Encyclique Lumen Fidei : le commentaire de l’abbé de Tanoüarn (08/07/2013)
Extraits :
(…) "A quatre mains", c'est ainsi qu'elle est présentée, elle est signée Franciscus, François pape. Mais elle est manifestement le dernier document qui soit rédigé par le pape Benoît. On reconnaît et son style, archidocumenté que ce soit dans l'ordre sacré ou dans l'ordre profane (Nietzsche, Rousseau, Wittgenstein), et sa manière, douce ne prenant jamais l'adversaire de front mais ne lui laissant aucune chance, et aussi sa volonté de faire le point sur tous les sujets afférents au sujet principal, comme on le fait dans un cours bien professé : salut par la foi, rapport foi et science, foi et société, foi et Eglise etc. C'est tout Benoît XVI, cela. - Un peu difficile à lire ? - C'est vrai, avouons-le. Comme ses trois autres encycliques d'ailleurs. Mais pour celui qui veut se donner la peine de la lire, quelle fécondité !
(…) L'ancien Préfet du Saint Office qu'est Benoît XVI n'oublie pas de le mentionner, en matière de foi, il n'y a pas de détails :
"Étant donné qu’il n’y a qu’une seule foi, celle-ci doit être confessée dans toute sa pureté et son intégrité. C’est bien parce que tous les articles de foi sont reliés entre eux et qu’en nier un seul, même celui qui semblerait de moindre importance, revient à porter atteinte à tout l’ensemble. Chaque époque peut rencontrer plus ou moins de difficultés à admettre certains points de la foi : il est donc important de veiller, afin que le dépôt de la foi soit transmis dans sa totalité (cf. 1 Tm 6, 20), et pour que l’on insiste opportunément sur tous les aspects de la confession de foi. Et puisque l’unité de la foi est l’unité de l’Église, retirer quoique ce soit à la foi revient à retirer quelque chose à la vérité de la communion" (n. 48).
Mais la foi n'est pas seulement le dogme. La connaissance qu'elle nous donne est aussi une connaissance pratique, l'élargissement d'horizon qu'elle produit en nous est quelque chose de vital. Elle est bien "loi de vie et d'enseignement" legem vitae et disciplinae, selon l'expression que l'on trouve chez Ben Sirach le sage que l'on appelle aussi l'Ecclésiastique. La fin du paragraphe 48 le souligne avec force :
"La foi se montre universelle, catholique, parce que sa lumière grandit pour illuminer tout le cosmos et toute l’histoire".
Non seulement la vie de chacun est éclairée par la lumière de la foi : elle offre indéniablement une voie pour apprendre à se connaître soi-même : "Que je me connaisse et que je vous connaisse !" dit saint Augustin dans ses Soliloques. C'est l'histoire et c'est le cosmos qui, dans un regard de foi, se mettent à parler. L'histoire, ce chaos, devient une source d'enseignement- sur la Providence divine. Quant au cosmos, au lieu d'arrêter le regard à la finitude de cet horizon qui le limite, il nous raconte la gloire de Dieu, il nous révèle l'Intelligence absolue, il nous établit dans la confiance tranquille. La foi est ainsi l'origine d'une science nouvelle, que chacun éprouve en lui-même comme une sagesse supérieure, qui permet de toucher à la Vérité, celle qui est à l'origine et à la fin. Le pape reprend d'ailleurs (c'est le titre de son deuxième chapitre) ce mot d'Isaïe qui avait tant ému saint Augustin : "Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas".
(…) L'Evangile est le bien de l'homme, " de tout l'homme et de tout homme" comme dirait Vatican II (GS22). C'est l'un des plus beaux passages de l'encyclique (à mon goût) qui nous rappelle, à travers un poème de TS Elliot, la nécessité d'un règne social du Christ, d'une socialisation de sa vérité, au-delà de toutes les laïcités :
"Quand la foi diminue, il y a le risque que même les fondements de l’existence s’amoindrissent, comme le prévoyait le poète Thomas Stearns Elliot : « Avez-vous peut-être besoin qu’on vous dise que même ces modestes succès /qui vous permettent d’être fiers d’une société éduquée / survivront difficilement à la foi à laquelle ils doivent leur signification ? ». Si nous ôtons la foi en Dieu de nos villes, s’affaiblira la confiance entre nous. Nous nous tiendrions unis seulement par peur, et la stabilité serait menacée.
(…) Sur ce sujet, il faut aller aux discours proprement politiques de Benoît XVI, en particulier son grand discours à Westminster House. Mais il était utile que, parlant de la foi, le pape François ne puisse pas faire moins que de rappeler le caractère nécessairement public (pour le salut du monde) de sa profession. Mgr Marcel Lefebvre, missionnaire en Afrique, ne disait pas autre chose.
Tout l’article ici : Première ou dernière encyclique
JPS
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