Belgique francophone : la philo pour remplacer cours de morale et religion (27/04/2012)

Lu dans « Lalibre » de ce jour (extraits) :

Le monde laïque remet en question le projet d’établir un tronc commun aux cours de morale et de religions. Et plaide pour instaurer un cours de philosophie.

Souvenez-vous. Mi-janvier dernier, la ministre de l’Enseignement obligatoire Marie-Dominique Simonet (CDH) annonçait son intention d’instaurer d’ici la rentrée scolaire 2013, dès le fondamental, un "tronc commun" à tous les cours de morale non confessionnelle et de religions (catholique, protestante, israélite, islamique et orthodoxe). Ce projet mûrement réfléchi, en concertation avec le Conseil consultatif des cours philosophiques (CCCP) et les représentants des cultes, devrait être élaboré par un groupe de travail interconfessionnel et de morale déconfessionnalisée. Concrètement, ce "tronc commun" s’articulerait autour de trois axes : le questionnement philosophique, le dialogue interconvictionnel et l’éducation à une citoyenneté active.(…)

Mais voilà. Le Centre d’étude et de défense de l’école publique (Cedep) (…) vient de jeter un (gros) pavé dans la mare :

"Sur le principe d’avoir une matière enseignée en commun aux élèves sur le questionnement philosophique, le dialogue interconvictionnel, et l’éducation à la citoyenneté active, nous sommes, évidemment, tout à fait ‘pour’, déclare Pierre Spehl, président du Cedep. Mais le problème que nous soulevons, c’est que l’intention est d’aborder ces matières dans le cadre des cours de morale et de religions existants. Donc, séparément et différemment selon le cours auquel l’enfant a été inscrit." Or, l’objectif poursuivi est que "les élèves puissent bénéficier d’un enseignement commun, quelle que soit l’appartenance philosophique des parents", pointe M. Spehl.

Pour rappel, la Constitution belge reprend en son article 24 que "les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu’à la fin de l’obligation scolaire, le choix entre l’enseignement d’une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle". Mais "les lois et décrets d’application ont rendu obligatoire la fréquentation de ces cours, souligne le président du Cedep. Donc, on est allé au-delà du prescrit de la Constitution en obligeant les familles à choisir parmi les cours offerts : on ne peut pas avoir un élève qui ne soit inscrit à aucun cours de religions ou de morale".

Et ce, contrairement à la Flandre, où a disparu le caractère obligatoire des cours dits "philosophiques". "Nous souhaitons qu’il en soit de même dans nos établissements scolaires en Communauté française. Car pour l’heure, cette obligation est faite aux familles de poser un choix alors que les enfants sont encore très jeunes, explique Pierre Spehl. L’idée n’est pas de dire qu’il faudrait supprimer ces cours. A notre avis, il faut que ces cours soient obligatoirement donnés s’il y a des demandes des parents, mais qu’il n’y ait pas d’obligation d’en suivre un ; bref, ils deviendraient facultatifs pour les familles. Nous voudrions donc que l’on supprime le caractère obligatoire des cours dits philosophiques. Pour ce faire, on n’est pas obligé de changer la Constitution. Il faudrait passer par un décret "

Parallèlement, le Cedep plaide pour que les matières telles que le questionnement philosophique, le dialogue interconvictionnel et l’éducation à la citoyenneté active soient développées au sein d’un cours commun de philosophie, où serait également dispensée l’histoire des religions et des mouvements de pensée non confessionnels par "des enseignants formés particulièrement à cet enseignement", insiste le Cedep.

Car ce qui contrarie également le Centre d’étude dans la proposition de la ministre Simonet, c’est qu’"en regard des débats menés au sein du CCCP, l’orientation prise est que ces matières soient prises en charge par les professeurs actuellement en charge des cours philosophiques". Pour M. Spehl, "cela ne va pas du tout : ces professeurs ne sont pas formés pour ça ; on va leur demander de faire une approche, avec les élèves, des différentes manières de penser alors qu’ils ont pour fonction d’enseigner une manière de penser. C’est donc leur faire jouer un rôle qu’ils sont bien en difficulté de jouer parce qu’ils ne sont pas là pour ça".

L’idée d’instaurer un cours de philosophie n’est pas neuve et a déjà soulevé de nombreuses questions : quel financement ? Comment ne pas surcharger l’horaire des enfants ? Quels professeurs engager ? Etc. "Notre demande est qu’une décision de principe soit prise, précise Pierre Spehl. Bien entendu, il ne s’agit pas de revendiquer que, du jour au lendemain, cela puisse être mis en œuvre." Pour le Cedep, il s’agit avant tout de "fixer un nouveau cap, avec des objectifs à réaliser progressivement et au travers de mesures transitoires". Quant aux modalités de mise en œuvre de cours commun de philosophie, "elles devront être discutées en profondeur au Parlement et au gouvernement". Et quant à "savoir si cela doit être un nouveau cours ou si certains cours existants peuvent être réorientés pour couvrir ces matières, c’est aux pouvoirs organisateurs (PO) de trouver le moyen de se préoccuper de cela".

Ces revendications ne coupent-elles pas les ailes au projet de Mme Simonet ? "L’intention initiale de la ministre est bonne et louable, tient à rassurer le président du Cedep. Nous applaudissons des deux mains son intention d’intensifier la formation dans ces domaines-là. Mais pas comme ça, pas avec ces acteurs-là : les professeurs de religion et de morale ne sont pas là pour enseigner une matière commune à tous les enfants. Le fait de l’enseigner de façon différente et séparée ne répond absolument pas aux objectifs. Bien au contraire ! Cela peut être un enfermement dans des conceptions différentes et des manières différentes de les aborder alors qu’on devrait avoir une base commune."

L’article ici : La philo pour remplacer cours de morale et religion

Le projet, déjà en soi très  contestable, de Mme Simonet, consiste à imposer dans les cours de religion ou de morale laïque de l’enseignement organisé par la Communauté française  (grosso modo la moitié de la population scolaire en Belgique francophone) un programme d’éducation au pluralisme « interconvictionnel » moral et religieux.

De quoi je me mêle ?  Est-ce donc à la puissance publique de fixer des contenus à l’enseignement religieux ou de philosophie laïque ? Ne suffit-il pas qu’elle organise un choix raisonnable entre la morale non confessionnelle et les confessions religieuses que l’Etat reconnaît ? Dans ces matières, la liberté est la règle dans notre pays, dont la constitution s’est méfiée en 1830 du « joséphisme » de tous les despotes éclairés.

La proposition du Cedep est encore plus vicieuse puisqu’elle consiste  à rendre facultatif dans les écoles de la Communauté française l’enseignement de la religion ou de la morale non confessionnelle mais à ajouter un nouveau cours  de « philosophie » interconfessionnelle et pluraliste, distinct et obligatoire pour tous. Et sans doute, en filigrane, d'insérer au moment propice ce nouveau cours dans le programme obligatoire pour tout type de réseau reconnu et subventionné par les pouvoirs publics ? A l’heure ou l’on parle de rationalisation des dépenses, voilà déjà une élucubration idéologique inepte dont on peut sûrement faire l’économie. 

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