On fête aujourd’hui saint Yves (19/05/2023)

saint-yves.jpgExtrait d’une notice de Hervé Marie Catta :

« Yves Hélori de Kermartin est né au Minihy de Tréguier en 1253, sous le règne de Saint Louis. Il est mort là, à deux kilomètres de Tréguier , le 19 mai 1303. Ses parents, petits nobles bretons comme il y en avait tant, l'envoyèrent faire ses études à l'Université de Paris, d'abord en lettres, puis en droit. (…).

C'est l'époque où l'Eglise, par son droit appelé " canonique " - les " canons " sont les règles de droit - influe beaucoup sur le droit et la procédure en adoucissant les coutumes d'origines barbares et féodales. Aussi beaucoup de plaideurs préfèrent s'adresser à ses tribunaux. Il faut donc de nouveaux juges bien instruits dans le nouveau droit et Yves Hélori est appelé par l'Archidiacre de Rennes, un assistant de l'Evêque alors, à tenir les fonctions de Juge d'Eglise autrement dit " Official ".

(…) Yves accepte à Tréguier d'être ordonné prêtre et on lui confie la paroisse de Tredrez, plus tard celle de Louannec. Yves a été un modèle de prêtre avant d'être un modèle d'avocat et de juge. Ce qu'on sait, par le procès de canonisation, ce sont les transformations et conversions qu'il opérait par ses sermons , ses visites et ses entretiens avec les personnes. Il lui est arrivé de prêcher cinq fois le même jour à des endroits différents : Tredrez, Saint Michel en Grève, Trédarzec et Pleumeur. Ce qui veut dire qu'on aimait venir de partout entendre ce saint prêtre humble et dont la piété faisait aimer la piété. Il ne ménageait pas sa peine pour aller dire l'espérance de Dieu aux pauvres gens de la campagne bretonne. Il faisait tout le chemin à pied, jamais à cheval.(…).

Comment pouvait-il être avocat en même temps que Juge ? C'est que les juridictions, ou tribunaux étaient nombreux à l'époque : Juge au Tribunal de l'Evêque, l'Officialité, il pouvait défendre comme avocat des justiciables devant toutes les autres juridictions féodales ou royales . Il acceptait donc de plaider pour les pauvres sans honoraires et allait jusqu'à demander aux auxiliaires de justice, notaires ou greffiers, de réduire leurs frais.

Aujourd'hui Saint Yves est le saint patron des avocats non seulement en Bretagne mais dans toute la France et bien des pays du monde. C'est peut-être à cela que nous devons le caractère international de son " pardon ", ce qui veut dire en Bretagne fête religieuse du Saint Patron.

Le Juge était encore plus réputé. Les statues nous montrent souvent Saint Yves habillé en juge, entre le riche et le pauvre (…).. Qu'un Juge en ce temps là tint la balance égale entre le riche et le pauvre paraissait admirable, mais sur ce point les temps ont-ils véritablement changé ?

On a dans le " procès " de canonisation parmi plusieurs beaux témoignages celui d'une réconciliation après les plaidoiries de personnes d'une même famille en conflit pour une affaire d'héritage. D'autres histoires d'une sagesse à la Salomon ont été recueillies par la tradition, il n'est pas possible pour la plupart de les considérer comme historiques mais elles prouvent en tout cas la réputation de Saint Yves comme juge équitable et sage dans les siècles qui ont suivi.

La charité de Saint Yves rayonnait de son vivant non seulement dans son ministère de prêtre au service des âmes, dans sa fonction de Juge ou son service d'avocat mais encore dans toute la vie quotidienne.(…) Il donna un jour à des pauvres affamés son blé à couper avant qu'il ne soit mûr et à d'autres qui avaient froid ses taillis avant qu'ils ne soient poussés. Quant aux pauvres habits que parfois il faisait faire , le jour où l'on les lui portait ne finissait pas toujours avant qu'un malheureux ne se les voit offrir.Il enterrait les morts abandonnés, recueillait toute une famille de pauvres dans sa propre maison comme en témoigne à 80 ans la veuve du jongleur Rivallon  (…).

Il soignait aussi les âmes et l'on nous rapporte le nom des plus scandaleux fauteurs qui changèrent de vie grâce à son ministère. Il pratiquait les exorcismes avec succès quand c'était nécessaire.

Six ans avant sa mort, en 1297, il avait démissionné de sa charge d'Official, il se retira pour prier et accueillir ses pauvres au Minihy, où il avait fait construire une chapelle.

La réputation de sainteté de dom Yves se manifesta à son enterrement, suivi par toute la population . A son tombeau les guérisons fleurissaient et les Ducs de Bretagne firent des démarches pour faire ouvrir son procès de canonisation. La plus grande partie, peut-être la totalité des témoignages recueillis alors, nous l'avons dit, nous sont encore aujourd'hui conservés tels qu'hier , comme si nous étions présents à l'audience (…).

Les grands juristes du passé rendirent hommage à Saint Yves et on lui attribua comme un dû les histoires dans laquelle il fallait grande finesse et courage pour trouver et juger la vérité. Aujourd'hui encore les Barreaux, organisations professionnelles des avocats, le considèrent comme leur patron (…) ;. Mais les prêtres bretons aussi lui sont restés fidèles et ce sont eux qui portent les reliques à la procession du pardon. Il est étonnant pour les nombreuses personnes, pardonneurs ou touristes venus de loin, d'entendre chanter aujourd'hui ces cantiques bretons. La piété comme l'histoire se sont transmises pendant sept cents ans à travers ces cantiques et cette langue comme pour porter jusqu'à nous d'une façon vivante ces pièces du procès latin que seuls lisent dans l'ombre des bibliothèques les sages et les savants (…) ».

Comme le chantent les antiennes de l’office de ce Saint du jour :

Liberavi pauperem vociferantem, et pupillum cui non esset adjutor.

J’ai libéré le pauvre qui criait, et l’orphelin qui n’avait pas de soutien.

Benedictio perituri super me veniebat, et cor viduae consolatus sum.

La bénédiction de celui qui allait périr venait sur moi, et j’ai consolé le cœur de la veuve.

Justitia indutus sum, et vestivi me, sicut vestimento et diademate, judicio meo.

Je me suis revêtu de la justice, et je me suis habillé, comme d'un manteau et d'un diadème, de mon jugement.

Ab infantia mea crevit mecum miseratio, et de utero matris meæ egressa est mecum.

La compassion a grandi avec moi dès mon enfance, et elle est sortie avec moi du sein de ma mère.

Oculus fui cæco, et pes claudo, pater eram pauperum.

J'ai été l'œil de l'aveugle, et le pied du boiteux, j'étais le père des pauvres.

Tout un programme pour les Yves, dont on célèbre la fête aujourd’hui…

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