Le crépuscule de la reproduction sexuelle en Occident (19/10/2012)

L'Osservatore Romano recense un nouveau livre du démographe Roberto Volpi : La défaite de la révolution sexuelle

"Souvent le discours de l’Eglise sur la famille est tourné en dérision, considéré comme désuet et correspondant peu à la nature humaine : une sorte de camisole de force qui empêche d’être heureux. Voilà la raison principale pour laquelle ce discours trouve tant de difficulté à être entendu. A présent le livre d’un démographe qui se définit lui-même un « progressiste » et qu’on ne peut certes pas situer dans le camp catholique (Roberto Volpi,Il sesso spuntato. Il crepuscolo della riproduzione sessuale in Occidente [Le sexe émoussé. Le crépuscule de la reproduction sexuelle en Occident], Lindau) vient renverser  ces lieux communs avec la force concrète de la réalité, confirmée par les statistiques.

Sur la base indéniable de l’écroulement des naissances dans les sociétés occidentales – et en particulier en Italie – ce spécialiste  se propose de découvrir, à travers l’examen critique des données, « pour quelles raisons le sexe en Occident est devenu tel, ce qu’il comporte qu’il le soit, ce qu’il change chez les individus, les couples et dans la société, dans la sensibilité commune, dans les attitudes et les valeurs d’une population ». En partant d’un constat dans les pays occidentaux que « le sexe non seulement n’implique plus mais n’évoque même plus à l’esprit la reproduction », si bien que les enfants apparaissent uniquement comme un risque à éviter.

Ce changement est à la fois la cause et l’effet de la crise de l’institution familiale : depuis des décennies désormais, les rapports sexuels entre adultes n’ont plus besoin – tant pour être pratiqués que pour être acceptés – d’aucune justification qui aille au-delà du consentement  réciproque. Dans l’opinion commune les rapports sexuels, libérés de tout lien institutionnel, grâce à l’intervention de la médecine, ont même pris une sorte de valeur thérapeutique générale.

Ce sont là des nouveautés qui contribuent bien sûr à réduire la valeur du mariage. Une confirmation est apportée par les statistiques qui constatent un effondrement de la stabilité matrimoniale en Italie à partir des années soixante-dix. Avant tout par l’effet de la légalisation du divorce, qui « a fini d’ôter au mariage son aura protectrice, sa marque de garantie, la certitude du produit, pour ainsi dire ». Selon Roberto Volpi – et c’est la véritable découverte du livre – cette chute du mariage a signifié aussi une formidable diminution des rapports sexuels entre homme et femme, en dépit de l’opinion commune qui attribue à la révolution sexuelle le mérite d’avoir provoqué une augmentation absolue des rapports eux-mêmes.

La conséquence fondamentale est que « la période vraiment féconde de la femme occidentale d’aujourd’hui se consume en grande partie en dehors de fortes expériences de couple ». La vie se joue ici et maintenant, et non dans l’avenir, si bien que le désir d’enfants en résulte extrêmement troublé : « De plus en plus la plénitude de l’existence peut se passer d’enfants, et donc de la transmission de la vie ». Les enfants peuvent être substitués par autre chose, c’est devenu une réalité incontestable, par exemple par des animaux domestiques, bien moins exigeants.

A côté de la préoccupation d’éviter la conception, augmente celle de prévenir les maladies sexuellement transmissibles: « A la banalisation des rapports sexuels ne pouvait manquer de correspondre la recherche de la plus grande protection possible », parce que plus le sexe est banalisé, plus il peut être dangereux. L ’éducation sexuelle, affrontée avec un regard médicalisé, qui insiste uniquement sur la protection, s’est soldée en effet par un échec cuisant et évident. Dans les pays européens, les données utilisées par le démographe démontrent qu’à une plus forte densité de connaissance et d’emploi des méthodes contraceptives, en particulier si elles sont promues à travers des programmes scolaires, correspondent des taux plus élevés de conception, d’accouchements et d’avortements chez les adolescents et des taux plus élevés de séropositivité.

Les mêmes données citées par Volpi ne confirment pas l’incidence de l’utilisation du préservatif pour éviter la contamination et les grossesses non voulues, en démontrant en revanche que « l’efficacité du préservatif contre la transmission de maladies d’origine sexuelle et contre les naissances et les avortements chez les adolescents ne peut pas être réellement démontrée », écrit le chercheur, car en réalité, une révolution culturelle est indispensable. Et pour expliquer qu’il s’agit d’une estimation mathématique, et non pas d’une opinion idéologique, il ajoute immédiatement être « résolument favorable au préservatif, pour éviter tout malentendu ». Mais cela ne l’empêche pas de se demander comment la pensée laïque peut réellement croire que l’on puisse obtenir des résultats positifs de l’utilisation des préservatifs indépendamment des contextes historiques et sociaux, des modèles de vie et de comportement, et va jusqu’à affirmer que la confiance dans le préservatif « est une profession de foi » granitique.

« La vérité crue des faits auxquels nous assistons actuellement – écrit le démographe – est que la reproduction sexuelle en Occident ne résiste pas au choc que représente le manque de responsabilité de l’homme occidental face à la perspective du couple, de la famille et des enfants ». En effet, toute solution alternative au mariage, aujourd’hui en forte augmentation, comporte toujours une prise de responsabilité moindre que celle qu’implique le mariage. Car on ne peut nier aujourd’hui que « la famille n’est pas à la mode, elle est manifestement en difficulté, elle titube », au point que « toutes les solutions qui s’en éloignent semblent lui être préférables », écrit encore Roberto Volpi.

De ce livre d’analyse de la réalité contemporaine riche de réflexions nouvelles et courageuses apparaît surtout une évidence: les utopies obscurcissent la compréhension de la réalité plus que l’appartenance religieuse, et des phénomènes sociaux complexes comme la chute des naissances ne peuvent être résolus de façon banale par des politiques d’Etat, mais doivent être examinées dans toute leur complexité culturelle.

  Lucetta Scaraffia
17 octobre 2012

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