Quand Denis Tillinac pourfend la "branchitude" (12/01/2013)

Misère de la "branchitude"

La gauche française commet une vilenie en prétendant légaliser le mariage entre adultes du même sexe. Les civilisations répertoriées depuis la nuit des temps historiques ont régi diversement les liens noués par la femme et l’homme en vue d’assurer leur postérité ; aucune n’a nié, minoré ou escamoté l’altérité la plus essentielle, celle du genre. Aucune n’a confondu phallus et utérus dans la mise en scène de ses rites de fécondité. Aucune, fût-elle à son agonie, n’a songé à parodier le mariage, hors la nôtre dans le temps limité et codifié des carnavals. Aucun historien n’a repéré parmi la gent homosexuelle ou lesbienne la moindre exigence d’un statut légal de ses préférences affectives ou charnelles. Même en Occident où jusqu’à une époque récente, les homos les plus ostentatoires se targuaient de leur "irrégularité". Jean Genet n’eût pas toléré qu’on l’enrôlât dans cette "communauté", dont la fraction ultra, subventionnée par le contribuable, a tétanisé les partis de gauche. Quant aux militantes du MLF de la haute époque, elles en rajoutaient plutôt sur ce qui distingue en profondeur le désir et l’imaginaire des nanas et des mecs, l’animus de l’anima.

La plupart des homos rasent les murs les jours de Gay Pride : ils refusent d’être encagés dans un ghetto qui les humilie et n’ont cure de passer devant un maire barré des trois couleurs, en une époque où l’institution du mariage civil a du plomb dans l’aile. Le mariage religieux aussi, pour d’autres raisons. Ou les mêmes s’il est vrai que l’état présent de nos mœurs résulte d’une déchristianisation au long cours. Autre débat.

Les homos "normaux" sont pris en otages, à l’instar de ce président "normal" acculé à défendre un "mariage pour tous" dont il se fiche éperdument. L’opinion, dit-on, y serait favorable. Voire. Une vulgate faussement compassionnelle l’a intoxiquée en lui décrivant une "avancée sociale" sympa que seuls contesteraient des bigots ou des machos. Mais dans le secret des consciences, on prend cette mesure pour ce qu’elle est : le symptôme d’un désordre mental et moral sans précédent repérable depuis la débâcle de juin 1940. Le mot décadence s’impose pour définir cette idéologie du nivellement par la primauté de l’ego qui refuse d’encadrer les pulsions, d’ordonner les sentiments, de hiérarchiser les aspirations et de situer les marges en référence à une norme. Le rap et Mozart, le tag et Vermeer, le graffiti et Proust, le prochain et le semblable, le couple et la paire, l’hétéro, l’homo, le bi, le trans : du pareil au même. Sinon on "discrimine". Seul distinguo tolérable : le branché et le ringard. Les branchés plébiscitent le "mariage pour tous". Ils sont dans l’air du temps comme les socialistes espagnols. On oublie qu’il y a loin de l’Espagne du Siècle d’or à celle qui a dilapidé le fric européen. On oublie en outre que Zapatero a payé sa "branchitude" dans les urnes. Les socialistes français la payeront : une tirelire peut pardonner une politique économique foireuse ; une conscience ne pardonne jamais ce qui l’a blessée dans ses ressorts intimes. Tel est le cas.

Rien de plus misérable que l’argument de l’air du temps. Dans l’Allemagne des années 1930, il incitait les masses à persécuter les juifs. Devait-on s’y soumettre ? Dans la France actuelle, c’est la vulgarité médiatique qui le ventile avec la complicité servile des politiciens. Doit-on les suivre ? En quoi ces gens-là sont-ils légitimes, s’agissant d’un fantasme éradicateur qui, outre les fidèles des trois confessions du Livre – juifs, chrétiens, musulmans –, offusque des psychanalystes, des pédiatres, des juristes, des anthropologues, des philosophes ?

Dimanche prochain à Paris, une manif dénoncera cet avatar du nihilisme bobo qui outrage la raison et promet à terme l’avènement d’une barbarie de l’indifférencié. Aussi peu friand que l’on soit de défilés et de slogans, il ne faut pas se défausser, c’est un dû élémentaire à nos ancêtres, à notre postérité, à la mémoire de ce vieux pays qui ne méritait pas ça. Puissent des électeurs de gauche et des homos de bon sens y participer ! Car la gauche française aussi se doit à sa mémoire : ses figures tutélaires ne reconnaîtraient pas leurs valeurs dans cette absurde confusion de l’égalité et de l’équivalence. Du Même et de l’Autre. De la femme et de l’homme.

Paru dans Valeurs actuelles, 10 janvier 2013 - Via Magistro

09:49 | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | |  Imprimer |