Un fou de Dieu (28/04/2023)

r_702_1.jpgLouis GRIGNION (source : www.abbaye-saint-benoit.ch) naît le 31 janvier 1673 à Montfort-sur-Meu (ou Montfort-la-Cane), petite ville à l'ouest de Rennes qui faisait partie à l'époque du diocèse de Saint-Malo (aujourd'hui de Rennes) en France. Il est baptisé le lendemain, 1er février. Son père, Jean-Baptiste Grignion, peu fortuné, est cependant de famille honorable, avocat au bailliage de Montfort. L'enfant est mis en nourrice chez une fermière; néanmoins sa mère, Jeanne Robert, tient à lui inculquer elle-même les premiers éléments de la piété. Des enfants qui survivront, Louis est l'aîné; il a six sœurs et deux frères. Deux de ses sœurs seront moniales et un frère, Dominicain. Il passe ses années d'enfance à Iffendic à quelques kilomètres de Montfort où son père a acheté une ferme appelée "Le Bois Marquer". Ecolier, il fréquente d'abord l'école de Montfort, puis, à douze ans, il va au collège des Jésuites de Rennes. Excellent élève, très pieux, spécialement envers la Sainte Vierge, il ajoute le nom de Marie au sien à l'occasion de sa confirmation: Déjà il se dévoue pour les pauvres et les malades. Par humilité, le jeune homme laisse son nom de Grignion pour s'appeler désormais Louis-Marie de Montfort. Ayant la vocation sacerdotale, il poursuit dans le même collège des études de philosophie et de théologie; puis grâce à une bienfaitrice, il peut envisager de monter à Paris pour entrer au séminaire en 1693. Il commence par refuser le cheval qu'on lui propose pour le voyage ; il ira à pieds. Sa mère lui donne un habit neuf et son père, dix écus. Mais il a tôt fait de tout distribuer ; il change ses habits pour ceux d'un pauvre et donne son argent, et c'est dans un accoutrement de mendiant qu'il arrive à Paris, à la stupéfaction de celle qui l'accueille. Du coup, celle-ci ne le fait pas entrer directement au séminaire mais l'oriente vers un stage pour le former aux usages ecclésiastiques. Une disette qui survient à Paris à la fin de cette même année 1693 oblige sa bienfaitrice à cesser le paiement de sa pension. Bientôt une maladie grave, occasionnée par la pauvreté du régime et l'accablement du travail, le conduisent à l'hôpital où son affaiblissement, aggravé par une sévère saignée, n'arrive pas à avoir raison de sa vie: il guérit selon sa prédiction. Vu sa valeur, on l'admet au "petit Saint-Sulpice" le séminaire des pauvres, en juillet 1695. Il y reste cinq ans. En tant que bibliothécaire, il dévore les Pères de l'Église, s'intéressant spécialement à tout ce qui concerne la Vierge Marie. En aucun d'eux il ne trouve – du moins explicitement – la doctrine qu'il dévoilera ensuite comme un "secret": le "saint Esclavage " de Jésus en Marie.

Il est ordonné prêtre le 5 juin 1700. Son premier ministère est à Nantes, dans la communauté saint Clément: Ce sont des prêtres qui prêchent des missions paroissiales, ce qui devrait lui convenir, mais secrètement, il se sent gêné par certains d'entre eux qui sont jansénistes. Il se rend à Poitiers à l'Hôpital Général, maison mal tenue où l'on cache les malades au public. Il s'emploie généreusement à le réformer et fait la connaissance de Marie-Louise Trichet (béatifiée en 1993). Là, avec elle et de pauvres filles infirmes animées d'un esprit d'humilité et de sacrifice, il fonde les "Sœurs de la Sagesse", le 2 février 1703. Mais son action réformatrice lui vaut des inimitiés. A Pâques de la même année, il se rend à Paris à l'Hôpital de la Salpêtrière jadis fondé par saint Vincent de Paul. Là aussi, rejeté, il va loger en solitaire dans la rue du Pot de Fer, logis très pauvre où il reste près d'un an. Il met à profit cette solitude pour méditer et prier. C'est probablement à cette époque qu'il écrit "L'amour de la Sagesse éternelle". L'archevêque de Paris, informé de sa sainteté, lui confie la mission délicate de réformer les ermites du Mont-Valérien. Mais à Poitiers, les pauvres ne l'ont pas oublié et le rappellent. Revenu dans cette ville au début du carême 1706, on lui signifie à nouveau son congé. Quittant donc l'hôpital, il se met à prêcher des missions dans la ville et aux environs. Dieu lui envoie un auxiliaire dans la personne d'un jeune homme qui s'attache à lui et qui, sous le nom de Frère Mathurin, fera le catéchisme pendant cinquante ans dans les missions avec lui et ses successeurs. L'une des premières missions du Père se déroule dans le faubourg misérable de Montbernage. Il y utilise plusieurs des procédés qui caractériseront beaucoup de ses missions ultérieures: invitation à renouveler les promesses du baptême, processions, liturgies vivantes, drames liturgiques de la Passion. Il a demandé -et obtenu- le don de toucher les cœurs. Avant même de parler, il tire son grand crucifix, le montre à l'assistance avec une telle flamme dans le regard que tout le monde se prend à frémir et à crier miséricorde. Mais ses succès suscitent probablement la jalousie; en tous cas, il se voit interdire de prêcher dans le diocèse de Poitiers. Que va-t-il faire? Il songe à se faire missionnaire au Canada pour y souffrir et mourir en martyr. Il fait à pieds le pèlerinage de Rome pour demander l'avis du Saint-Père, le pape Clément XI. Celui-ci lui répond qu'il y a assez de bien à faire dans son pays et, pour lui marquer officiellement sa bienveillance, il lui donne un crucifix et lui confère le titre de "missionnaire apostolique". A son retour, il fait une retraite au Mont Saint-Michel et s'affilie à un groupe de missionnaires bretons (1707). A sa prédication il joint la charité, créant par exemple une soupe populaire à Dinan. Mais dans la contrainte d'un groupe, il ne peut donner toute sa mesure. Il part pour Nantes où s'ouvre pour lui un plus vaste champ d'apostolat. Pendant deux ans, il prêche dans la région avec grand succès. C'est là qu'on commence à l'appeler "le bon Père de Montfort". Il veille à prolonger le bon effet de ses missions en fondant des confraternités et associations. (Il demande notamment qu'on reste fidèle à son Rosaire. Il écrira, pour le dire, une méthode encore utilisée de nos jours). Comme souvenir tangible des missions, il érige aussi des calvaires, notamment le calvaire géant de Pontchâteau avec l'aide d'une foule de volontaires enthousiastes, mais la veille de la bénédiction, l'évêque lui fait transmettre l'ordre royal de le démolir, des ennemis de Montfort ayant suggéré à Louis XIV que ce site pourrait servir de forteresse aux Anglais (!). D'une seule traite, Montfort se rend à pieds à Nantes (50 km.) pour supplier l'évêque de rapporter cet ordre. En vain. Il revient de nuit et, le lendemain, il déclare à la foule décontenancée (comme il l'avait fait naguère à Poitiers dans une occasion similaire) : "Plantons la croix dans nos cœurs, elle y sera mieux placée que partout ailleurs". (Inutile de dire que les mêmes paysans, réquisitionnés pour la démolition du tertre, se sentaient des membres de plomb!) De Nantes, Montfort écrit la: " Lettre aux amis de la Croix ".

Puisqu'il est gêné à Nantes, l'évêque de La Rochelle, Mgr de Champflour, l'invite à prêcher dans son diocèse. Il travaille avec succès dans ce "boulevard du protestantisme" ainsi que dans ce qu'on appellera plus tard "la Vendée militaire". Puis il retourne à Poitiers, car les dix années assignées comme terme au long noviciat de la fondatrice Sœur Marie-Louise de Jésus (Trichet) et de sa compagne Catherine Brunet se sont écoulées. Sur son chemin, il guérit une dame qui donnera plus tard aux Sœurs de la Sagesse leur 1ère maison de Saint-Laurent-sur-Sèvre. Séjour bref à Poitiers car la colère des jansénistes se réveille et il doit partir. Il écrit le merveilleux et exigeant opuscule: "Le secret de Marie", puis d'une façon plus développée, de sa belle écriture grande et régulière : le "Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge" (titre donné ultérieurement). Il cherche à fonder une "Compagnie" de prêtres à l'esprit marial, enflammés de zèle comme lui, mais il ne trouve pas d'adeptes. Parfois, il se retire dans une grotte de la forêt (Mervent) ou dans l’ "ermitage Saint-Éloi" donné par les gens de La Rochelle. C'est là qu'il jette les linéaments de la règle pour ses prêtres missionnaires. Deux prêtres s'étant présentés à lui, il fonde la "Compagnie de Marie" ou "Missionnaires de Marie" (Montfortains) en 1712. De même, un certain nombre de laïcs appelés "frères du Saint-Esprit" l'aident dans sa tâche : première ébauche des "Frères de Saint-Gabriel" qui se réclament de lui (mais qui ne seront fondés, comme religieux, qu'en 1835).

Le 1er avril 1716 (à 43 ans) , épuisé par le travail et la maladie, il se rend à Saint-Laurent-sur-Sèvre pour sa dernière mission. Il s'y prépare par trois jours de pénitence. Mgr de Champflour l'y rejoint. C'est un triomphe. Il fait un dernier effort pour assister aux vêpres solennelles qu'il a promis de présider. Lui, le prédicateur véhément des fins dernières, prêche sur la douceur de Jésus, sa compassion pour les faibles, sa miséricorde pour les pécheurs. Après quoi, il se couche sur la paille. Il dicte son testament le 27 avril. Le lendemain, se soulevant sur son grabat, le crucifix à la main, le regard rayonnant, il entonne d'une voix vibrante le premier couplet d'un de ses cantiques :

Allons mes chers amis,
Allons en Paradis!
Quoiqu'on fasse en ces lieux,
Le Paradis vaut mieux!

Il expire peu après (28 avril 1716).

Importance et actualité du Père de Montfort

On a dit que l'une des raisons pour laquelle les Vendéens se sont opposés aux tendances anti-religieuses de la Révolution, 80 ans plus tard, c'est que leur foi avait été affermie par la prédication du Père de Montfort.

A l'heure actuelle, beaucoup se consacrent au Christ et à la Sainte Vierge selon la méthode du Père de Montfort, le plus illustre d'entre eux étant le Pape Jean-Paul II dont la devise " Totus tuus " (Je suis tout à Toi, ô Jésus en Marie) est empruntée au Père de Montfort. Beaucoup demandent que le Père de Montfort soit déclaré docteur de l'Église.

Portrait : De " ce Jérémie du XVIIème siècle finissant, qui a crié de toutes ses forces ses avertissements pathétiques " (Daniel-Rops), on trouve sans doute un juste portrait dans le tableau que Montfort lui-même a tracé sur les "prophètes des derniers temps" :

"On doit croire (...) que sur la fin des temps, et peut-être plus tôt qu'on ne le pense, Dieu suscitera de grands hommes, remplis du Saint-Esprit et de l'esprit de Marie, par lesquels cette divine Souveraine fera de grandes merveilles dans le monde, pour y détruire le péché et y établir le règne de Jésus-Christ, son Fils, sur celui du monde corrompu; et c'est par le moyen de cette dévotion à la très Sainte Vierge, que je ne fais que tracer et amoindrir par ma faiblesse, que ces saints personnages viendront à bout de tout " ("Secret de Marie" n°59).

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