Papabile : jeu et enjeu (11/02/2013)

Les Odon Vallet,  Christian Terras et autres bookmakers de la cathosphère s’en donnent déjà à qui mieux mieux sur le nom du successeur de Benoît XVI. « Qui entre pape au conclave en ressort cardinal » dit-on souvent  : mais pas toujours. Papabile ultra célèbre : le cardinal Pacelli est entré "pape" et il est sorti "pape". Autre cas connu de tous : le cardinal Montini en 1963 devenu Paul VI, mais comme l’observe le professeur Perrin (faculté de théologie catholique de Strasbourg) sur le « Forum Catholique » avant de poursuivre en des termes bien sévères sur une des problématiques qui empoisonnent l’Eglise depuis près de cinquante ans :

« Plus fréquente est une certaine indécision initiale entre quelques candidats : par exemple, ce fut le cas en 2005, l'élu était sur les listes mais on ne savait pas s'il pouvait avoir une majorité du fait de quelques autres "challengers" de poids. Ou le recours à l'outsider parmi les papabli de 2è rang comme ce fut le cas avec Jean-Paul II en 1978 quand la division sur les cardinaux de 1er rang est trop forte. Nous verrons bien ce que le Saint-Esprit et la faiblesse ou la ruse cardinalices concocteront dans les cuisines du conclave.

Ce qui est clair, c'est que Benoît XVI a choisi de ne pas choisir : les nominations qu'il a faites sont "neutres" ; les lignes de force du Sacré Collège n'ont pas bougé depuis 2005, des semi-libéraux ont remplacé les semi-libéraux, des wojtyliens multicartes (ex. le cardinal Schönborn à géométrie si variable qui les représentent bien), des ratzinguériens sont arrivés mais pas en nombre vraiment significatif, les semi-tradis étaient rares en 2005, ils le sont restés depuis. La petite prédominance européenne demeure : il n'y a pas eu de redistribution non plus de ce côté-là.

«  La seule crainte qu'on puisse avoir après un pontificat court, bien trop court et sans action décisive au final sur aucun des dossiers entrouverts, c'est que la tendance woytilienne-montinienne à laquelle Benoît XVI a globalement cédé de plus en plus après 2009 - renoncement à toute action sur la liturgie - et complètement en 2012 - renoncement à réconcilier la F.S.S.P.X et nominations en rapport - ne nous donne une sorte de Paul VII du XXIe siècle aussi shakespearien que son modèle.

«  Globalement Benoît XVI s'est éloigné du cardinal Ratzinger peu à peu et c'est bien dommage : il part en donnant la fausse impression que la voie ratzinguérienne qu'il n'a de fait pas vraiment suivi aurait échoué et ouvre un boulevard à un retour au réformisme suicidaire des années 1960 et 1970.
C'était clairement le voeu d'un Ph. Levillain et de Jean-Pierre Denis sur France Inter. La satisfaction à peine contenue, sorte de divine surprise, de Mgr Podvin était sensible à l'oreille à travers les propos convenus. On se retient à peine de faire sonner les cloches de Notre-Dame si j'ai bien entendu mais pas en mode funèbre plutôt comme en 1918 et 1944-1945 » Réf.
pas toujours

Et sur cette même  problématique, qui a usé bien des efforts du pape aujourd’hui renonçant, le professeur Perrin poursuit ailleurs :

 « Le pape se retire semble-t-il dans un monastère où il priera et étudiera, le temps qu'il lui reste qui pourrait être court (mais ?) : certains notent qu'il a annoncé sa décision révolutionnaire, disons le mot, le jour où l'Église célèbre les malades.

Maintenant, soyons honnête et tâchons de voir les apports importants de ce pontificat court : j'irai jusqu'à dire - au risque de faire hurler - qu'ils sont très faibles, à peine visibles à l'échelle de l'histoire contemporaine de l'Église alors qu'un Jean XXIII en 5 ans aura fait davantage. Le chapitre Benoît XVI sera très mince dans la prochaine histoire des papes contemporains ... et il s'amincira avec le temps.

Les 2 actes majeurs sont :

 a) l'allocution à la Curie du 22 décembre 2005 mais que le Pontife n'est pas parvenu à traduire en actes et a au moins imposé comme référence dans les débats ecclésiaux, référence mais pas décisive justement

b) le motu proprio Summorum Pontificum de 2007 est le second acte majeur.

MAIS le pape en a de lui-même - via le cardinal Levada et Mgr Pozzo - restreint la portée avec l'Instruction mi chèvre mi chou de 2011 et avec le double recul sur la formation des clercs à la Forme extraordinaire et l'ordination de prêtres diocésains. Surtout qui est au final concerné par ce texte ? 200 000/500 000 catholiques sur plus d'un ... milliard. Soit dans le meilleur des cas 0,0005 % - si mon calcul est juste - du total des fidèles dans le monde. Peanuts. Je ne néglige pas le côté symbolique et la portée à long terme de cette mesure mais l'Instruction de 2011 a déjà montré que sa pérennité n'est pas aussi assurée que vous ne semblez le croire. Il sera assez facile à une Curie de type montinienne de vider de son contenu le motu proprio, à la manière dont Louis XIV avait amoindri l'édit de Nantes au point de le supprimer en 1685. Une nouvelle Instruction y suffira ».

Référence : utile, juste oui, décisive en quoi ?

A verser au dossier, mais l’avenir de l’Eglise tourne-t-il  tout entier autour des chapelles intégristes ou traditionalistes ? 

19:48 | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |