MPT; à propos d'une lettre ouverte à l'abbé Grosjean et à ceux qui le suivent; poursuivons le débat (31/05/2013)

Un ami nous propose ses :

Réflexions sur une lettre ouverte à propos du soi disant bien fondé de la reconnaissance du « mariage » pour tous

Une "lettre ouverte à l'abbé Grosjean" à propos du "mariage pour tous" expose des arguments favorables à la reconnaissance du mariage homosexuel. Son objectif est de tenter de réfuter le discours des partisans de la Marche pour Tous.

http://blogs.mediapart.fr/blog/thierry-peltier/280513/let...

Ce commentaire mérite d’être décortiqué, dans la mesure où il laisse entendre un certain nombre d’approximations dans le fondement de ce qu’on voudrait présenter comme la victoire de la lumière sur l’obscurantisme.

Chrétien fidèle, engagé et marié

L’auteur de la lettre ouverte  se présente comme chrétien fidèle et engagé, marié (hétérosexuel donc, selon toute présomption), père et grand-père de famille nombreuse. Cela est possible. Ce qui surprend toutefois, plus on avance dans la lecture de ce texte, c’est qu’il ne se contente pas de défendre le droits des « autres » (homosexuels non-chrétiens) à suivre leur propre route, mais qu’au fil du texte il finit par présenter le couple homosexuel marié qui adopte comme le meilleur modèle familial qui existe ou puisse se concevoir : il pourra donner ce que les autres couples (hétérosexuels) ne peuvent pas donner (« l’amour désiré… »), etc…

Le texte s’est transformé subrepticement d’une sorte de « tolérance » (juridique ?) initiale en une apologie du modèle parental de la famille homosexuelle, qui en devient suspecte.

La question du mariage gay concerne-t-elle l’Eglise oui ou non ?

 L’argument selon lequel la question du mariage gay ne concerne pas l’Eglise ne tient pas. « Rien de ce qui est humain ne nous est étranger », disait déjà le poète latin (païen) Térence, à plus forte raison pour le chrétien, qui professe que l’homme et la femme ont été créés à l’image et selon la ressemblance de Dieu, que Dieu veut tisser une alliance avec lui et que le Verbe et Fils de Dieu s’est fait homme, pour que l’homme ait part à la vie de Dieu.

L’Eglise a un message, qu’elle tire de l’Evangile, sur ce qui est le bien de l’homme et de la femme, de la famille, de la filiation, de la société, y compris celui de la personne homosexuelle elle-même que seule la vérité peut rendre libre, avec la grâce de Dieu, et elle doit le délivrer, car cela fait partie de sa mission évangélisatrice : elle est porteuse d’une bonne nouvelle pour tout homme de bonne volonté.

Certes, en société démocratique, elle n’a pas le pouvoir de l’imposer, mais elle a le devoir d’en témoigner, d’éclairer les consciences, de solliciter les libertés, avec autant de respect que de clarté, pour le bien de l’homme et la gloire de Dieu. Dans le cas de la participation de plusieurs de ses membres à la « Manif pour tous », loin de manifester un retour à la « chrétienté », elle joue plutôt le jeu démocratique dont elle utilise les instruments.

Tentative de justification par les malheurs engendrés par le divorce

Pour l’auteur, le divorce chrétien, cela n'existe pas. Or , selon lui, « le divorce laisse derrière lui toutes sortes de dégâts bien visibles. Il y a parfois des enfants qui sont blessés à vie par le divorce de leurs parents ».

L’argument qui compare avec les dégâts du divorce, pour lesquels l’Eglise ne se serait pas mobilisée, historiquement ne tient pas. L’Eglise –et on le lui a assez reproché- s’est battue autant qu’elle le pouvait contre le divorce et même si elle a perdu la bataille législative (dans certains pays depuis le 19ème siècle), elle n’a pas varié dans sa doctrine, au point de se retrouver aujourd’hui en difficulté avec sa propre discipline sacramentelle :  l’accès aux sacrements n’est en principe pas possible pour les divorcés remariés (sauf à accepter de vivre come frères et sœurs) et ceux-ci commencent à former un groupe tellement nombreux parmi les baptisés que l’Eglise se trouve devant un sérieux défi pastoral, inédit dans son histoire.

Comparaison avec les orphelinats

« Dois-je vous rappeler ces multitudes de petites filles orphelines élevées dans des couvents de religieuses ? Ces enfants n'avaient "pas de papa" et sept ou huit mamans ».

L’argument qui compare avec les orphelinats ne tient pas non plus. Il y a pu comme partout exister des abus, mais normalement un enfant arrive en orphelinat non par choix, mais quand il a perdu ses parents. L’Eglise n’a jamais considéré cela comme un modèle, mais comme un mieux par rapport au fait de rester dans la rue. Tandis qu’ici, on présente le choix d’adopter par un couple homosexuel comme un modèle et on impose à un enfant de devoir grandir psychologiquement avec un seul identifiant (homme ou femme), non par nécessité (parce qu’un parent est mort ou les deux), mais pour assouvir un désir d’enfant que l’orientation sexuelle ne permet pas de réaliser naturellement, ce qui n’aidera pas, objectivement, la psychogenèse de l’enfant.

« Un couple de même sexe, désirant un enfant, voulant l'aimer pourra le soustraire d'un orphelinat du Tiers-Monde »

L’argument sur « l’amour désiré » ne tient pas davantage : d’abord, il fait primer le désir subjectif sur la réalité objective, qu’affirme aussi bien le récit biblique fondateur (« homme et femme il les créa, à l’image de Dieu il les créa ») que les règles élémentaires de la psychologie (le rapport au père et à la mère ; souvent une tendance homosexuelle se fixe chez un adolescent précisément quand une de ces deux images est altérée : père trop violent, sévère ou distant, mère envahissante et fusionnelle, etc… : ce qui peut se produire en raison de blessures familiales, inutile de le produire volontairement).

Ici, l’enfant ne se reçoit plus comme un don gratuit et imprévisible de Dieu, fruit de l’amour entre l’homme et la femme, il devient comme un droit du désir qui se fixe sur lui (un peu comme sur un objet) : la dimension fusionnelle est déjà implicite et l’altérité sexuelle absente dès le principe.

Et puis, sans comparer la Russie à un pays du Tiers-Monde, on rappellera quand même que Vladimir Poutine a suggéré l’idée de réviser les accords d'adoption avec les pays qui ont légalisé le mariage homosexuel.

"Nous devons réagir à ce qui se passe autour de nous. Nous respectons nos partenaires, mais nous demandons [qu'ils] respectent nos traditions culturelles, nos normes éthiques, législatives et morales", a-t-il dit.

Il est impossible de prédire quelles conséquences pratiques pourraient s’ensuivre, à l’initative de la Russie, mais aussi de bien d’autres pays, avec des conséquences qui toucheront aussi les couples hétérosexuels désireux de donner un avenir structuré à des enfants sans attache.

En conclusion, l’intervention de Monsieur Peltier semble traversée de part en part par la tentation sub specie boni (sous apparence de bien) la plus insidieuse.

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