Egypte : les dhimmis se rebiffent (09/04/2013)

Pour  « La Libre », Vincent Braun a interrogé Christine Chaillot (extraits) :

Après les violences interconfessionnelles meurtrières du week-end dernier, nous avons questionné Christine Chaillot, spécialiste de chrétientés orientales et auteur du livre "Les coptes d’Egypte" (L’Œuvre éditions, 2011). Avec une population estimée entre 6 et 10 millions d’individus, c’est la plus importante communauté chrétienne du Moyen-Orient. Discriminés à tous les étages de la société, les coptes sont régulièrement la cible de violences.

Les troubles entre musulmans et chrétiens coptes sont-ils directement liés à l’islamisation du pouvoir égyptien ?

Il est certain qu’avec un gouvernement et un parlement très majoritairement dominés par les islamistes (Frères musulmans et salafistes), certains salafistes et d’autres groupes radicaux se sentent confortés dans leur idéologie religieuse.(…), tout ce qui n’est pas musulman est impur et doit être éliminé. Il y a un jeu entre le pouvoir politique, gouvernemental, et le peuple qu’on manipule avec ce discours : vous devez être de bons musulmans et voter pour les islamistes. Le plus compliqué, ce sont les mentalités présentes dans une population égyptienne très islamisée.

A chaque fois, il semble qu’il ne faille pas grand-chose pour déclencher ces troubles.

 (…) Dans la réalité égyptienne, le moindre fait divers peut provoquer un incendie interconfessionnel. Et prendre des proportions qui dépassent la logique occidentale. Ces faits divers ont souvent lieu dans des quartiers très populaires où certains chefs religieux musulmans radicaux incitent à la violence et à la haine envers les chrétiens (…).

Si on considère que les non-musulmans comme étant impurs, comment voulez-vous qu’on parle de citoyenneté ? En Egypte, on est dans une logique de plus en plus musulmane, islamisée, et de moins en moins dans une logique occidentalisée, où sont inscrits les concepts de droits de l’homme et de citoyenneté. La nouvelle constitution égyptienne inclut une majorité d’éléments islamisants qui vont permettre d’islamiser davantage la société. Elle reflète cette Egypte de plus en plus islamisée. La minorité qui veut la démocratie, des musulmans et des chrétiens, continue de manifester depuis l’arrivée au pouvoir de Mohamed Morsi pour que la révolution démocratique prenne le dessus.

Les obsèques de dimanche ont vu s’exprimer cette contestation du pouvoir islamiste. On y a vu des slogans anti-Morsi.

Ces slogans anti-Morsi étaient justifiés par le fait que les coptes considèrent qu’ils ne sont pas bien protégés par la police, ce qui était déjà le cas sous Moubarak. Et la nouvelle constitution garantit seulement une liberté de culte. Mais dans un Etat qui se réfère à la charia, on peut vite glisser vers le concept de dhimmitude (protection des peuples soumis par les pouvoirs musulmans d’antan). Mais est-il possible, au XXIe siècle, qu’un pays musulman en revienne à un système de soumission (d’une partie de sa population). Le problème à résoudre, en Egypte, est de savoir comment changer ces mentalités pleines de haine ? Comment faire une éducation aux droits de l’homme et à la citoyenneté (deux concepts importés) dans une société déjà très islamisée ?

Tout l’article ici : Coptes d'Egypte: "Le moindre fait divers peut provoquer un incendie interconfessionnel"

Les chrétiens représentent dix pourcents de la population égyptienne : cette importante minorité historique est l’héritière des autochtones qui n’ont pas apostasié leur foi sous le coup des invasions musulmanes. Elle mérite un statut approprié garanti sur le plan international, au même titre d’ailleurs que toutes les minorités confessionnelles du monde islamique. Un beau sujet de préoccupation pour tous ceux qui font profession de dialogue interreligieux et de promotion des droits de l’homme

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