Retour sur "les chrétiens trop oubliés" (14/09/2012)

Nous avions signalé la parution d'un très beau livre consacré aux chrétiens oubliés du bout du monde. Valeurs Actuelles (Frédéric Pons) a interviewé son auteur :

"Des chrétiens trop oubliés

En Orient et en Asie, des communautés vivent leur foi dans les catacombes et parfois dans le martyre. Le témoignage d’un pèlerin parti à leur rencontre.

Diplôme de l’Essec en poche, Charles et Gabriel ont fait un tour du monde à vélo – 11 000 kilomètres avec un euro par personne et par jour – à la rencontre des chrétiens oubliés. Charles Guilhamon raconte ce périple humain et spirituel dans un magnifique récit où tous les deux disent avoir découvert « une Église profondément aimable, une assemblée d’hommes rassemblée autour du Christ, avant d’être un parc immobilier un peu froid », à laquelle ils ont envie d’apporter leur petite pierre. Au retour, Gabriel est entré au séminaire pour se préparer à être missionnaire en Asie et Charles est devenu entrepreneur. Nous l’avons rencontré à la veille de la visite du pape au Liban.

Que peut signifier le voyage du pape pour ces chrétiens oubliés que vous avez rencontrés ? Partout, nous avons constaté un respect immense pour le Saint-Père. Au Tibet, certaines vieilles femmes portaient sa photo à leur front, comme les bouddhistes vénèrent celles du dalaï-lama ! Le Liban est un lieu privilégié de dialogue. Pour des communautés catholiques qui sont minoritaires, noyées dans des milieux religieusement différents ou politiquement hostiles, cette invitation au dialogue doit être intense.

Que peuvent en attendre les chrétiens d’Orient ? Une exhortation à chérir la présence chrétienne au Moyen-Orient et à l’encourager. À dire au monde qu’elle est une chance pour le Moyen-Orient, alors que ces pays sont à des tournants douloureux de leur histoire. Que les chrétiens ont pour vocation d’oeuvrer à un monde plus juste, pour traduire l’Évangile en actes.

Quel était votre objectif dans ce tour du monde ? Nous voulions nous demander ce que voulait dire “être chrétien”, mieux mesurer ce que cela pouvait impliquer dans nos vies. Nous avons rencontré des hommes et des femmes qui ont mis leur foi au centre de leur existence, avec des implications très concrètes, parfois jusqu’à la persécution. Nous qui avons le choix de croire ou de ne pas croire, qu’en faisons-nous ?

Êtes-vous revenu confiant ou inquiet pour leur avenir ? On ne peut pas ne pas être inquiet pour ceux qui souffrent et pour leurs enfants qui souffriront. On ne peut nier les difficultés parfois immenses de certaines communautés, en Chine ou au Viêtnam par exemple, où le pouvoir politique est acteur de l’oppression. Malgré les difficultés, la foi demeure.

Où avez-vous rencontré des chrétiens martyrisés ou dans les catacombes ? Nous avons croisé des centaines de réfugiés irakiens en route vers la Turquie ou l’Europe, ou essayant de construire une nouvelle vie dans les villages montagnards du Kurdistan. Ils quittaient tout du jour au lendemain sans réel espoir de retour. En Chine, nous avons rencontré le responsable de l’Église souterraine d’un diocèse dont l’épiscopat n’est pas reconnu par Rome. À plus de 80 ans, et après vingt-quatre ans de travaux forcés dans des camps de rééducation, il continuait à rendre visite aux chrétiens dans le secret pour leur donner les sacrements. Il rayonnait.

Qu’attendent-ils de l’Occident ? Nous avons été touchés de constater que tous comprenaient très bien notre démarche de les visiter. Ils n’attendaient pas de nous de grands projets ou d’argent mais savaient que nous étions là au nom de notre foi commune. Avec tous, nous avons vécu une communion de prière décuplée par l’impossibilité de se comprendre par la parole. Ils attendent que nous priions.

Comprennent-ils notre déchristianisation ? Très mal. Pour certaines communautés du Moyen-Orient et d’Asie, nous sommes des dégénérés qui avons oublié le sens de Dieu. Même si le niveau de vie fascine, ils ne comprennent pas notre manière de vivre. En Orient, notre individualisme est inconcevable. Combien de fois nous a-t-on demandé s’il était bien vrai qu’en France, toutes les églises étaient vides…

Vers quel pays retourneriez-vous en priorité et pourquoi ? Sans hésiter, dans les montagnes du Darjeeling, au nord de l’Inde. J’ai été très touché par la communauté lepcha, évangélisée au XIXe siècle. Certains marchent jusqu’à huit heures chaque dimanche pour assister à la messe !

Propos recueillis par Frédéric Pons

Sur les traces des chrétiens oubliés, de Charles Guilhamon, Calmann-Lévy, 496 pages, 21,50 €."

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