Liturgie de la messe : comment la chrysalide devint papillon (19/07/2013)

Une excellente catéchèse de Joseph Ratzinger au Congrès eucharistique de Bénévent (juin 2002) :

« Eucharistie » est aujourd'hui - à juste titre - le nom le plus courant pour le Sacrement du Corps et du Sang du Christ, que le Seigneur a institué le soir précédant sa passion. Dans l’Eglise antique, il existait à ce propos une série d’autres noms, tels qu’ « Agape » et « Pax », et aussi « Sinaxe » pour désigner une assemblée, une réunion d’un grand nombre.  Pour les protestants, ce sacrement s’appelle « Cène », dans l’intention - selon la tendance de Luther, pour qui seule l’Ecriture possédait une valeur - de revenir totalement à l’origine biblique. En réalité, chez saint Paul, ce sacrement s’appelle « Cène du Seigneur ». Mais il est significatif de constater que ce titre disparut très rapidement et qu’à partir du IIe siècle, il ne fut plus utilisé. Pour quelle raison? S’agissait-il d’un éloignement du Nouveau Testament, comme le pensait Luther, ou d’une autre raison?

Dans les faits, le Seigneur avait certainement institué le Sacrement dans le cadre d'un repas, plus précisément celui de la cène pascale juive, et c'est pourquoi au début, il avait également été lié à une réunion pour un repas. Mais le Seigneur n’avait pas commandé de répéter la cène pascale, qui constituait le cadre, mais qui n’était pas son Sacrement, son nouveau don.Quoi qu’il en soit, la Cène pascale ne pouvait être célébrée qu’une fois par an. La célébration de l’Eucharistie fut donc détachée de la réunion pour la cène, dans la mesure où était également en train de s’accomplir le détachement de la loi, le passage à une Eglise de juifs et de païens, mais surtout de païens. Le lien avec la cène se révéla ainsi comme extérieur, voire même comme une occasion d’équivoques et d’abus, comme S. Paul l’a largement démontré dans la première Lettre aux Corinthiens. Ainsi, l’Eglise, en assumant une physionomie particulière, a progressivement libéré le don spécifique du Seigneur, ce qui était nouveau et permanent, de l’ancien contexte et elle lui a donné une forme particulière. Cela se produit d’une part en raison du lien avec la liturgie de la parole, qui a son modèle dans la synagogue et, d’autre part, en raison du fait que les paroles d’institution du Seigneur formèrent le point culminant de la grande prière d’action de grâce, qui dériva progressivement des traditions de la synagogue, puis du Seigneur, qui avait certainement rendu grâce et louange à Dieu selon la tradition juive, mais qui avait cependant enrichi cette action de grâce d’une nouvelle profondeur, à travers le don de son corps et de son sang. On comprit que l’essentiel, dans l’événement de la dernière cène, n’était pas de manger l’agneau et les autres plats traditionnels, mais la grande prière de louange, dont le centre était à présent constitué par les paroles de Jésus lui-même : à travers ces paroles, il avait transformé sa mort en don de sa propre personne, si bien qu’à présent nous pouvons rendre grâce pour cette mort. En effet, ce n’est qu’à présent qu’il est possible de rendre grâce à Dieu sans réserve, car l’événement le plus horrible - la mort du Rédempteur et notre mort à tous - a été transformé grâce à un acte d’amour en un don de vie. On reconnut ainsi comme réalité essentielle de la dernière Cène l’Eucharistie, ce que nous appelons aujourd’hui la « Prière eucharistique », qui découle directement de la prière de Jésus à la veille de sa passion et qui est le cœur du nouveau sacrifice spirituel ; c’est le motif pour lequel divers Pères désignaient simplement l’Eucharistie comme « oratio » (prière), comme « sacrifice de la parole », comme « sacrifice spirituel », qui devient cependant également matière et matière transformée : le pain et le vin deviennent le corps et le sang du Christ, la nourriture nouvelle, qui nourrit en vue de la résurrection, pour la vie éternelle.

Ainsi, toute la structure des paroles et des éléments matériels devient une anticipation de l’éternel festin de noces. A présent, il importe seulement de mieux comprendre pourquoi nous, en tant que chrétiens catholiques, nous n’appelons pas ce sacrement « Cène », mais « Eucharistie » : l’Eglise naissante a lentement donné à ce Sacrement sa configuration spécifique et, précisément ainsi, sous la direction de l’Esprit Saint, elle a défini et correctement représenté par signes, ce qui est véritablement son essence, ce que le Seigneur a véritablement « institué » au cours de cette nuit.
C’est précisément en examinant le processus selon lequel le Sacrement eucharistique a progressivement pris sa forme, que l’on comprend d’une très belle façon le lien profond entre l’Ecriture et la tradition. Une simple relecture historique de la Bible, considérée de façon isolée, ne nous communique pas suffisamment la vision de ce qui est essentiel. L’essentiel ne nous apparaît comme tel que dans le contexte vivant de l’Eglise, qui a vécu l’Ecriture et l’a ainsi comprise dans son intention la plus profonde, nous la rendant également accessible.

Ici , sur le site Pro Liturgia  : « Eucharistie » 

 Savant et limpide à la fois, ceci n’est qu’un échantillon. Benoît XVI a beaucoup écrit sur la liturgie et a mis en pratique ce qu’il exposait dans sa manière de célébrer. Il serait intéressant d’en refaire une bonne synthèse et de l’enseigner, avec ardeur, en ces temps de décadence liturgique.  JPSC

12:57 | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |