"santé reproductive" et "planning familial" : des termes dont il faut se méfier (18/05/2012)

Par Austin Ruse et Stefano Gennarini, J.D.

NEW YORK, 18 mai (First Things/C-FAM) Dans deux articles récents, Meghan Grizzle de la World Youth Alliance soutient que les termes « santé reproductive » et « planning familial » sont tout-à-fait acceptables et que les militants pro vie ne devraient pas se battre sur ce point.  D’après elle, l’avortement n’est pas inclut dans les termes de « santé reproductive » en droit international, et les contraceptifs ne sont pas non plus inclus dans ces termes.

Mlle Grizzle a partiellement raison. Il n’existe pas en droit international conventionnel de traité définissant la santé reproductive en y incluant l’avortement. De fait, l’avortement n’a été expressément mentionné dans aucun traité. La santé reproductive est mentionnée dans un traité sur le handicap ; or lors de sa rédaction, 15 Etats signataires avaient insisté sur le fait que ce terme n’inclut pas l’avortement. Il est aussi exact que, malgré la mention du planning familial dans trois traités conventionnels, les définitions n’incluent pas la contraception.

Mais n’avons nous pour autant rien à craindre de ces expressions, et cela veut-il dire que nous devrions nous en satisfaire ? Pour nous, Mlle Grizzle à une analyse trop optimiste de ces termes et de leur dangerosité. Elle s’égare sur une définition importante, et est trop optimiste en croyant que ces phrases seront utilisées pour de bonnes causes.

Le droit international se compose de traités contraignants, auxquels s’ajoutent la reconnaissance du droit international coutumier, lui-même résultat de pratiques étatiques universelles et de la croyance dans l’existence du caractère contraignant de la coutume.

Les traités de droit contraignant sont silencieux sur la question de l’avortement. Même lorsque la santé reproductive avait été mentionnée au traité sur le handicap, elle ne l’avait été que dans la listes des discriminations interdites par le traité. Il y a cependant plus à craindre des traités que des termes clairs. Chaque traité est accompagné d’une équipe de suivi du traité. Ces dernières années, ces équipes ont acquis des fonctions quasi judiciaires, et pratiquement réécrit les traités.

Le comité chargé du suivi de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) interprète aujourd’hui le traité comme s’il incluait dans ses termes le droit à l’avortement.  Jusqu’à maintenant, il a demandé à 90 Etats de réformer sa législation sur l’avortement. Certaines cours nationales commencent à l’écouter, par exemple la cour suprême d’Argentine, qui a libéralisé sa législation sur l’avortement par le biais de l’interprétation. Mlle Grizzle a donc raison de souligner que ces comités agissent bien au delà de leur mandat. C’est ce qu’il font, et l’effet qu’ont leurs actions est évident.

Le droit international évolue aussi grâce à la coutume. Les juristes favorables à l’avortement affirment de manière erronée que l’usage à répétition de l’expression « santé reproductive » dans les documents non contraignants de l’ONU a de lui-même créé un droit à l’avortement. Le document le plus cité comme appui est le Programme d’action de la conférence internationale sur la population et le développement du Caire en 1994.

Meghan Grizzle insiste sur le fait que le document final de la conférence du Caire ne peut être utilisé pour inclure l’avortement parce l’expression n’inclut pas la santé reproductive. Elle a tort. Le document affirme : « Dans le cadre des soins de santé primaires, il faut entendre notamment par soins de santé en matière de reproduction :… l'avortement tel qu'il est décrit au paragraphe 8.25 … » Le paragraphe 8.25 affirme que l’avortement ne peut être promu comme méthode de planning familial. Il stipule que les changements de législation dans le domaine de l’avortement ne peuvent être que l’objet de décision au niveau national, que ce soit au niveau central ou local, et que dans le cas où l’IVG serait légal, il devrait être sans danger. L’avortement est cependant bien inscrit au document.

D’autres problèmes sont à mettre sur le compte de ces expressions. Leur caractère vague les rend dangereuses. Le document du Caire, qui d’après Mlle Grizzle ne prête pas à controverse, définit la santé reproductive comme « le bien-être général, tant physique que mental et social, de la personne humaine, pour tout ce qui concerne l'appareil génital, ses fonctions et son fonctionnement.  La santé en matière de reproduction suppose donc qu'une personne est capable de procréer et libre de le faire aussi souvent ou aussi peu souvent qu'elle le désire. » Meghan Grizzle soutient qu’un tel charabia juridique est acceptable et même digne de louanges.

On ne peut échapper au fait que ces termes sont controversés. Chaque fois qu’ils apparaissent dans un document de l’Onu à négocier, ils provoquent de l’agitation parmi les délégations. Lors de la session annuelle de cette année pour la Commission sur la condition de la femme, certaines délégations ont tellement poussé en faveur de la santé reproductive et du planning familial, que d’autres délégations ont fini par rejeter le document final complètement. Et si ces termes avaient été si inoffensifs, le Saint Siège n’essaierait pas constamment de les faire bloquer, ou, en cas d’échec, de les redéfinir de manière acceptable dans les réservations officielles attachées aux documents finaux.

Il serait bon de jeter un œil au delà des instruments internationaux, qu’ils soient ou non contraignants, pour comprendre quel est le danger réel de ces termes. L’avortement et la contraception sont la matière première du régime que promeuvent les agences de l’ONU. Pour faire simple, des acteurs puissants à l'ONU - agences, ONGs, fondations et gouvernements -continuent à inclure l'IVG et la contraception sous le drapeau de la santé reproductive et du planning familial.

Alors que les articles de Meghan Grizzle se distinguent agréablement des positions ordinaires que l'on trouve d'habitude dans la communauté internationale sur les questions de la santé reproductive et du planning familial, tenter de changer la signification de ces termes semblent être au mieux une chimère . Personne ne croira vraiment que l acceptation de ces termes par une, des mots de Mlle Grizzle elle-même, petite ONG convaincra les États-Unis , l' Union européenne ou les États donateurs scandinaves, ou encore les fondations milliardaires ou ONG puissantes, que ces termes n'incluent pas l'IVG et la contraception.

En réalité, durant les dernières décennies, la "culture de mort" à transformé les normes sociales occidentales, surtout dans le domaine de la sexualité. L'acte conjugal est conçu comme une activité de récréation, complètement détachée de l'unité naturelle et fondamentale de la société qu'est la famille. Le résultat est que la vie elle-même, fruit de cet acte conjugal, est traitée comme  un bien dont on peut disposer à l'envi.

Les notions même de santé reproductive et de planning familial sont basés sur la prémisse selon laquelle le sexe est un hobby, un besoin incontrôlable. Si nous voulons réellement vaincre la culture de mort, nous ne pouvons faire de compromis sur tous les sujets ayant un rapport avec la sexualité et la famille. Les termes de santé reproductive et de planning familial n'ont pas l'air de chevaux de Troie pour quiconque voudraient en faire des éléments de sa politique sociale.

Cet article a été publié sur First Things Online. Il est reproduit ici avec la permission de l'éditeur.

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