La lettre d'un prêtre à un frère journaliste du New-York Times (07/06/2012)

Cher frère journaliste:

Je suis un simple prêtre catholique. Je me sens heureux et fier de ma vocation. Cela fait 20 ans que je vis en Angola comme missionnaire.

Je lis dans de nombreux moyens de communication, surtout dans votre journal, l'amplification du thème des prêtres pédophiles, cela d'une manière morbide, recherchant en détail dans la vie de  ces prêtres, les erreurs du passé. Il y en a un, dans une ville des Etats-Unis, dans les années 70, un autre, en Australie dans les années 80, et ainsi de suite, d'autres plus récents.....

Certainement tous des cas parfaitement condamnables!

Il y a des présentations journalistiques pondérées et équilibrées, d'autres amplifiées, remplies de préjudices et même de haine.  Je ressens moi-même une grande douleur pour le mal immense que des personnes qui devraient être des signes de l'amour de Dieu, soient un poignard dans la vie d'êtres innocents. Il n'y a pas de paroles pour justifier de tels actes. Il n'y a pas de doutes que l'Église doit être du coté des faibles, des plus démunis. Pour cette raison, toutes les mesures prises pour la prévention et la protection de la dignité des enfants seront toujours une priorité absolue.

Mais c'est remarquable le peu de nouvelles et le manque d'intérêt pour les milliers de prêtres qui sacrifient leur vie et la consument pour des millions d'enfants, pour les adolescents et pour les plus défavorisés aux quatre coins du monde.

Cela demeure sans intérêt qu'avec d'autres prêtres nous ayons eu à secourir près de 15.000 personnes dans les campements de la guérilla, après qu'ils aient rendu les armes, parce que les aliments du gouvernement et de l’ONU n'arrivaient pas. Ce n'est pas une nouvelle intéressante qu'un prêtre de 75 ans, le Père Roberto, parcoure la ville de Luanda, soignant les enfants de la rue, les conduisant à une maison de refuge, pour qu'ils soient désintoxiqués de la gazoline qu'ils aspirent en gagnant leur vie comme lance-flammes.

Je pense que votre journal ne s'intéresse pas au fait que j'aie dû transporter beaucoup d'enfants faméliques par des chemins minés à cause de la guerre en l'année 2002 depuis Cangumbe à Lwena (Angola), car le gouvernement ne pouvait le faire et les ONG n'y étaient pas autorisées; que j'aie dû enterrer des douzaines d'enfants morts à cause des déplacements de la guerre; que nous ayons sauvé la vie à des milliers de personnes au Mexique au moyen du seul centre de santé existant dans une  zone de 90.000 km2 avec la distribution d'aliments et de semences. Que nous ayons pu y procurer l'éducation et des écoles dans ces dix dernières années à plus de 110.000 enfants. L'alphabétisation de centaines de prisonniers n'est pas non plus une nouvelle. Que d'autres prêtres, comme le père Stéphane, organisent des maisons de transit pour que de jeunes maltraités, battus, et même violés y trouvent refuge. Non plus, que le père Maiato avec ses 80 ans, visite les maisons des pauvres, une à une, réconfortant les malades et les désespérés. Ce n'est pas une nouvelle que plus de 6.000 parmi les 40.000 prêtres et religieux actuels aient quitté leur pays et leur famille pour servir leurs frères dans une léproserie, dans les hôpitaux, les camps de réfugiés, des orphelinats pour enfants accusés de sorcellerie ou orphelins de parents morts du sida, dans des écoles pour les plus pauvres, des centres de formation professionnelle, des centres d'accueil pour les séropositifs, etc. Ou, surtout, dépensant leur vie dans des paroisses et des missions, motivant les gens pour mieux vivre et surtout pour aimer. Ce n'est pas une nouvelle que mon ami, le Père Marc-Aurèle, pour sauver des enfants pendant la guerre en Angola, les ait transportés de Kalulo à Dondo et qu'en revenant de sa mission, il ait été mitraillé en chemin. Que le frère François avec cinq dames catéchistes, soient morts dans un accident, en allant aider des régions rurales parmi les plus reculées du pays.

Que des douzaines de missionnaires en Angola soient morts par manque de moyens  sanitaires, à cause d'une simple malaria. Que d'autres aient sauté à cause d'une mine, en visitant leurs fidèles. Dans le cimetière de Kalulo se trouvent les tombes des premiers prêtres qui sont arrivés dans la région, aucun ne dépassait l'âge de 40 ans.

Ce n'est pas une nouvelle, celle de suivre un prêtre "normal" dans son travail journalier, dans ses difficultés et ses joies, dépensant sa vie sans bruit en faveur de la communauté qu'il sert. La vérité, c'est que nous ne cherchons pas à faire les nouvelles, mais simplement porter la Bonne Nouvelle , cette Nouvelle, qui sans bruit, a commencé le matin de Pâques. Un arbre qui tombe fait plus de bruit que mille arbres qui poussent. On fait beaucoup plus de bruit pour un prêtre qui commet une faute, que pour des milliers d'autres qui donnent leur vie pour les pauvres et les indigents.

Je ne prétends pas faire l'apologie de l'Église et des prêtres. Un prêtre n'est ni un héros ni un neurotique. C'est simplement un homme normal, qui, avec sa nature humaine cherche à suivre Jésus et à Le servir dans ses frères. Il connaît des misères, des pauvretés et des fragilités comme chez tous les êtres humains; mais  il vit également dans la beauté et la grandeur comme en chaque créature. Insister d'une manière obsessionnelle et persécutrice sur un thème douloureux, en perdant de vue l'ensemble de l'oeuvre, crée véritablement des caricatures offensives du sacerdoce catholique, par lesquelles je me sens offensé.

Je te demande seulement, ami journaliste, de rechercher la Vérité, le Bien et la Beauté. Cela fera grandir ta profession.

Dans le Christ,

P. Martin Lasarte, sdb

"Mon passé, Seigneur,

je le confie à ta miséricorde;

mon présent à ton amour;

mon futur à ta providence".

source : http://benoit-et-moi.fr/2010-II/0455009d6b0fa2a05/0455009...

 

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