Un prêtre belge victime de la tourmente révolutionnaire (06/09/2013)

Un ami nous transmet cette notice biographique parue dans Vlan (Vertiges du Passé par René Henry) qu'il a pris la peine de recopier pour belgicatho :

Itinéraire d'un enfant de Septroux, de Louvain à Cayenne

Le 18 mars 1747, en l'église de Dieupart-Aywaille, l'abbé Jean Léonard Berval administre le baptême au petit Jean-Joseph Havelange né le même jour à Septroux. Sa maman est Dorothée Noirfalhize et son papa, Pascal Havelange, est un des échevins de la cour de la seigneurie de Harzé.

Nous savons malheureusement fort peu de choses sur l'enfance, si ce n'est que ses parents lui offrirent l'occasion de suivre des études au séminaire de Liège où il reçut un enseignement qu'il sut mettre à profit puisque nous le retrouvons, à 19 ans, à la faculté des Arts à l'Université catholique de Louvain.

Après avoir terminé ses études de théologie, en 1772 ou 1773, il est ordonné prêtre à Malines. A cette époque, le Pape Clément XIV, répondant aux pressions des grands souverains européens, supprime la Compagnie de Jésus. Il convient dès lors de remplacer le personnel enseignant du collège de jésuites. Jean-Joseph Havelange y est désigné pour y enseigner la physique puis la philosophie et, enfin, la théologie dogmatique, son domaine de prédilection.

Le monde clérical vit difficilement les conséquences de l'édit de l'Empereur Joseph II qui, le 16 octobre 1680, affirme sa volonté politique d'écarter les hommes d’Église de la vie publique en mettant notamment sous tutelle la formation des jeunes prêtres. Cet édit, s'il s'attaque à de réels abus comme l'acceptation des vœux définitifs de trop jeunes séminaristes, se révèle aussi très intrusif et très excessif car, outre qu'il veut régir les études et la formation des jeunes prêtres, il va, par exemple, jusqu'à fixer le nombre de cierges qu'il est permis d'allumer pendant les offices. Les exagérations contenues dans cet édit de Joseph II comptent parmi les causes réelles de la Révolution brabançonne qui précède de peu la Révolution liégeoise.

Le directeur qui a été désigné pour diriger le collège de Luxembourg est, on n'en sera nullement étonné, tout à fait soumis aux exigences du pouvoir civil. Quand il fait distribuer aux élèves une brochure dans laquelle la doctrine de l’Église en matière d'enseignement est violemment attaquée, Jean-Joseph Havelange et quelques-uns de ses collègues en avertissent les évêques. Les auteurs et biographes qui relatent les événements qui s'ensuivirent montrent indubitablement le désordre qui règne alors dans les relations entre les pouvoirs civil et religieux. Certains affirment que Jean-Joseph Havelange et ses collègues démissionnent pour marquer leur profond désaccord alors que d'autres prétendent que ces professeurs sont révoqués sur ordre de l'autorité civile. Il n'est d'ailleurs pas impossible qu'il y ait bien eu démission avant qu'une révocation officielle ne soit prononcée. Quoi qu'il en soit, Jean-Joseph Havelange est néanmoins réintégré dans ses fonctions au mois de septembre suivant avant d'être immédiatement pensionné pour de prétendus ennuis de santé. Il rentre alors à Louvain et y poursuit ses études théologiques qui le mèneront à publier un ouvrage en latin dans laquelle il réfute une thèse contre l'infaillibilité de l’Église en matière dogmatique. Sous prétexte que son ouvrage n'a pas été soumis à la censure de l’État, il fait l'objet d'une saisie et son auteur est placé sous sévère surveillance. Il bénéficie néanmoins du soutien du Pape Pie VI qui reconnaît ses mérites dans un document daté du 1er juillet 1789.

Pendant la Révolution brabançonne, Jean-Joseph Havelange est aumônier militaire sur les lieux de combat même mais également dans les hôpitaux militaires. En 1792, il sera réintégré par l'autorité française dans son université, à Louvain, en qualité de Président du collège Viglius. En 1794, il termine son doctorat en théologie et devient, en 1796, doyen de la Faculté de théologie avant d'être, le 31 août 1797, élu recteur magnifique de l'Université catholique de Louvain.

La jeune République française promulgue, le 5 septembre 1797, une loi rendant obligatoire la prestation du serment suivant: "Je jure haine à la royauté et à l'anarchie, attachement à la République et à la Constitution de l'an III." Comme beaucoup de prêtres, Jean-Joseph Havelange, fidèle aux convictions qui l'avait déjà conduit à résister à la volonté de Joseph II, refuse de prêter ce serment liant au pouvoir civil, sans suites pour sa personne dans un premier temps.

Les Oratoriens de Montaigu font appel à lui car ils soupçonnent qu'une de leurs malades est en proie à une possession démoniaque. Accusé d'avoir pratiqué un exorcisme et ridiculisé par la presse de l'époque, Jean-Joseph est immédiatement condamné à la déportation. Il fut néanmoins d'abord mandé à Louvain où, en sa qualité de recteur, il se vit notifier la suppression de l'Université décidée par un arrêté du Département de la Dyle. Le lendemain, il est inacrcéré à Louvain puis transféré à Bruxelles.

Comme tous les condamnés de l'époque, il marcha de brigade en brigade de gendarmerie vers le port de Rochefort en passant par Mons, Valenciennes, Douai et Versailles. Le contingent de déportés auquel il appartient est à Rochefort le 5 janvier 1798, les prisonniers sont détenus dans des conditions d'hygiène épouvantables et quasiment privés de nourriture. Malade, Jean-Joseph, fait un passage à l'hôpital avant de rejoindre ses compagnons d'infortune et d'être tous embarqués et entassés, le 13 mars, dans l’entrepôt de Charente, un navire de guerre. Les vents sont défavorables et le bâtiment ne peut quitter le port avant le 21 mars. Quand enfin le vent gonfle ses voiles, c'est pour mettre le bateau français face à trois navires de guerre anglais qui le canonnent durant quatre heures, l'obligeant à rentrer au port.

Un mois plus tard, c'est au bord d'un vieux navire de commerce, la Décade, que les 180 déportés sont poussés. Après une traversée épouvantable sur cette embarcation pouvant accueillir 150 personnes, ils sont à Cayenne le 15 juin où Havelange est d'abord accueilli "avec obligeance" chez le colon Duchesne. Le climat et le paludisme eurent raison de sa santé, Jean-Joseph Havelange décède dans la très malsaine plaine de Counamama près de Sinnamary le 6 septembre 1798.

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