JMJ de Rio: sous le battage médiatique, un test majeur pour le pape François (28/05/2013)

Dans exactement deux mois, le Pape François fera son premier voyage intercontinental à Rio de Janeiro, au Brésil, pour les Journées mondiales de la Jeunesse . Quatre défis qui attendent le nouveau pontife sur cette sortie, et aussi nombreux que soient les visuels séduisants et les témoignages émouvants que génère le voyage, le triomphe n'est pas forcément évident.

Commentaires sous la plume de John L. Allen Jr., traduits par les soins du site « Benoît et moi » (extraits) :

 Relations Eglise-Etat

(…) Sur les 21 nations considérées comme constituant l'Amérique latine, 14 sont actuellement gouvernées par les partis de gauche, y compris le pays hôte de François, le Brésil.

La question essentielle pour l'Église est de savoir si elle peut se tailler des relations constructives avec ces gouvernements, ou si les liens seront rompus par des différends sur la politique sociale. François a une certaine expérience dans ce domaine, ayant eu une relation notoirement ambivalente avec le gouvernement de Cristina Kirchner en Argentine, en particulier sur le mariage gay. À bien des égards, le Brésil est un banc d'essai idéal.

Lorsque la présidente Dilma Rousseff a été élue en 2010, c'était au-dessus de l'opposition des évêques du pays, principalement ancrée dans les craintes qu'elle ne légalise l'avortement (…). Depuis l'élection, cependant, il n'y a pas vraiment eu d'affrontement titanesque Eglise/Etat. Rousseff a reculé dans son soutien à l'extension des droits à l'avortement, et l'année dernière elle a fait voter un loi controversée sur les registres de grossesses, rejetée par des groupes pro-choice pour un tas de raisons, y compris parce qu'elle définissait le foetus comme une personne. En outre, Rousseff s'oppose au mariage homosexuel, favorisant plutôt les unions civiles - en substance la même position que le Cardinal Jorge Mario Bergoglio en Argentine. De nombreux analystes accusent Dilma Rousseff d'aller vers le centre, en raison de pression non seulement de la part des catholiques, mais aussi des mouvements évangéliques et pentecôtistes de plus en plus influents du Brésil .

En termes de politique économique, un Pape qui aspire notoirement à «une Église pauvre pour les pauvres» devrait trouver un peu plus de matière à applaudir (…).Les statistiques du gouvernement disent que 28 millions de personnes sont sorties de la pauvreté, tandis que 36 millions de Brésiliens sont entrés dans la classe moyenne. Dans l'ensemble, ceci a été réalisée sans sacrifier la compétitivité; en dépit d'un récent ralentissement, la croissance du PIB au Brésil a été en moyenne de 4,5 pour cent par an au cours de la dernière décennie.

Toutes choses considérées, Rousseff et son Parti des travailleurs se profilent comme le type de régime de centre-gauche avec lequel le pape doit être en mesure de faire des affaires (…).

Le défi évangéliste et pentecôtiste

Le plus grand réalignement religieux de la fin du 20e siècle a sans doute été la transition de l'Amérique latine, passant d'une région catholique homogène à un marché religieux concurrentiel, principalement à cause des gains massifs chez les pentecôtistes et les évangéliques. À un moment donné, dans les années 1990, les évêques latino-américains estimaient qu'ils perdaient 8.000 personnes chaque jour vers ces divers mouvements protestants. Cette réalité met François face à trois tests distincts :

- Tout d'abord, les évêques latino-américains ont réfléchi sur les nouvelles réalités du continent dans un documents adopté lors de leur réunion de 2007 à Aparecida, au Brésil, le coeur de ce qui était l'appel à une «Grande Mission Continentale». L'idée était de faire revivre l'énergie évangélique de l'Église catholique, rompant avec le modèle clérical d'ouvrir les portes et d'attendre que les gens se présentent, et de dépasser le pentecôtistes en termes d'agitation missionnaire de rue. Bergoglio fut l'un des principaux auteurs de ce document et il reste cher à son cœur, comme en témoigne le fait qu'il en a présenté une copie à tous les dirigeants latino-américains qu'il a rencontrés depuis qu'il est devenu pape (…).

Deuxièmement, la progression des évangéliques et des pentecôtistes pousse également l'Église catholique à développer de nouveaux modèles d'œcuménisme. Le paradigme post-Vatican II pour les relations avec les autres chrétiens a été le dialogue avec l'orthodoxie et les Eglises de la Réforme, en particulier l'anglicanisme. (…) La Communion anglicane a une audience mondiale de 80 millions de fidèles, tandis que le patriarche œcuménique de Constantinople - y compris non seulement la Turquie, mais la diaspora orthodoxe - ne peut prétendre dépasser 3 millions de fidèles.
Le Pentecôtisme, quant à lui, a quelque 300 millions de fidèles, et si vous ajoutez les Charismatiques dans les principales Eglises, l'empreinte mondiale de la spiritualité pentecôtiste dépasse 500 millions de personnes. À ce jour, les relations du catholicisme avec le monde évangélique et pentecôtiste restent sous-développées, en partie parce qu'il n'y a pas de structure de officielle de direction, en partie parce qu'il y a un fort sentiment anti-romain dans certains milieux évangéliques et pentecôtistes (…). À l'heure actuelle il n'y a pas de rencontre oecuménique dans l'agenda du pape, ce qui ne peut manquer de paraître comme une omission assez flagrante. Il reste à voir s'il peut faire ou dire quelque chose en dehors du programme officiel pour générer un nouvel élan œcuménique.

- Troisièmement, l'Église catholique en Amérique latine est également confrontée au défi d'apprendre un nouveau langage. (…). L'autorité d'establishment, en d'autres termes, doit céder le pas à l'autorité de témoignage. A Buenos Aires, Bergoglio a été parmi les pionniers dans la navigation de cette transition, positionnant l'Eglise comme une force sociale crédible fondée non pas tant sur des déclarations magistrales que sur son efficacité à administrer les couches les plus négligés de la société (…)

Les médias et le message

Jusqu'ici François est encore auréolé de l'histoire d'amour avec la presse, surtout parce que les images au début de son pontificat ont été irrésistibles - repoussant l'appartement papal, appelant son cordonnier à Buenos Aires pour commander ses propres chaussures, et ainsi de suite (…) Il est également frappant que depuis que François est entré en fonction à la mi-Mars, le flux habituel des fuites en provenance du Vatican dans les médias italiens s'est largement tari. Cela donne à penser qu'il suit avec succès son scénario de Buenos Aires, prenant ses décisions lui-même, gardant ses cartes dans sa manche, et consultant uniquement ceux à qui il peut faire confiance (…). À ce jour, cependant, l'exposition de François dans les médias a été principalement axée sur ses propres mots, autour d'événements du Vatican et d'anecdotes que ses amis ont choisi de révéler. Rio sera la première fois où d'autres auront une part dans l'agenda du pape, et, tandis qu'il peut certainement compter sur les autorités brésiliennes pour promouvoir un scénario positif, il n'en sera pas nécessairement de même de la part des médias.  

« Youth appeal »

Compte tenu du genre de jeunes catholiques qui seront présents, ils vont être ravis d'être en présence du Pape, peu importe de qui il s'agit (…).

En réponse à une question de NCR, le père jésuite Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, a déclaré le 14 mai que François n'a jamais assisté aux Journées Mondiales de la Jeunesse principalement en raison de sa préférence de ne pas voyager hors d'une «stricte nécessité», notant que comme évêque et ensuite cardinal, il n'était venu à Rome que quand c'était absolument nécessaire.

Son absence lors des précédentes Journées Mondiales de la Jeunesse, a dit Lombardi, «ne doit pas être associé à un manque d'intérêt pour le travail pastoral auprès des jeunes», ajoutant qu'il y a «de nombreux témoignages significatifs» de sa préoccupation pour les jeunes.

Si vous devez faire vos débuts aux Journées mondiales de la Jeunesse, apparaître comme pape est évidemment une manière singulière de le faire. François a déjà un profil de «pape des pauvres». La question est maintenant de savoir si, après Rio, il sera également connu comme «le pape des jeunes».

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