Y voit-on plus clair dans les projets du pape jésuite ? (28/04/2013)

Marco Burini  (Il Foglio, 28 avril 2013) a interviewé le Cardinal Ruini, ancien Cardinal-Vicaire de Rome et ancien Président de la Conférence épiscopale italienne. Au sein de la Curie romaine, le cardinal Ruini est membre de la Congrégation des évêques, du Conseil pontifical pour les laïcs, de l'Administration du patrimoine du siège apostolique et de la Préfecture pour les affaires économiques du Saint-Siège

Extraits de la traduction publiée par notre consoeur du site « Benoît et moi » :

 -Question :   (…) « Comment peut-on lire le passage entre la renonciation du pape Benoît XVI et l'élection du pape François: s'agit-il vraiment d'une étape historique (transizione epocale)? L'institution de la papauté serait-elle en train de changer, et dans quel sens? »

- Réponse : (…)" La substance de la tâche du successeur de Pierre demeure. Et même, avec l'élection de Bergoglio, la papauté a donné une nouvelle confirmation de son extraordinaire actualité: il suffit de penser à l'appauvrissement que subiraient les capacités communicatives et la mission de l'Église dans le monde d'aujourd'hui s'il n'y avait pas la figure du Pape" (…)

- Q. « Comment interprétez-vous le premier véritable geste politique du Pape François, la nomination d'un groupe de huit cardinaux «pour le conseiller dans le gouvernement de l'Église universelle et pour étudier un projet de révision de la Constitution Apostolique "Pastor Bonus" sur la Curie romaine» (selon le communiqué officiel ) ? A quelle perspective cela peut-il conduire dans le cadre institutionnel ? »

- R. « (…) La réforme de 'Pastor Bonus' (Constitution apostolique promulguée par le pape Jean-Paul II le 28 Juin 1988) me semble très importante et potentiellement utile, bien que je ne sois pas un expert dans ce domaine. Le ligne de fond devrait, à mon avis, être celle-ci: plus de collégialité non pas pour moins de primat mais pour un meilleur exercice du primat. »

- Q « Comment jugez-vous l'absence de ce groupe d'un évêque italien résidentiel: est-ce un signe de plus du redimensionnement de l'Eglise italienne, déjà éprouvée par les Vatileaks? Et le passage de Ratzinger à Bergoglio ne ratifie-t-il pas en réalité la fin de la centralité de l'Église européenne? » 

- R. « Ce sont des bavardages insignifiants.(…) La surprise était là avec Jean-Paul II, qui fut le premier étranger après des siècles, mais avec Ratzinger et maintenant avec Bergoglio, il s'est agi de quelque chose de paisible (…).

- Q. « Pourquoi tant de prêtres sont-ils réduits à être des fonctionnaires plutôt que de prêcher l'Evangile ».

- R. « Je suis d'accord sur la nécessité de concentrer les quelques prêtres que nous avons surtout dans la pastorale».

- Q. « Le fait est que la bonne volonté ne suffit pas, pas même celle du Pape. Il faudrait une réforme institutionnelle ... »

- R. « Je dirais que l'on devrait alléger, y compris numériquement, les structures diocésaines, ainsi que la Curie romaine. Dans ces structures résiste souvent l'idée que la pastorale se fait surtout à travers de grands projets, des congrès, la méthodologie. En réalité, ce sont des questions secondaires, qui produisent peu. Il faudrait donc un sérieux redimensionnement, et je pense que c'est possible: si dans une curie, au lieu d'avoir une vingtaine de prêtres, il n'y en avait que cinq, comme par le passé, on pourrait envoyer les autres sur le terrain. Les paroisses italiennes sont toujours couvertes, bien ou mal, mais il y a d'autres domaines de la pastorale, je pense à la santé ou à l'éducation, qui ne le sont pas. Il s'agit d'avoir des priorités claires».

- Q. « Parmi les priorités de Bergoglio il y a sans aucun doute la politique au sens noble du terme, montinien («La plus haute forme de la charité»). Dans son discours à l'occasion du bicentenaire de l'indépendance de l'Argentine, le 16 Octobre 2010, l'archevêque de Buenos Aires élabore une pensée organique pour une citoyenneté "au sein d'un peuple", une véritable "théologie du peuple"….

R. (…) «Dans les années soixante, j'ai fait des conférences, à Reggio Emilia et à Bologne, sur la théologie de la libération, qui était alors encore en vogue chez nous. Ainsi j'ai étudié aussi un peu la théologie argentine, par exemple, le jésuite Juan Carlos Scannone (qui fut professeur de Bergoglio, ndlr). Déjà alors, cette théologie était reconnue comme étant essentiellement différente, car elle n'était pas fondée sur une analyse marxiste de la société, mais sur la religiosité populaire. Assimiler aujourd'hui l'insistance du pape François sur la pauvreté et la proximité avec les pauvres à la théologie de la libération est complètement hors de propos. Il s'agit au contraire simplement d'être fidèle à Jésus et l'Evangile». (…)

- Q. « Bergoglio s'est présenté comme l'évêque de Rome et c’est sur ce point qu’ il a invité à concentrer le regard. Comment combiner le primat pétrinien avec la collégialité aujourd'hui, c'est à dire non pas avec des formules abstraites, mais dans la pratique ? »

- R. Il me semble que la meilleure voie est d'essayer de faire une synthèse entre l'ecclésiologie du premier millénaire, où la collégialité prévalait, et l'ecclésiologie du deuxième millénaire, où au contraire l'accent était mis sur la primauté, préservant le meilleur des deux et essayant de les adapter à la réalité d'aujourd'hui. C'est un grand travail qui demande du temps et procédera par essais et ajustements. Je ne pense pas que nous nous arrêterons au Groupe des Huit, mais pour l'instant je ne peux pas en dire plus ».

© - FOGLIO QUOTIDIANO

Marco Burini »

Tout l’article ici : Nous avons besoin d'une nouvelle curie pour un meilleur exercice de la primauté de Pierre

Après 50 ans de réformes "pastorales" conciliaires peu probantes, 50 ans de réformes institutionnelles et structurelles ? Est-ce la bonne manière d’appréhender le problème de l’évaporation de foi catholique dans le monde post-moderne ? L’ecclésiologie doit être remise à sa juste place. Narcisse à force de contempler son image dans l’eau finit par s’y noyer.  

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