Apprentis sorciers et criminels (13/08/2012)
"Le SOUPIRAIL et les VITRAUX" proposent cette réflexion :
Nanotechnologies, biologie de synthèse, géo-ingénierie : Reporterre publie un entretien avec le scientifique canadien Pat Mooney (entretien d’abord paru dans Entropia, revue d’étude théorique et politique de la décroissance) qui dénonce « la croyance dans la toute-puissance des technologies, censées être la boîte à outils de tous nos problèmes » (extraits) :
« L’industrie est censée nous sortir de la crise alimentaire, de la crise pétrolière, du changement climatique, de la crise financière. L’industrie va prendre soin de nous ! [...] Cette attitude sans issue a conduit en réalité à perdre 5% de la diversité des espèces vivantes de la planète l’année dernière, 26 langages différents... La diversité culturelle se perd à une vitesse énorme. Et pourtant ils continuent. Et ils pensent qu’ils peuvent se contenter de donner une solution technologique à chaque chose. [...] Ce qui est proposé, c’est qu’au lieu d’affronter le pic pétrolier comme une réalité, au lieu d’assumer le fait que nous surconsommons les ressources énergétiques et ne pouvons pas continuer à ce rythme, on nous dit de ne pas nous inquiéter, car les nanotechnologies vont nous sauver. Ces nanotechnologies, nous dit-on, accéléreront la domestication de l’énergie du soleil et du vent. Et elles nous permettront de réduire massivement les consommations énergétiques des machines. Quant aux conséquences des agro-carburants sur la crise alimentaire, on nous dit : ne vous inquiétez pas pour ça, nous allons développer des agro-carburants de deuxième ou troisième génération à partir de biotechnologies dites biologie de synthèse. Voilà qui réglera les problèmes. [...] Avec les biotechnologies, vous déplacez un gène d’une espèce à une autre. C’est très simple, mais très chaotique. Alors qu’avec la biologie de synthèse, vous construisez votre propre ADN. Vous commencez par la base et vous structurez l’ADN pour parvenir à la structure exacte que vous voulez obtenir. Et vous décidez exactement comment vous voulez que l’organisme soit programmé.
En théorie, grâce à la biologie de synthèse, non seulement vous pouvez construire votre propre ADN, mais vous pouvez créer des micro-organismes que le monde n’a jamais vus auparavant. Ces organismes peuvent avaler les fibres de cellulose d’une forêt et les convertir en sucres, en plastique, en alimentation, en carburants, en meubles, en ce que vous voulez. [...] Cette technologie est incroyablement puissante et incroyablement dangereuse. Elle peut ne pas marcher. Elle pourrait ne fonctionner qu’à moitié. Comparativement, les OGM standard sont semblables à un jeu d’enfant. Les biologies de synthèse construisent des entités que nous ne pouvons même pas imaginer. L’année dernière, par exemple, des scientifiques de Cambridge ont découvert, en utilisant cette technique, qu’ils pouvaient induire la cellule à ne pas produire 20 acides aminés, qui est la formule à la base de tout être vivant, mais 276. Imaginez la différence entre la vie faite à partir de 20 acides aminés et à partir de 276. Cela veut dire que vous pourriez avoir plus de biodiversité dans une chaussure que dans l’Amazonie entière. Et une diversité biologique non naturelle, le monde n’en a jamais vu avant. Que faire avec ces formes de vie ? Que se passe-t-il si elles sont libérées dans l’environnement ? Tout finit par sortir des laboratoires. Que se passera-t-il ? L’an dernier, nous avons appris, grâce à la biologie de synthèse, que non seulement on pouvait construire des éléments de matière, mais aussi, pour la première fois depuis toujours, une forme de vie auto-réplicante artificielle. Qui va continuer à muter et se multiplier. Le pouvoir de cette technologie, aussi aléatoire soit-elle, est quelque chose qu’on n’a jamais vu sur la planète. [...] Qui finance cette sorte de science ? Les mêmes que ceux qui perturbent le climat, ces géo-ingénieurs qui nous ont entraînés dans la crise actuelle. Ce sont BP et Exxon Mobil, c’est Shell et les grandes industries chimiques du plastique, Dupont, Monsanto et BASF. Ce sont ces firmes qui lancent ces recherches. Et ce sont nos gouvernements, avec leurs investissements énormes en provenance du département américain de l’énergie, du ministère américain de l’agriculture, du gouvernement britannique et j’en passe. [De même, la géo-ingénierie évoque] la restructuration des courants des océans, la restructuration de la stratosphère pour bloquer les rayons du soleil. Des scientifiques entendent prouver que la géo-ingénierie de la planète est l’avenir de l’humanité. Nous avons eu les industries du changement climatique, les BP et les Dupont ont été les artisans du changement climatique planétaire. Et voilà que les mêmes nous disent : ne vous en faites pas, les amis, on s’en occupe, on va vous en sortir par la géo-ingénierie. [...] Nous ne connaissons pas suffisamment notre planète, nous ne comprenons pas suffisamment comment la biosphère fonctionne. Cela donne l’impression qu’on peut jouer à Dieu avec les océans, ou jouer à Dieu avec le ciel, selon des méthodes qui ne sont ni sûres, ni équitables envers les plus pauvres. [...] Pour nous, le point de départ initial a été que les scientifiques nous ont expliqué qu’il est maintenant possible de tout reconstruire à l’échelle de l’atome. Et que, de la même manière qu’on peut construire de l’ADN, on peut créer de la matière, atome par atome à la base. [On peut alors] sortir du champ de la chimie classique en passant la barre des cent nanomètres. Là vous entrez dans la zone de ce qui s’appelle l’effet quantique : on ne travaille plus avec une seule table périodique, mais avec sept ou huit tables périodiques à partir desquelles n’importe quelle matière peut être construite. [...] Les compagnies qui fabriquent les crèmes solaires ne connaissent même pas la taille des nano-particules avec lesquelles elles travaillent. Rien n’est clair. [...] Il y a plusieurs . Je pense qu'aucun des milliers de produits sur le marché actuellement n’est identifié comme contenant des nano-particules : pesticides, produits alimentaires, cosmétiques, vêtements, éléments d’ordinateurs, de voitures, d’avion, etc. Le problème, c’est que nous avons affaire à des matériaux qui ont été utilisés à une échelle macro pendant des décennies. Par exemple, nous avons utilisé l’oxyde d’aluminium à l’échelle macro pendant un siècle. L’oxyde d’aluminium est employé à l’échelle macro par votre dentiste pour traiter les caries, sans aucun danger. Mais, à l’échelle nano, cet oxyde d’aluminium explose littéralement. L’armée américaine utilise exactement la même substance l’oxyde d’aluminium pour faire exploser des bombes, mais à l'échelle nano... [...] Il n’y a pas une seule compagnie au classement du magazine Fortune des 500 premières entreprises à l’échelle mondiale qui ne soit impliquée dans les nanotechnologies. Parce qu’elles vous donnent la possibilité de diversifier vos sources de matières premières. Ce qu’on rencontre avec les nanotechnologies, ce sont des brevets individuels, où chaque brevet s’applique à 33 éléments différents du tableau périodique à l’échelle nano. Donc l’utilisation non autorisée à l’échelle nano de n’importe lequel de ces 33 éléments représenterait la violation d’un brevet unique. On n’a encore jamais vu de technologie aussi fondamentale dans la nature pour laquelle un brevet puisse être détenu. Nous allons nous trouver dans la situation absurde d’avoir à appeler constamment à des moratoires sur pratiquement tout. [...] Il y a des chercheurs à l’Institut Alfred Wegener en Allemagne qui envisagent la fertilisation des océans comme solution pour stabiliser le climat. Il y a Paul Crutzen, en Allemagne, prix Nobel de chimie, qui approuve l’idée d’envoyer des éléments sulfurés dans la stratosphère. Oui, bien sûr, il en coûterait peut-être 60 ou 70000 morts supplémentaires par an au Nord, à cause de maladies pulmonaires ou autres : le coût de ces techniques de géo-ingénierie serait d’environ 50 milliards d’euros par an, ce qui, en regard du changement climatique, est un coût relativement modeste. Ça tue simplement les gens, c’est tout.»
07:22 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
Imprimer |