Marie, Salut non seulement du Peuple Romain mais du monde entier (12/09/2013)

De Sandro Magister :

jpg_1350598.jpgFrançois et le miracle de l'icône

Pourquoi le souverain pontife a placé, au centre de la veillée pour la paix, la plus vénérée des images de la Mère de Dieu conservées à Rome. Une histoire de foi qui remonte à Grégoire le Grand. Le commentaire du père Innocenzo Gargano 

ROME, le 12 septembre 2013 – Après quelques jours, le caractère extraordinaire de la veillée présidée par le pape François sur la place Saint-Pierre, le soir du samedi 7 septembre, devient de plus en plus perceptible.

Tout d’abord son motif : une journée de jeûne et de prière pour demander la paix en Syrie, au Moyen-Orient et partout où il y a la guerre. Avec la participation non seulement de catholiques mais également d’hommes de toute religion ou simplement "de bonne volonté". Pas uniquement à Rome mais dans un grand nombre de villes du monde.

Ensuite la durée. On n’a pas le souvenir d’une autre veillée publique de prière ayant duré quatre heures consécutives, depuis le coucher du soleil jusqu’à la nuit noire, le pape étant constamment présent.

Mais aussi le silence. Pendant tout le temps de la veillée, le recueillement des cent mille personnes qui remplissaient la place Saint-Pierre et ses environs a été intense et plein d’émotion. En harmonie avec l'austérité accentuée de la présence même du pape.

Il y a surtout la forme qu’a prise la prière. Celle-ci a commencé par la récitation du chapelet, la plus évangélique et la plus universelle des prières "populaires", et par une méditation prononcée par le pape François. Elle s’est poursuivie par l'adoration du Saint-Sacrement. Elle a continué avec l’office des lectures – c’est-à-dire la psalmodie nocturne des moines – et la lecture de passages de Jérémie, de saint Léon le Grand et de l’Évangile de Jean. Elle s’est conclue par le chant du "Te Deum" et par la bénédiction eucharistique donnée par le pape.

Mais ce qui a le plus frappé les personnes présentes, c’est peut-être l’arrivée sur la place, au début de la célébration, de l'icône mariale de la Vierge de Rome "Salus Populi Romani", portée par quatre hallebardiers de la Garde Suisse et précédée par deux petites filles tenant des bouquets de fleurs. L'icône a été placée devant le pape François, qui l’a vénérée avec dévotion et elle a été le point de référence de toute la veillée, à côté de l’autel.

La datation de cette icône représentant la Mère de Dieu, qui est conservée à la basilique Sainte-Marie-Majeure et qui porte depuis le XIXe siècle le nom de "Salus Populi Romani", est un sujet de controverse. Elle oscille entre le VIIe et le XIIe siècle.

La tradition affirme qu’il s’agit d’une copie, peinte par l'évangéliste Luc, d’une image représentant Marie et l’Enfant Jésus qui serait apparue miraculeusement dans une église construite par les apôtres Pierre et Jean dans la ville de Lydda.

On raconte que l’icône, qui avait d’abord été conservée à Byzance, arriva à Rome par la mer et qu’elle fut accueillie par le pape Grégoire le Grand sur le rivage du Tibre.

Le cardinal Cesare Baronio, historien de l’Église, écrivit que c’était le pape Grégoire qui avait placé l'icône à la basilique Sainte-Marie-Majeure, en 590, au terme d’une procession ayant pour but de demander la cessation de l’une des plus graves épidémies de peste qui aient frappé la ville de Rome. À cette occasion, on vit au-dessus du Mausolée d’Hadrien l'archange Michel qui remettait son épée au fourreau. La peste cessa et le Mausolée prit le nom de Château Saint-Ange.

Une autre épidémie de peste prit fin au XVIe siècle grâce à l'intercession de la Vierge représentée sur cette icône, lorsque saint Pie V la porta en procession jusqu’à la basilique Saint-Pierre.

Lorsque les jésuites partirent pour leurs premières missions, ils emportèrent avec eux des reproductions de cette icône, pour laquelle ils éprouvaient une très grande vénération.

Pie XII lui rendit hommage lorsqu’il proclama le dogme de l’Assomption en 1950 et il la couronna de nouveau à Saint-Pierre en 1954, lors du centenaire de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception.

Jean-Paul II associa une copie de cette icône aux Journées Mondiales de la Jeunesse organisées en 2000 à Rome.

Et, à partir de celles qui furent célébrées par Benoît XVI à Cologne, en 2005, toutes les Journées Mondiales de la Jeunesse qui ont eu lieu ultérieurement ont porté en pèlerinage, en même temps que la Croix, une copie de l'icône de la Vierge "Salus Populi Romani".

Le pape François a lui aussi voulu qu’elle soit présente aux Journées Mondiales de la Jeunesse organisées à Rio de Janeiro, au mois de juillet dernier. Lorsqu’il a été élu pape, il s’est rendu, pour sa première sortie, à la basilique Sainte-Marie-Majeure, afin de s’agenouiller et de prier devant cette icône.

L'image qui y est représentée est celle de la Vierge "Hodigitria" : celle-ci tient dans ses bras l’Enfant Jésus qui la regarde avec amour tandis que, de sa main droite qui fait un geste de bénédiction, il semble indiquer la route dont sa mère connaît bien la direction et le tracé.

Ce qui frappe, dans cette icône, c’est le regard intense de Marie, qui invite à parcourir la route indiquée par le Fils. Elle regarde au loin, précisément dans la direction qu’il indique. Sa main droite, qui soutient l’Enfant, répète le geste de Jésus et l’amplifie.

Dans l'ancien rituel romain, lors de la fête de l'Assomption de Marie au ciel, l'icône de la "Salus Populi Romani" accueillait, sur le seuil de la basilique Sainte-Marie-Majeure, l'icône du Christ "acheiropoïète" (non faite de main d'homme) conservée dans le "Sancta Sanctorum" de la résidence du pape au Latran et qui avait été portée jusque là en procession. En une sorte de danse entre les deux icônes, le Fils rendait hommage à sa Mère.

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La décision du pape François de placer au centre de la veillée pour la paix cette icône de la Mère de Dieu – non pas une copie, mais l'originale – porte donc en soi toute la force de signification de son histoire. Le pape voit en celle-ci la foi du peuple de Dieu qui, pendant des siècles, à tous les moments de crise, s’est regroupé autour de cette icône pour demander au ciel un signe de grâce, parce que "ce qui est impossible aux hommes n’est pas impossible à Dieu".

Dans la note ci-dessous, le père Innocenzo Gargano analyse en profondeur la signification de la présence de l'icône de la Vierge "Salus Populi Romani" lors de la veillée ordonnée par le pape François.

Le père Gargano, moine camaldule, a été prieur du monastère romain de Saint-Grégoire-au-Mont-Cœlius, fondé par le pape dont il porte le nom. Il a beaucoup étudié les Pères de l’Église, en particulier cet illustre pontife, auquel l’histoire de cette icône est particulièrement liée. 

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LE SALUT NON SEULEMENT DES ROMAINS MAIS DU MONDE ENTIER

par Innocenzo Gargano

L’ostension de l’icône authentique de la Vierge  "Salus Populi Romani" en conclusion du temps de jeûne qui avait été ordonné par le pape François pour obtenir du Seigneur, par l’intercession de la Vierge Marie Mère de Dieu, la paix en Syrie, au Moyen-Orient et sur toute la face de la terre, a amené un très grand nombre de fidèles à s’interroger.

Quel pouvait être le sens de l’ostension de cette icône, placée à côté de l’autel et du Saint-Sacrement, en présence d’un pape François presque constamment agenouillé ? 

On ne peut répondre qu’en rappelant qu’une icône ne peut jamais être considérée uniquement comme un tableau, quel que soit le génie artistique qui l’a produite, parce que, à la différence d’un simple tableau, qui incite celui qui le regarde à en vérifier l’harmonie et la beauté, l’icône rend présente, à sa manière, la personne même qui y est représentée. 

Ce n’est pas tout. L’icône étant pleine de l’énergie de foi qui lui a été communiquée par tous ceux qui, devant elle et grâce à elle, ont tourné leur cœur vers le Seigneur, elle distribue ce qu’elle a elle-même reçu à tous ceux qui s’approchent d’elle avec foi. 

En particulier l’icône, cette icône – qui est reconnue par l’Église comme une occasion de "mirabilia Dei" particuliers que nous appelons habituellement "miracles" –  reflète, reproduit et reverse dans le cœur de ceux qui se tournent vers elle avec simplicité et avec une totale disponibilité vis-à-vis de la volonté de Dieu les grâces mêmes dont la Vierge Mère de Dieu a été pleinement gratifiée, cela en proportion de la foi de chacun.

L’icône authentique de la Vierge "Salus Populi Romani" – il ne s’agit donc pas d’une quelconque reproduction telle que celles que nous portons souvent dans notre portefeuille – est pleine de tout cela. En effet elle porte en elle l’héritage de foi des générations chrétiennes qui, sollicitées par l’archétype auquel cette icône elle-même renvoie, c’est-à-dire la Vierge Mère de Dieu, ont demandé et obtenu, en raison de leur foi, la paix, la sécurité et la santé comme un acompte du salut promis à tous par Jésus Son Fils, le Sauveur.

D’où l’importance particulière qu’ont eue, samedi 7 septembre, la présence et l’ostension de l’icône de la "Salus Populi", qui devenait ainsi un acompte sur le salut non plus seulement pour les Romains, mais pour le monde entier, à l’issue du temps de jeûne demandé et obtenu par le pape François avec la participation de millions de catholiques, de chrétiens, de croyants et d’hommes de bonne volonté, qui recherchent l’harmonie du monde et la paix. 

Seule la basilique de Monreale, avec ses merveilleuses mosaïques, aurait pu soutenir la comparaison avec la vision paradisiaque qu’offrait la place Saint-Pierre, lors de cette veillée vécue par les peuples du monde entier autour de l’autel et de la Parole de Dieu, le Saint-Sacrement étant exposé, en compagnie de l’icône, en présence du pape.

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La référence à Monreale que fait le père Innocenzo Gargano dans les dernières lignes de son texte renvoie à un chef-d’œuvre absolu de l'art chrétien : la basilique qui fut construite au XIIe siècle par les rois normands à Monreale, sur les hauteurs qui dominent Palerme, et dont l’intérieur est entièrement recouvert de mosaïques qui représentent tout le dessein de Dieu sur le monde et sur l’Histoire.

Les mosaïques qui, à Monreale, représentent la création sont un sommet artistique et théologique de tout le cycle. Dans la première de ces représentations l’Esprit de Dieu fend l'abîme avec une énergie impressionnante, créant l’"harmonie" là où il y avait précédemment le chaos.

Et c’est précisément l'harmonie originelle que la sagesse de Dieu a donnée à la création et créée entre les êtres humains – avec laquelle contraste l'irruption du péché et le meurtre d’Abel, dont les guerres sont le tragique héritage – qui constitue le premier thème de la méditation prononcée par le pape François au cours de la veillée du 7 septembre :

> "Dieu vit que cela était bon"

Le père Innocenzo Gargano et l’historienne d’art Sara Magister ont présenté, en douze épisodes captivants réalisés en 2013 pour TV 2000, la chaîne de télévision des évêques d’Italie, la lettre et l’esprit de tout l’ensemble des mosaïques de Monreale.

Ces douze épisodes, d’une durée d’une demi-heure chacun, peuvent être vus à tout moment par ordinateur, sur le canal YouTube de TV 2000 :

> Il "Credo" nei mosaici di Monreale

Et le premier épisode est celui dans lequel on peut admirer les merveilleuses mosaïques qui représentent la création :

> "Io credo in Dio, Padre onnipotente, creatore del cielo e della terra"

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Le livret contenant les textes, les chants et les prières de la veillée du 7 septembre, qui a été distribué aux personnes présentes sur la place Saint-Pierre :

> Veglia di preghiera per la pace con il Santo Padre Francesco

Traduction française par Charles de Pechpeyrou.

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