La transmission : un enjeu déterminant du prochain pontificat (08/03/2013)
Une des constantes du pontificat de Benoît XVI a été son souci de restaurer la transmission. L’Année de la Foi et le dernier synode réuni à Rome en témoignent. Comment, en effet, ne pas être frappé par la déchristianisation qui a fait de l’Europe un véritable désert spirituel en l’espace d’une cinquantaine d’années. Comment ne pas être interpellé par l’effondrement généralisé de la pratique religieuse, des vocations et des différentes formes d’engagement au service de l’Eglise ? En réfléchissant sur l’histoire des religions, on peut constater que la transmission et la prise de relais par les générations suivantes (notamment lors de cérémonies d’initiation) jouent un rôle primordial sans lequel aucune continuité ne peut exister. Or, il faut bien constater que les formes traditionnelles de transmission ont quasiment disparu de façon cruciale en Europe occidentale tout particulièrement.
Si on réfléchit sur ce qui nous conduit à nous définir comme catholiques dans notre histoire personnelle, on est toujours amené à faire référence à des transmetteurs, personnes ou institutions. Les aînés ont pu encore bénéficier de tout cela qui était alors assuré tour à tour par les enseignants des écoles catholiques, le clergé paroissial, les mouvements de jeunesse et associatifs, et bien évidemment par la famille dont le rôle est irremplaçable. Certains "outils" permettaient à la transmission de bénéficier de supports solides et cohérents parmi lesquels le catéchisme appris par cœur était peut-être l’élément le plus important, mais d’autres aussi comme les bibles en images, par exemple, qui fixaient dans l’imaginaire des évocations qui avaient valeur de repères. Tout cela était « mobilisé » pour préparer l’enfant à franchir le seuil entre l’enfance et l’adolescence et aller vers la vie d’adulte où il prendrait progressivement un relais actif qui le ferait transmetteur à son tour. Les cérémonies de la communion solennelle et de la confirmation, tout comme les promesses formulées dans les mouvements de jeunesse tenaient lieu de « rites d’initiation », actaient la réception du contenu transmis et se révélaient ainsi déterminants dans l’élaboration de l’identité des jeunes croyants. Toute une littérature venait à la rescousse pour étoffer la vie de foi naissante en proposant des modèles auxquels le jeune pouvait s’identifier ; il n’y a qu’à évoquer les collections de vies de saints en images, la bande dessinée d’inspiration chrétienne (le « Don Bosco » de Jijé !), des romans comme les livres du Signe de Piste, etc.
Les années 60-70 ont constitué un moment de changement radical dans la mentalité occidentale, marquées par le développement fulgurant de la société de consommation et du matérialisme qui l’accompagne immanquablement, mais aussi par une volonté d’innovation et de rupture dont Vatican II pour l’Eglise et Mai 68 pour la société apparaissent comme les moments phares. Tandis qu’une frénésie de réformes s’emparait des responsables de l’éducation, les conduisant à renoncer aux formes traditionnelles de la transmission, une « culture jeune » complètement étrangère à des préoccupations religieuses occupait progressivement le terrain conduisant les nouvelles générations à vivre dans un univers de plus en plus imperméable à la transcendance.
A tort ou à raison, dans le ressenti collectif des croyants, le Concile est apparu comme une impulsion qui légitimait toutes les remises en question et toutes les prises de distance à l’égard des modes de transmission traditionnels. Il suffit de constater ce qui en est advenu dans les familles, les paroisses, les écoles et les mouvements de jeunesse catholiques. Remarquons que cette « panne de transmission » ne touche pas seulement l’Eglise et la foi mais s’inscrit dans un contexte de crise généralisée de la transmission dans la culture occidentale. Il suffit d’évoquer le monde de l’enseignement où, à côté d’exigences de plus en plus fortes pour les savoirs scientifiques et techniques, l’héritage culturel (histoire, littérature, langues anciennes, arts…) fait les frais de réformes inconsidérées.
Au milieu de ce naufrage religieux – mais aussi culturel -, l’enseignement de Benoît XVI apparaît comme un effort incessant pour retisser les fils brisés de la transmission, notamment lorsqu’il s’est employé à resituer le dernier concile dans la ligne de la tradition continue de l’Eglise, tout en travaillant à réconcilier avec l’Eglise des groupes plus attachés à cette tradition. Espérons que son successeur sera tout aussi attentif à cette préoccupation et saura poursuivre dans cette direction.
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Commentaires
Les société occidentales, et occidentalisées, valorisent en effet la non transmission de l'héritage de leurs ancêtres. Mais pas seulement dans le domaine religieux, dans tous les domaines d'activité.
C'est comme si tout ce qu'avaient patiemment construit et élaboré nos ancêtres devait être mis au rebut, et remplacé par du 'moderne', du 'neuf', qui serait nécessairement 'mieux', qui serait nécessairement un 'progrès'. D'ailleurs, toute la société de consommation, avec le matraquage publicitaire qui l'accompagne, est basée sur ce modernisme, qui peut être aussi appelé effet de mode ou effet du nouveau modèle. Il faut jeter ce qui n'est plus à la mode, il faut jeter ce qui a été remplacé par un nouveau modèle. Même les 'jeunes' se prennent aujourd'hui à marcher sur la tête de leurs 'vieux', à ne plus les respecter, car ils seraient plus 'modernes' qu'eux.
Cette frénésie du moderne, du jetable, de la mode, du nouveau modèle, a été poussée à son paroxysme aussi bien par l'idéologie capitaliste que par l'idéologie communiste (voir les révolutions des petits gardes rouges maoïstes et de mai 68). Bref, par toutes les idéologies matérialistes, qui exaltent la possession de biens matériels, et donc la vénération de l'argent (le capital, le veau d'or) donnant accès aux biens matériels. Ces idéologies matérialistes exaltent donc la dimension matérielle de l'homme, en nient par conséquent sa dimension spirituelle.
Même ceux que l'on appelle les modernistes (ou progressistes) dans l'Église ont succombé à ces sirènes de l'effet de mode ou du nouveau modèle, pour se sentir en phase avec ce monde matérialiste. Ils en viennent à croire que le salut ne peut se trouver que dans la mise au rebut de ce que nous ont légué nos ancêtres, et dans la mise sur le marché religieux de nouveaux modèles, qui seront définis par des études marketing et des sondages d'opinion. Un peu comme si le côté spirituel de l'homme pouvait être ramené à son côté purement matériel. Comme si l'être humain pouvait être géré comme un objet de consommation, selon de prétendues lois du marché qui seraient plus puissantes que les lois divines.
Ce modernisme est en fait un serpent qui se mord la queue. Car l'objet moderne se définit lui-même aujourd'hui en fonction de sa vitesse de mise au rebut, donc de son imperfection. On est d'autant plus moderne qu'on est d'autant plus facilement jetable. Plus vite c'est périmé et mieux c'est. Au point que l'on fabrique du moderne qui ne peut durer, de façon à pouvoir plus rapidement le jeter et racheter du plus moderne que lui. La non transmission ne touche pas que les valeurs spirituelles, elle touche même les biens matériels.
Écrit par : Pauvre Job | 08/03/2013