Eglise et guerre civile espagnole : des archives très éclairantes (28/04/2012)

Les archives du cardinal Gomá et la Guerre civile espagnole et le refus du nazisme par le futur pape Pie XII (Nieves San Martín -Traduction d’Océane Le Gall) sur ZENIT.org

Une collection de 13 volumes contenant des documents de la guerre civile en Espagne, tiré des archives du cardinal Isidro Gomá (1869-1940), personnage clef de l’histoire de l’Eglise en Espagne, au XXème siècle, vient d’être présenté  au bureau des archives nationales de Madrid.

Une des nouveautés apparues à la lecture de ces volumes : la présence fournie de témoignages sur le refus du nazisme par le futur pape Pie XII.

 « Nous ne nous attendions pas à en trouver autant », a déclaré l’historien José Andrés Gallego, un des auteurs de l’œuvre intitutlée « Archivo Gomá. Documentos de la Guerra Civil » (Archives Gomà. Documents de la Guerre Civile »).

Né  à Calatayud, en 1944, le Prof José Andrés Gallego, enseigne actuellement au Conseil supérieur pour la recherche scientifique (CSIC en acronyme espagnol).

Zenit - Professeur, qui était le cardinal Gomá?

José Andrés Gallego - C’était le primat d’Espagne durant la guerre civile. Le conflit éclata alors qu’ils se trouvait dans la vallée de l’Ebre, pour des soins thermaux à Belascoáin; il était malade, souffrait, je crois, de colique rénales assez importantes. Et c’est ce qui lui a sauvé la vie : il se réfugia à Pamplune, où il fut accueilli au couvent des sœurs de Saint-Joseph.

Quelle signification a-t-il eu dans l’histoire de l’Espagne et de l’Eglise?

Au Vatican, ils ont attendu longtemps avant de reconnaître le gouvernement de Franco, pour d’évidentes raisons diplomatiques. Ils avaient ponctuellement des informations sur la persécution religieuse en zone républicaine, mais ignoraient qui avait le dessus chez les militaires qui s’étaient rebellés. Ils ont donc décidé de nommer Gomá, au poste de représentant personnel de Pie XI auprès de Franco lui-même. Cela signifiait que, jusqu’à ce que Cicogni fût nommé nonce, il le remplaça et joua un rôle très important dans les orientations du nouvel Etat. La possibilité que le nouveau régime puisse se diriger vers le nazisme préoccupait beaucoup Rome et les évêques espagnols.

Qu’apporte ce livre à l’historiographie ?

Les archives du cardinal Gomá ont longtemps été une pierre précieuse, dont on attendait l’ouverture mais qui n’arrivait pas. Nous avons pu travailler sur cela et, dès le début, avons compris que le meilleur service à rendre était de le mettre à la disposition des historiens et de tous ceux qui veulent se faire jugement propre. Il y avait plusieurs milliers de documents, il a donc fallu sélectionner et nous avons obtenu ces treize volumes. Leur publication a demandé plus de dix ans et divers livres – fondés en grande partie sur cette documentation – ont déjà été publiés.

Le livre apporte un nouvel éclairage au contenu de la fameuse lettre pastorale des évêques espagnols, de 1937?

Oui, c’est très clair. Les évêques espagnols, mais surtout Gomá – recevaient beaucoup de lettres pour savoir ce qui s’était réellement passé en Espagne. Et la plupart d’entre eux jugèrent bon d’écrire une lettre détaillée. C’est Gomà lui-même qui l’a écrite puis envoyée aux autres pour obtenir leur nihil obstat, en unissant les divers points de vue comme il le pouvait et la publiant avec la signature de presque tous les évêques.  

L’archevêque de Tarragone, Vidal i Barraquer, et l’évêque de Vitoria, Mateo Múgica, refusèrent de signer. Dans une lettre à Gomá, Mgr Vidal i Barraquer expliqua que, dans son cas, il n’était pas prudent qu’il signe, même s’il était d’accord dans la substance. Mateo Múgica refusa – à mon avis, pour de bonnes raisons – estimant qu’il ne pouvait signer une défense des autorités qui l’avaient empêché de retourner dans son diocèse, l’accusant de nationalisme basque.

Comment étaient les rapports entre le cardinal Gomá et les évêques d’autres pays?

Très cordiaux. La documentation abonde d’écrits du monde entier, en déclarations de solidarité et, très souvent, en aides financières, fruits de collectes entre les catholiques des divers pays.

Quelle fut l’attitude du Saint-Siège ?

Nous ne nous attendions pas à trouver dans la documentation de Gomá des témoignages aussi explicites de la position du cardinal Pacelli, secrétaire d’Etat de Pie XI, contre le nazisme. Eugenio Pacelli et le cardinal Pizzardo ont tout mis en œuvre pour garantir que les évêques espagnols diffusent l’encyclique  contre le nazisme « Mit brennender Sorge », de 1937, et ils le firent en passant par le cardinal Gomá. La question était délicate pour trois raisons : d’abord, parce que les nazis étaient des alliés de Franco, deuxièmement pour que la diffusion de l’encyclique coïncide  avec la décision de Franco d’unir la Phalange (mouvement politique de tendance nationaliste, ndlr) et les Requetés (miliciens carlistes, ndlr) en un seul parti et,  vu que beaucoup parmi les premiers l’acceptèrent malgré eux, on craignait que l’encyclique ne soit interprétée comme un refus des Phalangistes et, enfin, parce qu’il y avait des évêques qui pensaient – et ils le dirent à Gomá, dans leur courrier – que le thème de l’encyclique n’avait rien à voir avec l’Espagne.

C’est pour cette raison qu’elle a été retardée, pour choisir le meilleur moment. Et ce furent les jésuites de la revue Razón y fe qui obligèrent le cardinal Gomá à accélérer sa publication ; ils lui expliquèrent que dans Razón y fe toutes les encycliques du pape étaient publiées et qu’ils n’auraient fait aucune exception.

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