Mise au point ce dimanche sur RTBF-Télé : fin aréopage pour commenter la démission de Benoît XVI (17/02/2013)

Le débat télévisé « Mise au Point » de ce dimanche 17 février 2013 réunissait sur le plateau de la RTBF : Mgr Guy Harpigny, évêque de Tournai ; Gabriel Ringlet, prêtre et ex-vice recteur de l'UCL ; Pierre Galand, président du Centre d'action laïque ; Rik Torfs, sénateur Cd&V et professeur de droit canon ; Tommy Scholtès, s.j., responsable de presse et de communication de la Conférence épiscopale belge ; Anne Morelli, directrice du centre de l'histoire des religions à l’ULB ; Benoît Wailliez, supérieur de la Fraternité Saint-Pie X (district de Belgique) ; Myriam Tonus, tertiaire dominicaine féministe et professeur de religionLa RTBF en rend compte :

« Pourquoi Benoît XVI se retire-t-il ? Parce qu’il a constaté les grands changements culturels, explique Mgr Guy Harpigny, évêque de Tournai: "Il n’avait plus la force pour tenir le coup. Il a pris la bonne décision". Une analyse que ne partage pas Christian Terras, rédacteur en chef de la revue Golias pour qui le pape a voulu faire une sortie moderne. "C’est une aveu d’impuissance face à un monde qui bouge. Il sait qu'il ne peut pas inverser le cours des choses ni faire la réforme nécessaire de l’Eglise et cela met le doigt sur l’incurie de la curie romaine". Tommy Scholtèsattaché de presse des évêques de Belgique pense que l’épisode Vatileaks et les tensions graves au sein de l’Eglise ont eu un impact sur sa décision. 

Gabriel Ringlet, prêtre et ex-vice-recteur de l'UCL voit dans cette démission une rupture avec le ‘faux sacré’ : "Le pape dit qu'il est faillible et qu'on ne pourra plus jamais gouverner de la même manière. Il vient ainsi de lancer une bombe dans le Vatican. Car l’église connaîtra une crise encore plus profonde si elle ne repense pas sa gouvernance. Ce sera le chantier du nouveau pape".

Anne Morelli, spécialiste de l’histoire des religions, s’étonne pour sa part que l’on salue aujourd’hui la décision du pape de démissionner, comme on avait salué de la même manière celle de Jean-Paul II, de rester à son poste jusqu’à la mort.

Une phrase de la Dominicaine et professeur de religion, Myriam Tonus résume la situation: "Pour la première fois, le pape fait ce qu'il demande aux évêques. Il sépare sa fonction de ce qu'il est ".

L’image de Benoît XVI, côté pile et côté face

Conservateur? Dogmatique? Réformateur? Pragmatique? Chacun a sa propre théorie sur la véritable nature du pape démissionnaire. Pour Benoît Wailliez de la Fraternité Saint-Pie X, il a pu réintroduire un peu de tradition après les messes qualifiées de "Woodstock" de Jean-Paul II. "Depuis Vatican nous avions une liturgie plate et horizontale, mais lui aussi a participé à Vatican II et là, nous ne sommes pas d’accord."

Pour Pierre Galand, président du Centre d'action laïque, Benoît XVI était "un dogmatique absolu" opposé à l’avortement, aux préservatifs et à euthanasie. "Il était réactionnaire. Avec lui, l'Église a pris un ordre de marche très intégriste."

Rik Torfs, sénateur et professeur de droit canon appelle à un plus grand sens de la relativité: "À vous entendre, l’église est une dictature où l’on dit ce qu'on veut et Benoît XVI pape serait le plus brillant de tous, mais n’oublions pas Paul VI qui était un grand intellectuel". 

L’Eglise au cœur d’une crise

Christian Terras attribue la situation de l’Eglise a son manque de collégialité. "La structure pyramidale est très sclérosée et le fait de ne pas accepter le mariage des prêtres pose problème. Les structures intermédiaires sont très limitées par la hiérarchie qui base le ministère sur les seuls prêtres alors que des laïcs -hommes et femmes- pourraient être mieux  en phase avec les enjeux de la modernité". Il est rejoint par Gabriel Ringlet, pour qui l’avenir de l’Eglise est dans "les petites communautés dynamique, ouvertes aux débat sur les grandes questions éthiques. La hiérarchie peut avoir un point de vue sur l’euthanasie. Je lui reproche de ne pas le mettre en débat".

La Dominicaine Myriam Tonus vient pourtant à l’aide de sa hiérarchie : "Je ne vis pas dans une dictature, je dis ce que je pense sans jamais subir les foudres de mon évêque. J’ai écrit un livre sur les discours tenus sur les femmes dans l’Eglise et je n’ai reçu aucune réaction."

Le principal reproche que formule Pierre Galand à l’Eglise catholique est qu’elle fait tout pour éviter les avancées scientifiques. "Beaucoup de Belges ne sont pas croyants et l’Eglise veut imposer la loi au nom de sa foi et cela est un problème. L’église est devenue doctrinale".

Il reproche au passage aux médias de jouer un rôle pervers : "Comme pour la Reine d’Angleterre, cela prend beaucoup trop de place dans l’actualité".

L’église prisonnière des intégristes ?

Pour Christian Terras, le pape a eu peur de ses propres audaces : "Il était progressiste dans les années ’60 mais lorsqu'il a été chargé du problème de la pédophilie dès 1980, il a toujours mis l’intérêt supérieur de l’Eglise en avant". L’évocation du prête britannique Williamson, qui avait mis en doute l’existence des camps de concentration crée la tension sur le plateau: "Les intégristes aujourd'hui ont leur véritable visage" déclare Gabriel Ringlet, provoquant la réaction de l’abbé Benoît Waillez de la fraternité Saint-Pie X : "Williamson était un membre sur 550. Il a été exclu de notre fraternité". Christian Terras retient pourtant que le pape a tendu la main aux intégristes mais a condamné 1000 théologiens qui demandaient une remise à plat de tous les grands sujets d’actualité. Tommy Scholtès explique cette main tendue aux traditionalistes par son désir d’éviter une cassure au sein de l’Eglise: "Mais cela n’a pas encore porté ses fruits."

Pour Anne Morelli, le bilan de Benoît XVI est ironiquement positif: "Avec ce pape, les églises se sont encore davantage vidées que sous Jean-Paul II".

Au contraire, Rik Torfs se dit confiant quant à l’avenir de l’Eglise, même si elle a aujourd’hui perdu la capacité de s’adapter. "Mais il lui faut un changement de cap sérieux et un débat intellectuel au niveau européen pour acquérir de la crédibilité".

Qui sera le prochain pape?

Les discussions les plus importantes se dérouleront avant le conclave, lorsque toutes les grandes questions éthiques seront mises sur le tapis. "Et de ces discussions émergera une thématique", prédit Tommy Scholtès. Ce qui permettra d’identifier deux ou trois candidats possibles. Christian Terras dit ne pas croire dans ce monde de bisousnours et parle plutôt des lobbies qui tentent de placer leur candidats. Anne Morelli évoque une sorte de "monarchie limitée à ceux qui ont un zizi", tandis que Gabriel Ringlet propose la candidature du frère Bruno Cadoré, médecin spécialiste de la bioéthique qui, selon lui, ferait changer l’Eglise. Les paris sont ouverts.

Jean-Claude Verset

Le ton qui fait la chanson : Par sa démission, "Benoît XVI a placé une bombe au sein de l'Eglise

Fine « équipe» pour un débat aussi médiocre que celui des émissions réalisées à l’occasion de la mort de Jean-Paul II et de l’élection de Benoît XVI, voici sept ans déjà, ou plutôt à peine.  Et nihil novi sub sole : on prend les mêmes, ou leurs équivalents, et on recommence le même cinéma.

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