Jacques Fesch: quand la rédemption conduit sur les chemins de la sainteté (08/04/2013)

 Source: http://pagesfeuilletees.free.fr/chroniques/jfesch.htm

Mardi dernier,  2 avril, France 2 programmait “Histoires en série”, un programme au cours duquel on a pu voir différents parcours, souvent difficiles, des vies brisées, avec pour thème: “Quand les fantômes du passé bouleversent nos vies”.

Il fut ainsi question, notamment, du fils caché d’un condamné, Gérard, enfant de la DDASS (l’équivalent français de notre Assistance publique de l’époque), devenu professeur de musique et père de famille… lui-même fils d’un homme qui défraya la chronique en France, dans les années 1950: Jacques Fesch. Gérard finira par retrouver les traces de son père biologique, Jacques. Il prendra son nom.

Jacques Fesch naît en 1930, aux environs de Paris, dans une famille bourgeoise. Le père est banquier. Autoritaire, incroyant, à la fois mondain et travailleur, une puissante personnalité qui écrase un peu son fils. La mère beaucoup plus douce gâtera son fils, petit dernier né après trois filles. Les parents ne s’entendent pas et finiront par se séparer.

Jacques a pourtant une enfance normale. C’est un petit garçon sage, qui ne travaille pas beaucoup en classe, mais rien dans sa conduite ne laisse présager le drame futur. Il quittera le lycée à 19 ans, sans avoir passé son bac.

A 16 ans il rencontre Pierrette, une lycéenne de son âge. Ils se marient très jeunes, à 21 ans, et leur fille Véronique naît peu après.

Quelques années plus tard, un ami lui donne l’idée de partir en bateau aux îles Galapagos. Mais son père refuse de financer le projet. La solution qu’il trouve pour passer outre: voler. En février 1954, avec deux complices, il passe à l’acte.

Jacques, pour intimider, a pris un revolver. Le hold-up rate, car les amateurs manquent de sang-froid. Jacques s’enfuit, affolé, et après quelques péripéties, pris de panique il tire sur un agent de police qui veut l’arrêter, il tire au hasard (car il est très myope et il a perdu ses lunettes dans la bagarre).

Mais le hasard fait mal les choses : Jacques atteint l’agent de police en plein cœur et le tue. De plus, il s’agit d’un veuf, père d’une petite fille.

Le voilà en prison. Quelques mois après, sa mère convertie depuis peu lui envoie un livre sur Fatima qui le frappe beaucoup, surtout l’idée qu’on puisse offrir sa vie pour réparer les péchés des hommes. Sa mère mourra d’ailleurs peu après, de cancer et de chagrin.

Autre influence chrétienne : son avocat, Me Baudet, est un chrétien fervent - Jacques Fesch l’appellera « la panthère de Dieu » - dont l’histoire n’est pas banale. Sa petite amie l’ayant quitté, Me Baudet pour oublier décide de voyager et s’embarque sur le premier bateau venu. Il se trouve que c’est un pèlerinage en Israël, et il se convertit avant même de débarquer.

Entre sa mère et son avocat, Jacques commence à réfléchir, et sa conversion arrivera quelques mois après : c’est en apprenant une infidélité de sa femme que dans sa souffrance il rencontre instantanément et définitivement l’amour de Dieu.

Le voilà donc chrétien. Dieu va remplir sa vie, qui avait été bien vide jusque-là. Il s’efforce de faire partager sa foi à ceux qu’il aime, son père, ses sœurs, sa femme, sa belle-mère, mais sa famille est sceptique sur sa conversion, on le soupçonne de chercher simplement une consolation dans la religion. Les seules personnes avec qui il peut vraiment échanger sont Me Baudet son avocat, et un jeune moine de La Pierre-Qui-Vire, frère Thomas, avec qui Jacques entretiendra une longue et magnifique correspondance dont une partie sera publiée en 1972 dans le livre Lumière sur l’échafaud.

C’est en prison qu’il écrit son journal, intitulé: “Dans 5 heures je verrai Jésus”. Dans le milieu carcéral, Jacques parviendra à organiser sa vie. Tous les jours il récite le chapelet, lit la messe du jour, la Bible. Il lit des vies de saints, se documente sur l’enfer, le paradis, la croix, bref il s’entraîne pour sa mort prochaine car il se doute de ce qui l’attend.

Il réfléchit sur sa vie, passée et présente, et cet homme que nous avons vu si mou, si paumé, se montre dans ses deux derniers mois un vaillant soldat qui lutte de toutes ses forces pour se conformer à ce que Dieu attend de lui. Cet ancien cancre écrit avec intelligence, énergie, finesse et clarté, par exemple :

« Chaque âme possède une mesure qui lui est propre, et beaucoup de gens allèguent cette excuse pour ne pas progresser. Il va de soi, comme le dit si joliment la petite sainte Thérèse, que s’il existe des lis et des roses dans le jardin du Bon Dieu, on y trouve aussi des petites fleurs plus humbles », mais, ajoute-t-il, « je pense qu’une fois là-haut, il y aura certainement bon nombre de ces violettes qui s’apercevront qu’elles auraient pu être des lis avec un peu plus de courage. Souvent nous nous arrêtons de progresser parce que nous refusons de tout donner ».

 Il prie pour « que chaque goutte de mon sang serve à effacer un gros péché mortel ». Son ami le frère Thomas lui dit : « Je crois que tu iras tout droit au paradis ».

Jacques Fesch le croit aussi, non par orgueil mais parce qu’il a entière confiance en Dieu. Il accepte sa mort et l’offre au Seigneur. Il passe sa dernière nuit à prier, dans la paix, avec des moments d’angoisse. C’est là que se trouve la phrase qui sert de titre au livre : « Dans cinq heures je verrai Jésus ».

Il écrit jusqu’à la dernière minute, jusqu’au moment où il entend du bruit et où on vient le chercher. C’est très émouvant de le suivre ainsi jusqu’au seuil de la mort. Il meurt comme un saint, guillotiné le 1er octobre 1957, à l’âge de 27 ans, après avoir été condamné à mort.

En 1987 Mgr Lustiger a commencé des démarches pour la béatification de Jacques Fesch, qui est toujours en cours. Pour le Cardinal Lustiger, il n’y a pas de cas désespéré, dans l’optique du christianisme. Il n’existe pas de déchéance irrémédiable. D’où une comparaison, qu’il affectionnait, avec le “bon larron”.

 

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