L'immigration constitue-t-elle un raz de marée susceptible de nous ruiner ? (03/12/2012)
Pax Christi propose une analyse de l'immigration qui va à l'encontre d'un certain nombre d'idées reçues.
L’immigration, un raz de marée démographique qui va nous ruiner ?
Parler de l’étranger, c’est réveiller toutes les peurs qui sont tapies au plus profond de nous-mêmes. Tous, nous sommes angoissés ; angoissés d’être impuissant face à l’autre, angoissés de voir notre territoire menacé, de voir nos repères bouleversés. Aujourd’hui, cette angoisse a submergé le débat public au point de le déconnecter de tout sens des réalités.
La Belgique est envahie par les étrangers
Un étranger est une personne qui ne dispose pas de la nationalité belge. En Belgique, en 2010, une personne sur dix serait étrangère en Belgique mais, contrairement à l’opinion largement répandue selon laquelle la majorité de ces étrangers seraient issus d’Afrique ou du pourtour méditerranéen, 2/3 d’entre eux sont des ressortissants d’autres pays européens. Les Italiens, les Français et les Hollandais forment ainsi à eux seuls quasiment 50% du total des étrangers établis en Belgique.
Nombre d’étrangers en Belgique en 2008 par régions[2]
|
Population totale |
Etrangers UE |
Etrangers hors UE |
Total Etrangers |
Belgique |
10.666.866 |
659.423 = 6,2% |
312.025 = 2,9 % |
971.448 = 9,1 % |
Bruxelles |
1.048.491 |
181.863 = 17,3% |
113.180 = 10,8% |
295.043 = 28,1% |
Wallonie |
3.456.775 |
252.089 = 7,3% |
69.942 = 2% |
322.035 = 9,3% |
Flandre |
6.161.600 |
225.471 = 3,7% |
128.889 = 2% |
354.370 = 5,7 % |
Officiellement, le gouvernement belge a stoppé l’immigration extra-européenne en 1974. Depuis cette date, l’accès au territoire belge n’est autorisé que dans le cadre du regroupement familial et pour les travailleurs hautement qualifiés et pour les demandeurs d’asile.
Les ressortissants européens, quant à eux, ont le droit de s’installer en Belgique comme ils l’entendent. Le Traité de l’Union européenne leur garanti en effet la libre circulation sur l’ensemble du territoire de l’Union.
Dire que la Belgique est envahie d’étrangers, qui plus est d’origine africaine ou méditerranéenne, est donc largement exagéré. À l’exception notoire de Bruxelles, les étrangers extra-européens ne forment que 2% de la population Belge, un chiffre bien trop faible pour justifier un quelconque fantasme.
On entre trop facilement en Belgique
Comme mentionné plus haut, le Traité de l’Union européenne garantit aux ressortissants européens la liberté de circulation. Il n’en est pas de même pour les ressortissants de pays tiers. Les migrants extra-européens peuvent cependant obtenir un permis de séjour en Belgique. Ils peuvent invoquer plusieurs raisons pour cela[3]. 44% d’entre eux arrivent en Belgique grâce au regroupement familial, 15 % parce qu’ils sont inscrits dans un établissement d’enseignement en Belgique et 15% parce qu’ils ont décroché un emploi en Belgique. Les 26 % restants arrivent en Belgique pour des raisons diverses dont fait partie l’asile.
Le regroupement familial constitue donc la principale forme d’émigration en Belgique. Ces permis de séjour sont délivrés en majorité à des ressortissants issus d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient ou d’Afrique centrale. À nouveau, les chiffres du regroupement familial sont loin du fantasme du raz-de-marée. 80% des regroupés vivent en couple et la majorité d’entre eux ont déjà des enfants.
Evolution du regroupement familial[4]
|
Nombres de personnes regroupées |
2001 |
1.445 |
2002 |
1.726 |
2003 |
2.374 |
2004 |
N/C |
2005 |
3.753 |
Dans le cas où un étranger s’installe en Belgique pour des raisons de formation ou parce qu’il a décroché un emploi chez nous, c’est à l’institution de formation ou à l’employeur de fournir les preuves de cette occupation pour que l’étranger puisse accéder au territoire.
Existe en dehors de ces trois groupes une quatrième catégorie d’étrangers pouvant obtenir le droit de résider sur notre territoire. Ce sont les demandeurs d’asile. Le droit d’asile découle de la Convention de Genève que la Belgique a signée à l’instar des autres pays de l’ONU. Il vise à accorder la protection à des personnes qui fuient leur pays parce qu’elles sont persécutées en raison de leur origine, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social, de leurs opinions politiques, etc. Ces personnes dont la vie est mise en danger cherchent refuge dans un autre pays et leur demande une protection temporaire.
Pour obtenir ce droit, il faut pouvoir prouver la persécution dont on fait l’objet, ce qui n’est pas toujours facile pour des personnes qui ont parfois du fuir dans l’urgence leur domicile. La procédure administrative imposée par l’Etat belge aux demandeurs d’asile est longue, difficile et aboutit souvent à un refus.
Si leur demande est refusée, les demandeurs d’asile qui refusent de partir sont incarcérés avec des clandestins appréhendés dans un centre fermé jusqu’à leur expulsion dans leur pays d’origine (ou parfois dans un pays qui n’est pas le leur). Il y a 5 centres fermés (Melsbroeck et Steenokkerzeel près Zaventem, 2 dans l’aéroport même, Bruges, Merksplas et Vottem) [5].
Évolution des demandes d’asile en Belgique[6]
|
Nombre de demandes |
Demandes acceptés |
2005 |
15.957 |
1.353 |
2006 |
11.587 |
1.151 |
2007 |
11.115 |
985 |
2008 |
12.252 |
2.143 |
2009 |
17.186 |
1.889 |
2010 |
19.941 |
2.107 |
2011 |
25.479 |
2.857 |
Tous les étrangers n’introduisent pas une demande d’asile ou n’immigrent pas légalement. Certains restent dans la clandestinité, c’est-à-dire qu’ils s’installent sur le territoire sans autorisation (parce qu’ils ignorent la procédure à suivre, parce qu’ils n’ont pas les «bons» papiers, parce qu’on leur a déjà refusé l’asile, etc.). Ces personnes (hommes, femmes et enfants) qui n’ont droit à rien, ni chômage, ni CPAS, ni soins de santé, ni scolarité, vivent dans la peur permanente d’être découverts et expulsés.
Il est impossible d’évaluer le nombre de clandestins, puisque ces personnes ne sont répertoriées nulle part. Cependant, des estimations existent pour l’Europe des 15. Ces estimations ramènent l’immigration clandestine à ce qu’elle est, un phénomène restreint au regard de la taille de la population de l’Union européenne.
Evolution du nombre d’illégaux de l’Europe des 15[7]
|
Nombre d’illégaux (en millions) |
Pourcentage de la population |
||
Minimum |
Maximum |
Minimum |
Maximum |
|
2002 |
3,1 |
5,3 |
0,8 |
1,4 |
2005 |
2,2 |
4,8 |
0,58 |
1,23 |
2008 |
1,8 |
3,3 |
0,46 |
0,83 |
Les étrangers nous coûtent cher
En Belgique, le taux de chômage des étrangers est plus élèves que celui des autochtones. Il ne manque pas d'explications pour justifier ces différences: manque de formation des étrangers, difficultés d’adaptation, en particulier chez les demandeurs d’asile, qui souffrent de leur handicap linguistiques, discriminations dont ils sont l’objet sur le marché du travail, etc. « Enfin, la présence des étrangers dans les secteurs les plus cycliques de l'économie comme la construction, les mines ou l'industrie manufacturière peut également expliquer les taux de chômage plus élevé car l'emploi dans ces secteurs diminue davantage en période de récession. Les travailleurs qui y sont actifs sont donc plus vulnérables. Ceci illustre bien le rôle de «soupape» que peuvent jouer les travailleurs immigrés dans les pays industrialisés. Lorsque l'expansion ralentit et que l'emploi diminue, ce sont eux qui en font les premiers le frais, protégeant d'une certaine manière la population locale. Et lorsque la croissance est forte, la main-d'oeuvre étrangère y apporte son concours en occupant les emplois vacants. [8]»
Dans tous les cas de figure, l’impact des étrangers sur le taux de chômage global est relativement faible. En Belgique, alors que la population étrangère s’élève à 10% de la population totale et que le taux de chômage y soit deux fois plus élevés, les étrangers ne font grimper le taux que de 1%.
Taux de chômage des Belges et étrangers (2002-2003)[9]
|
Hommes |
Femmes |
Total |
Autochtones |
6% |
7% |
7% |
Naturalisés |
15% |
16% |
16% |
Ressortissants UE |
10% |
14% |
12% |
Turcs/Marocains |
36% |
47% |
38% |
Autres ressortiss. hors UE |
26% |
33% |
29% |
Contrairement à l’idée largement répandue, le bilan de la présence des immigrés est très positif financièrement pour l’Etat. Ne disposant pas de données pour la Belgique, nous analyserons la situation française dont on peut supposer qu’elle soit globalement similaire à celle de la Belgique. En 2011, les Parlementaires français ont publié un audit exhaustif sur la politique d’immigration, d’intégration et de codéveloppement qui balaient les mythes largement popularisés par l’extrême droite. Il en ressort que les étrangers rapportaient en 2009 12 milliards d’euros à la trésorerie française.
Bilan des dépenses et recettes liées aux étrangers en France en 2009[10]
Dépenses |
Recettes |
2 milliards d’euros de RMI 2,5 milliards d’euros d’aide au logement 4 milliards de dépenses liées à l’éducation 5 milliards d’allocations de chômage 7 milliards d’allocations familiales 11,5 milliards de frais de santé 16 milliards de retraire |
3 milliards d’impôts sur le patrimoine 3 milliards d’impôts locaux 3,5 milliards d’impôts sur le revenu 18 milliards de taxes sur la consommation 32,4 milliards de cotisations sociales
|
Total des dépenses = 48 milliards d’euros |
Total des recettes = 60 milliards d’euros |
Quant aux immigrants illégaux, ils rapportent également aux caisses de l’Etat puisqu’ils paient la TVA et, s’ils travaillent, impôts et cotisations sociales. Ils rapporteraient cependant beaucoup plus s’ils disposaient de titres de séjour. À ce propos, des chercheurs britanniques ont calculé que la régularisation massive des sans-papiers qui s’est faite en 2009 en Grande-Bretagne avait rapporté aux caisses de l’Etat 4,6 milliards d’euros[11].
______________________________
[1] Enquête IPSOS réalisée en juin 2011 et mentionnée par le Vif (http://www.levif.be/info/actualite/belgique/immigration-72-des-belges-la-jugent-negative/article-1195096673663.htm)
[3] Lodewyckx I., Wets J., Le regroupement familial en Belgique : les chiffres derrière le mythe, Fondation Roi Baudouin, Bruxelles, 2011
[7] Morehouse C., Blomfield M., Irregular immigration in Europe, Transatlantic council on migration, Washington, 2011
15:38 | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | |
Imprimer |
Commentaires
Pax Christi enfonce des portes ouvertes. Tout le monde, enfin , le monde qui s'informe, sait que la majorité des étrangers sont originaires des pays limitrophes. Ce qui est dangereux et insupportable ce n'est pas tant le nombre des étrangers que leur insistance à vouloir importer leurs modes de vie et la complicité des autorités bien-pensantes à leur accorder tant de facilités sous prétexte de "droits de l'homme".
Par contre, et l'article le dit, sans le souligner, le danger vient aussi des illégaux qui, par définition, sont indénombrables.
Quant à comparer les revenus générés par la présence des étrangers aux dépenses en leur faveur c'est de la malhonnêteté intellectuelle: ce ne sont pas les mêmes qui paient des impôts et des cotisations sociales (voire un impôt sur la fortune en France) et qui coûtent en matière d'allocations sociales. Quand la proportion des "riches" étrangers issus de l'UE et des pauvres issus d'Afrique s'inversera...
D'autre part, tous les démographes honnêtes s'accordent à affirmer que les enfants sont la richesse d'une nation et il faut bien reconnaître que ce sont les étrangers issus de l'immigration "économique" qui font des enfants et pas les Belges de souche.
Écrit par : gisbald | 03/12/2012
Nous vivons au siècle de l'informatique.
Je trouve bizare que l'on est réduit, en fin 2012, à un tableau de données(2) datant de 2008.
Je croyais que "l'expulsion" était réservée aux condamnés en justice, au lieu de "renvoi" pour les autres.
Où faut-il classer les citoyens, qui reçoivent d'un tribunal l'injonction de quitter le territoire endéans les 48 heures et qui sont toujours là ?
Écrit par : Chapeau | 04/12/2012