rutilant palais épiscopal. Un prince de l'Église accueillant ses collaborateurs en peignoir de soie devant un royal petit déjeuner, ou bien pendant des essayages de soutane, tandis qu'un couturier s'affaire comme autour d'une vieille coquette. On retrouve le même dans un superbe restaurant romain dont les serveuses ne sont autres que de pimpantes religieuses. (toujours les mêmes clichés caricaturaux qui éclipseront ce qu'il peut y avoir d'acceptable dans le reste...)

 

Las... Depuis quand les cardinaux français portent-ils la soutane en dehors des cérémonies officielles ? Aurait-on idée de montrer un président de la République en jaquette du matin au soir ? C’est un détail, soit, mais qui révèle une façon de prendre les téléspectateurs pour des simplets. Au lieu de réinventer les papes Borgia, il aurait mieux valu scruter la psychologie de personnages au départ bien typés mais, finalement, peu creusés, et que soit encore mieux interrogé le mystère de la vocation.

Hormis des erreurs grossières - depuis quand y a t-il des nonnettes dans les séminaires ? - la série est indéniablement documentée. On lui doit des moments de grâce, quand José dit avoir rencontré Dieu le jour où il a assassiné un homme, notamment. Elle pointe assez justement les problèmes de l'Église - baisse des vocations, isolement des prêtres, difficultés à faire entendre l'Évangile dans le concert du monde, etc. Elle montre les tensions entre un christianisme ouvert sur son temps et des tendances réactionnaires. (au cas où vous auriez oublié que vous êtes sur le site de "La Vie"...) Il est même fait allusion à l'affaire Williamson, toutefois sans qu'aucune clef de compréhension ne soit fournie.

 

Saluons néanmoins un scénario fouillé, qui ne résume pas la question de la vocation au choix du célibat ni ne dérape - du moins dans les premiers épisodes (et oui!, il faudra voir la suite; "in cauda venenum") - dans les affaires de pédophilie. La série a le mérite de montrer les séminaristes face à des questionnements pertinents, mais la façon dont les situations se dénouent - comme le départ de l'un d'entre eux après qu'il ait profané une statue - mériterait d'être davantage creusée. Dommage, on n’était pas loin d'une bonne série.

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