Un regard pessimiste sur les tentatives « unionistes » de Rome ? (21/05/2012)

Qu’il s’agisse d’un  ralliement significatif espéré des anglo-catholiques ou des lefébvristes, le professeur Luc Perrin  (faculté de théologie de Strasbourg) montre que les choses sont loin d’être simples : déjà à l’intérieur même de l’Eglise catholique, le divorce entre les mentalités, les cultures religieuses conciliaires et traditionnelles tend à créer une sorte de schisme qui ne dit pas son nom (comme celui qui s’est creusé peu à peu entre les Eglises d’Orient et d’Occident durant le haut-moyen âge) , a fortiori lorsque la rupture s’est formalisée en actes caractérisés, désobéissance disciplinaire depuis près d’un demi-siècle de "lefébvrisme" –et bien plus encore après cinq siècles d' "anglicanisme". La Rome de Benoît XVI (souvent divisée, en son sein, contre elle-même) peut-elle renverser ce courant ?

Luc Perrin observe à propos de la constitution Anglicanorum coetibus de 2009 : « le sujet du rapprochement avec certains anglo-catholiques appartenant à la Communion anglicane ou à la T.A.C [Traditional Anglican Community]. avait beaucoup attiré l'attention et dès le premier instant, beaucoup regardaient du côté de la FSSPX [Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X]

Depuis on a un peu oublié ces anglicans/épiscopaliens. En fait, leur intégration semble s'être effilochée au cours des mois : un 1er ordinariat a péniblement vu le jour en Grande-Bretagne là où ils étaient assez peu nombreux, il se consolide depuis. Deux autres ordinariats naissent en 2012 seulement, soit 3 ans après la constitution romaine : un celui de la Chaire de saint Pierre pour l'Amérique du Nord et en juin celui de N.-D. de la Croix du Sud pour l'Australie qui pourrait réunir ... 300 à 500… fidèles.

Entre temps, la T.A.C. qui avait été à la pointe du rapprochement avec son primat Mgr Hepworth a abandonné cet objectif dans un surprenant retournement en mars 2012 lors d'une réunion de son collège des évêques, conduisant à un changement de primat et au rejet officiel d'Anglicanorum coetibus. Or ces gens avaient ratifié solennellement en 2009 avant la Constitution le Catéchisme de l'Église catholique et proclamé leur désir de pleine communion. Hepworth avait-il tordu le bras de ses confrères alors ? Pourquoi ce revirement calamiteux et si peu commenté ? Un dossier qui est suivi à Rome par ... la même CDF [Congrégation pour la Doctrine de la Foi], sous la houlette du cardinal américain Levada.

Sans méconnaître les hésitations des anglo-catholiques, les problèmes aigus liés à leur "synodalité" et modèle ecclésiologique de "communion" avec des Églises/communautés quasi indépendantes, on peut s'interroger sur le peu de résultats et l'accueil au final si timide après les espérances grandes soulevées en 2009.

On peut aussi songer que la ratification du Préambule doctrinal [préambule à un accord avec les lefébvristes ndlr] pourrait n'être que le début d'un processus complexe où les opposants - il y en a et haut placés - à la démarche de Benoît XVI multiplieront les embûches et les obstacles, y compris dans les couloirs et bureaux du Vatican. A fortiori dans les différents pays. Le statut canonique devra être pensé avec beaucoup de soin et ne pas ouvrir de "loopholes" comme on dit en anglais permettant aux ennemis de la réconciliation et aux partisans de l'herméneutique de rupture de manoeuvrer à leur aise. Sinon une grande idée et un geste très fort de Benoît XVI pourraient tourner à ce que l'on voit dans le cas catho-anglican….

J'avais en 2009 trouver un peu dommageable que l'organisme P.C.E.D.[commission pontificale Ecclesia Dei] soit inféodé aussi étroitement à la C.D.F. en particulier quant à la gestion des communautés traditionnelles. En cas d'accord, il serait sans doute bon de revoir cette configuration pour s'assurer que le pape a bien des collaborateurs qui partagent sa vision en charge du dossier. Simple question pratique au vu du bilan catho-anglican. ».

Voir ici :la lente et difficile application de la constitution Anglicanorum coetibus de 2009.

De beaux sacs d’embrouilles, tant les uns et les autres sont traversés par des courants contradictoires difficiles à arbitrer. L’œcuménisme réel c’est autrement plus compliqué que l’œcuménisme rêvé dans des parlottes « conciliaires ».

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